Les boulangers dans le pétrin !

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La profession de boulanger au niveau de la wilaya de Bouira, à l’instar des autres régions du pays, traverse une forte zone de turbulences.

La plupart des boulangers, du moins ceux Interrogés, n’hésitent plus à évoquer l’idée de mettre la clé sous le paillasson et se tourner vers une activité plus lucrative. Cette hypothèse interpelle et inquiète à plus d’un titre, lorsqu’on sait l’importance de ces artisans dans la vie quotidienne des citoyens. D’ailleurs, l’Union nationale des boulangers (UNB), un syndicat affilié à l’Union générale des commerçants et artisans des artisans (UGCAA), ne cesse d’interpeller les autorités concernées sur le fait d’augmenter le prix de la baguette de pain de 8.5 da à 10 da. Actuellement, la majeure partie des citoyens paient leur baguette à 10 da, sans « chipoter » sur les 1.5 da restant. D’ailleurs, ce prix, qui n’est pas officiellement pratiqué est de mise depuis longtemps. Il est rentré dans les mœurs et rares sont les citoyens qui demandent leur monnaie. 

Et pour 1.5 DA de plus… 

Cependant et c’est ce qui a été mis en relief par bon nombre de boulangers, la majorité d’entre eux fournissent des cantines scolaires, des résidences universitaires, des administrations et autres. Et là chaque centime compte et la baguette est cédée à 8.5 et pas un centime de plus, le tout réglé en facture pro-forma. « Avec les citoyens lambda, je n’ai aucun souci ! C’est avec les administrations, lesquelles sont mes plus gros clients, que je n’arrive plus à m’en sortir », dira Hakim, un boulanger du chef-lieu de la wilaya de Bouira qui alimente pas moins de trois cantines scolaires. « Je ne sais plus où donner de la tête. Entre les charges, les frais de transports, les salaires des employés (3 à plein temps et 2 apprentis, ndlr) et le prix de la farine qui joue au Yoyo, je ne vous cache pas que je songe à jeter l’éponge », dira-t-il encore. Notre interlocuteur soulignera le fait que le prix actuel est « dérisoire » par rapport aux frais engagés. « Je dois livrer près de 1 800 baguettes par jour à mes clients, qui a leur tour ont une comptabilité à respecter. Je ne les blâme pas, je blâme les autorités de ne pas prendre en considération nos difficultés. Qu’est-ce que ça coûte d’augmenter de 1.5 da ? Cela ne va pas ruiner le pays autant que je le sache », ajoutera-t-il. Un autre, activant au niveau du quartier de l’Ecotec et qui livre le réfectoire de l’université dira que ces 1.5 da peuvent lui permettre non pas de faire de la marge bénéficiaire, mais plutôt de « tenir la tête hors de l’eau ». « Avec une baguette à 10 da, je pourrais tout juste rentrer dans mes frais et ne plus m’endetter comme je le fais aujourd’hui. Je vous le dis, je travaille à perte ! », déclarera-t-il. Ces déclarations témoignent de la précarité dans laquelle exercent ces artisans. En effet, en visitant les différentes boulangeries de la wilaya, on se retrouve confrontés à un terrible constat : la profession va très mal. Entre manque chronique de matière première, pénurie de mains d’œuvre qualifiée, tarifs en total déphasage avec l’inflation galopante, etc. On peut aisément dire et sans jeu de mot aucun que la profession est dans le pétrin. «J’exerce ce métier depuis près de 19 ans, et je peux vous dire en toute franchise que ce n’est pas un métier que je peux conseiller à mon fils (…)  S’endetter, travailler à perte, conflits permanents avec les services des impôts, voilà notre quotidien ! », lâchera ce boulanger exerçant au niveau du quartier des 130 logements. 

L’UGCAA aux abonnés absents

Et qu’en est-il du rôle du syndicat dans cette histoire? Est-ce que l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) de Bouira protège-elle les droits de ces adhérents ? Si adhérents il y a. En voulant en savoir plus sur ce qu’il en est de leur syndicat, la majeure partie des boulangers interrogés étaient unanimes à dire ceci : « Nous n’avons pas de syndicat et encore moins un représentant fiable ». «Un syndicat ? Il est inexistant. On est livrés à nous-mêmes, celui qui vous dit le contraire est un menteur», disent-ils. D’autres, à l’image de Smail, boulanger dans la commune d’Ain Türk, dira d’un ton furieux : «On est artisans et commerçants, ce qui signifie que l’UGCAA devrait en principe se plier en quatre pour préserver et défendre notre profession. Je vous le dis et j’assume mes propos, ce syndicat et ceux qui le représentent se moquent éperdument de nous. Ils servent leurs intérêts en se targuant de fédérer les commerçants, mais en réalité c’est faux !», a-t-il affirmé. Et de poursuivre avec la même rage : «Notre profession est malade, gangrenée par des opportunistes, affairistes. Bref, des gens qui n’ont rien à avoir avec ce métier ». Dans le but d’en savoir plus sur le sujet, nous avons tenté durant les journées de samedi et dimanche derniers, de prendre attache avec M. Ahmed Talbi, coordinateur de l’UGCAA de Bouira, mais ce dernier demeurait introuvable au local qui lui sert de bureau et injoignable au téléphone.

Ramdane Bourahla 

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