Quelles chances pour la relance de la Charte intercommunale?

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En vue du lourd malaise que vivent certaines communes de Kabylie, au cours de ces dernières semaines, faisant que les services de la mairie sont fermés devant la sollicitation des habitants, l’on ne peut que déplorer cette situation qui pénalise les services publics et le développement dans une région qui en a vivement besoin, tout en essayant d’exhumer une idée vieille de quelques années lancée par des élus locaux de huit communes de la Kabylie maritime et consistant à adopter une Charte intercommunale regroupant, dans une instance « informelle », plusieurs communes afin de gérer les questions et les problèmes qui chevauchent sur leur territoire. «Informel» n’est sans doute pas l’adjectif qui convient, tant la structure prévue et les actions de solidarités intercommunales envisagées émanent de structures et de personnalités officielles, à savoir les APC et leurs élus. C’est justement cette intervention de la société à travers ses élus de base ou ses associations, exploitant un vide d’organisation entre les communes que ne saurait combler par exemple la daïra, qui, d’une part, pose un problème d’organigramme dans la pyramide institutionnelle d’une administration trop jalouse de ses prérogatives, et de l’autre part, permet aux organisations de la société de mieux respirer et de gérer leur quotidien. En d’autres termes, c’est le besoin impérieux de la décentralisation et de l’organisation autonome de la société qui s’exprime à travers de telles initiatives. Même si le schéma proposé n’a pas pu emballer les esprits et réussir dès le premier coup, ce n’est pas là une preuve de son inanité. C’est plutôt le signe d’une extrême rigidité du schéma institutionnel du pays qui, avec de telles idées émanant de la société finira par lâcher du lest. Des officiels eux-mêmes n’ont pas manqué de le constater et de le dire publiquement. Un diagnostic sans complaisance a été fait lors des assises nationales du développement local qui ont été organisées par le Conseil national économique et sociale (CNES) en décembre 2011, après des séminaires régionaux ayant regroupé les élus et les responsables locaux. Les limites du code communal ont été mises sur la table. L’état de fonctionnement des services publics au niveau local (distribution d’eau potable, transport, gestion des déchets ménagers et industriels, voirie, hygiène, action culturelle, loisirs,…) a été passé en revue, en mettant l’accent sur la nécessité de faire bénéficier les élus de plus de prérogatives et de marges de manœuvres, car la typologie actuelle de l’organisation institutionnelle a étouffé l’initiative locale et, par conséquent, ouvert la voie vers toutes formes de contestations et de dérives. L’abandon de l’uniformatisation de l’organisation administrative est de nature à revaloriser les potentialités et les énergies locales, à contribuer à l’exploitation ingénieuse des atouts naturels (tourisme, ressources, …) et à mieux domestiquer les contraintes. En vérité le besoin de décentralisation accrue est en train de s’exprimer un peu partout, sachant que les schémas traditionnels de concentration de pouvoirs ont atteint leurs limites objectives. L’idée de l’intercommunalité a fait tilt, réveillé les instincts de solidarité et ouvert la voie vers l’initiative citoyenne. Tout ce qui a été dit et écrit sur le centralisme castrateur de l’État n’a eu, semble-t-il, d’écho positif que dans cette géniale idée qui sort des entrailles de la société. Elle émane de responsables élus ou de membres d’association ayant pris conscience des vrais problèmes qui se posent sur le terrain. Ils ont également pris conscience de l’impossibilité de faire tout de suite une «révolution» institutionnelle par le haut. C’est pourquoi l’on a pensé que les petits pas qui viennent de la société peuvent parfois dépasser les propositions de pas de géants contenues dans des décrets ou des arrêtés ou annoncés en grandes pompes par les états-majors de partis politiques. Notre journal est resté à l’écoute de ces voix qui sourdent de la société et qui tentent, dans le grand capharnaüm de la gestion locale, d’apporter leur contribution à une meilleure visibilité de la gestion des territoires et insuffler une nouvelles énergie, saine, issue de la participation citoyenne, dans la prise en charge des affaires publiques. On avait répercuté le projet de la Charte intercommunale dès que l’idée en a été annoncée en 2007 par huit communes de la Kabylie maritime, à savoir Ouaguenoune, Aït Aïssa Mimoune, Timizart, Iflissen, Tigzirt, Mizrana, Boudjima et Makouda. Cette proposition avait pris les contours d’une décision réfléchie, mais, face à la raideur de l’organisation administrative du pays et à une culture politique toujours nourrie par la dérive centralisatrice, il était difficile de la mettre en pratique. L’État est venu ensuite avec les projets de modernisation de la gestion locale, de l’amélioration des services publics (à travers un ministère qui a eu une longévité de quelques mois) et d’un nouveau découpage administratif qui demeure dans les tiroirs depuis mai 2014. Dans toutes ces tentatives de mieux approcher la gestion locale, les initiateurs de la Charte intercommunale ont eu le mérite de montrer la voie. Dans la médiocrité ambiante et le climat d’adversité ils ont fait l’effort de réfléchir au bien public et de mériter leur mandat. Aujourd’hui, plus que jamais, dans un contexte tendu fait de fermeture de plusieurs sièges de mairies et de dégradation inouïe du cadre de vie des populations, cette expérience de l’intercommunalité mérite d’être méditée et relancée à plus grande échelle, avec plus d’adhésion et de conviction.

Amar Naït Messaoud

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