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Béjaïa : Maison de l’eau de Toudja : Le survol de l’histoire de la région et de l’aqueduc romain

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Le village de Toudja a tout le temps été désigné, par ses habitants-mêmes, sous le nom d’Aghbalou, et ce vocable signifie « source » en tamazight.

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La source, Aghbalou ou El- ainseur de Toudja, qui jaillit depuis la nuit des temps de la montagne qui culmine à 1 317 mètres d’altitude, est si importante que son nom a fini par supplanter celui de toute la région. Cette source aux qualités millénaires, qui sont sa richesse exceptionnelle en minéraux et oligo-éléments et sa légèreté naturelle d’eau de montagne, est si importante aussi que les Romains, en l’an 137, avaient jugé plus qu’utile de la capter, malgré un relief accidenté une distance de 16,5 Kms et un dénivelé de seulement 400 mètres, et de l’acheminer par un système ingénieux d’aqueduc, de tunnel et de specus jusqu’à l’antique Saldaé romaine, fondée en 26/27 avant JC par l’empereur Romain Octave sur le territoire de la ville actuelle de Béjaïa. La canalisation romaine, qui a fonctionné par simple gravitation, a servi depuis la colonisation romaine jusqu’à celle des Français en traversant tout le Moyen Age. Elle a cependant été refaite vers la fin du XIX siècle par les Français qui en ont légèrement modifié le tracé. L’aqueduc Toudja-Béjaïa est l’un des monuments les plus intéressants de la conservation archéologique de Béjaïa. Aussi, le groupe GEHIMAB de l’université de Béjaïa, en collaboration avec la circonscription archéologique de Béjaïa, la Direction de l’hydraulique de la wilaya de Béjaïa, les APC de Toudja et de Béjaïa et la société des eaux de Toudja, a mis sur pied un projet qui a abouti à la création de la Maison de l’eau à Toudja (Akham wamane). Installée dans l’ancien souk-el-fellah de la ville, cette institution est aujourd’hui une sorte de musée d’eau, qui permet aux visiteurs actuels et ceux des générations futures, grâce à une série de 37 panneaux géants, ingénieusement disposés à divers endroits de la Maison de l’eau, de connaître toutes les péripéties qui ont jalonné la réalisation de l’aqueduc de Toudja par les Romains. Le visiteur fera ainsi, entre autres, une meilleure connaissance avec la source, le tracé de l’aqueduc, les méthodes de calculs utilisées par le librator Nonius Datus pour le percement du tunnel de Lahbel. Visiter la Maison de l’eau de Toudja, c’est non seulement passer en revue toute l’histoire de la région, mais aussi permet de découvrir les objets exposés comme les jarres, les amphores et les vases de différentes dimensions, les coffres en bois et autres effets qui accompagnaient les mariées, les outils agraires et ceux qui servaient à filer la laine et à la tisser. Visiter cette institution c’est donc survoler la culture ancestrale et la situation socioéconomique de la région, voire de toute la Kabylie, à travers les âges. Toudja, ou plutôt Aghbalou, chef-lieu d’une commune de quelque 13 000 habitants, située à 25 Kms à l’Ouest de Béjaïa, est l’un des rares villages en Kabylie, où il fait encore bon vivre dans les maisons aux tuiles rouges. Le village semble en effet n’avoir subi que très peu «d’agressions» de la l’architecture moderne, avec des toits plats hérissés de fer à béton. Concernant la production agricole, si dans le passé Toudja était réputée pour ses arbres fruitiers comme les orangers et les grenadiers ou pour son miel, aujourd’hui, ces productions sont réduites à leur plus simple expression comme en témoigne l’indigence de ses marchés hebdomadaires où, à quelques rares exceptions près comme les plaquemines et les citrouilles, tous les produits mis en vente viennent des marchés de gros de la vallée de la Soummam ou d’ailleurs. Pour revenir à la Maison de l’eau, quelques uns de ses panneaux installés ça et là par ses concepteurs au grand profit des visiteurs, décrivent le village et le mont d’Aghbalou, indiquent que, depuis l’antiquité Toudja abrite des sources très abondantes dont les eaux faisaient fonctionner un grand nombre de moulins. La tribu de Toudja est connue aussi pour ses faits d’arme.

Le musée au 37 panneaux

En 1845, elle a mis sous les armes 500 fantassins pour s’opposer à l’occupation des Français. Un autre tableau qui traite des sources de Toudja souligne, qu’au XIXème siècle, l’ingénieur Benoit, qui consacre une étude approfondie à la source, qualifia son eau de rare. Selon le Guide Bleu, édité par Hachette en 1950, la source de Toudja débitait 5 616 litres à la minute. L’historique de l’aqueduc est fourni essentiellement par le cippe romain de Lambèse. La célèbre inscription gravée sur un cippe hexagonal a été découverte à Lambèse (Batna) en octobre 1886. Ce cippe a été transféré à Béjaïa pour orner la fontaine symbolisant la grandeur de l’aqueduc. Il mentionne que, dans une première lettre, le Gouverneur de la Mauritanie césarienne avait prié le Légat de Numidie de lui envoyer le librator Nonius Datus, vétéran de la 3ème légion d’Augusta. En effet, le chantier de l’aqueduc avait été commencé mais l’exécution présentait des difficultés et on avait besoin des connaissances spéciales du librator. Dans une 2ème lettre, le Gouverneur demande à nouveau au Légat de Numidie, au nom de la ville de Saldaé et de ses habitants, de lui envoyer de nouveau Nonius Datus pour achever l’aqueduc. En effet, les constructeurs du tunnel n’avaient pas respecté les plans du librator. Les équipes chargées de percer le tunnel, parties chacune des deux bouts de la montagne, ne s’étaient pas rencontrées. Le librator fit les calculs et permis la jonction. Les travaux auraient duré 4 à 6 ans et le rôle de l’armée se serait limité à la mise à la disposition du chantier d’un technicien de haut niveau en la personne de Nonius Datus. Le tracé de l’aqueduc, lit-on dans un panneau exposé dans la Maison de l’eau, partait de l’actuelle source d’El-Ainseur. Il contournait le petit massif de Breroudj pour atteindre le col de Tihenaine. Après le pont aqueduc, il suit presque constamment le tracé de l’actuelle route des Crêtes. On retrouve la canalisation à Ifrane. A Ighil Lahbel, elle fait place au fameux tunnel qui ressort à El-Djenane, puis il continue sur Sidi Meftah, Imoula, Adrar Oufarnou, Fort Clauzel et enfin Sidi M’hamed Amokrane. Le tracé aboutit dans les citernes de la haute ville actuelle. Les deux points principaux à retenir dans ce tracé sont le pont Tihenaine de l’aqueduc et le tunnel de Lahbel. Le pont de Tihenaine de l’aqueduc a été l’un des points critiques du dispositif de l’adduction. Il a été mis en place pour pallier à la perte de pente et faire ainsi traverser la dépression de l’Hanait. On parle d’une envergure de 300 mètres et d’une hauteur de 15 mètres sans qu’il soit encore possible de déterminer le nombre de piliers. Toutefois, la hauteur des piliers du centre est plus importante. La technique de construction est en bossage très apparent. Ces piliers étaient en fait reliés entre eux par des arcades pour assurer la rigidité de l’ouvrage. Quant au tunnel de Lahbel, qui était considéré comme un exemple d’ouvrage de génie civil, réalisé par une main-d’œuvre militaire, le panneau qui lui est réservé indique qu’il a été percé pour le passage de l’aqueduc allant de Toudja vers Béjaïa. Il mesure environ 560 mètres de long. L’équipe de recherche, qui a été mise sur pied en 2006 pour retrouver et explorer le tunnel, note que l’état de ce dernier est préservé en sa morphologie initiale. Il y a la présence d’un filet d’eau suivant un pendage très régulier tout au long du trajet. Il y a aussi la présence de voûte pour consolider la partie haute. Un homme de grande morphologie aura de la peine à se déplacer. La 1ère porte se trouve dans dépression d’Ighil-Oulmoutène et la 2ème, celle de la sortie, à El-Djenane. Le tunnel est long de 60 à 80 cm et haut de 1, 65 mètre à 2 mètres. Les deux cheminées d’aération, scellées en leur partie supérieure, se trouvent respectivement à 30 mètres des deux portes. La galerie du tunnel est en méandre avec des bifurcations très développées à certains endroits. Le socle a un dénivelé très régulier, donc un pendage qui permet à l’eau de couler régulièrement. A certains endroits, l’eau atteint une hauteur de 10 cm. Cette eau d’un débit considérable était stockée dans les nombreuses citernes romaines qui existaient à Béjaïa, lit-on sur l’un des panneaux exposés à la Maison de l’eau de Toudja. Les plus importantes étaient celles de Sidi Touati, de Frantz Fanon et la mairie. Cependant, celle où devait arriver l’eau de l’aqueduc se trouvait au Camp supérieur, sur le plateau Amimoun, devant la porte du grand ravin. Cependant, à l’instar d’autres parties de l’aqueduc, elles furent réalisées dans le dispositif de distribution de l’eau dans la ville depuis les Hammadites, à l’époque médiévale, jusqu’aux Français au XIX siècle. Leurs dimensions étaient de 29,60 m x 15,85 m x 15,50 m, soit un volume de 7 271 m3 Toutefois, selon le témoignage du Dr Shaw, l’aqueduc et les réservoirs étaient détruits au XVIII siècle.

B. Mouhoub

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