Accueil National Le 11 avril 1957, Aït Mâamar fut rasé

Aïn-Zaouïa Le village a commémoré l’événement deux jours durant : Le 11 avril 1957, Aït Mâamar fut rasé

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Le comité du village Aït Mâamar, relevant de la commune d’Aïn-Zaouïa, a organisé, samedi et dimanche derniers, une cérémonie de commémoration du 58e anniversaire de la destruction totale des habitations du village par l’armée coloniale.

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En effet, dans la matinée du samedi passé les villageois, leurs invités ainsi que plusieurs représentants des différents organes de la presse tant écrite que télévisuelle, s’étaient rassemblés devant le carré des martyrs érigé à la mémoire des trente huit (38) Chahid qui avaient payé de leur vie pour l’indépendance de l’Algérie, alors que tout leur village sera complètement rasé et sa population sera vouée à l’errance à partir du 11 et 12 avril 1957. Ainsi et après l’hymne nationale et une minute de silence observée à la mémoire de tous les martyrs de la révolution, une gerbe de fleurs fut déposée au pied de la stèle recouverte des noms des 38 martyrs avant la lecture de la Fatiha du saint Coran. « À l’occasion du 58e anniversaire de l’anéantissement du village Aït Mâamar, nous sommes venus rendre hommage à nos Chouhada et également à tous nos villageois qui ont vécu, en ces journées terribles, les plus féroces atrocités commises à leur encontre par la soldatesque française », dira le président du comité du village Aït Mâamar, en l’occurrence M. Mohamed Mammeri. Ce dernier invitera ensuite les survivants de cette époque qui, tour à tour, feront presque le même témoignage d’autant plus qu’ils étaient réunis. Toute l’assistance, notamment les jeunes, avaient du mal à comprendre cette sauvagerie perpétrée par l’armée française à l’encontre de leur village qui a pu renaître malgré tout de ses décombres. « Avant tout, il faut préciser que notre village était acquis à la cause de la révolution bien avant son déclenchement, le 1er novembre 1954, tant il y avait parmi nous plusieurs militants nationalistes qui n’ont pas hésité à prendre les armes contre le colonialisme le moment venu », dira cet octogénaire qui enchaînera sur la genèse de ce qui avait conduit l’armée française à dynamiter toutes les habitations du village alors que les gourbis seront brûlés. «Pour l’officier SAS de cet époque, qui s’appelait le capitaine Moreau, il ne faisait pas de doute que notre village était hostile à la présence française comme il ne voulait avoir aucun lien, ni collaborer à son administration inscrite tout droit dans l’opération de pacification. Aussi bien avant, il reçut un niet pour la désignation d’un Tamen du village qui devait assurer la coordination entre la SAS dont le QG était installé à Pirette qu’on appelle aujourd’hui Aïn-Zaouïa et les villageois alors que la présence de l’armée avec un poste avancée à Taourirt, en face de notre village surveillait tous les mouvements de la population. Cependant, viendra le jour où les maquisards décidèrent d’éliminer cet officier qui agissait en pays conquis. C’est ainsi que, le 5 janvier 1957, les maquisards lui organisèrent une embuscade non loin du village alors qu’il revenait, dans sa jeep avec deux autres qui étaient l’un, le fils d’un entrepreneur et l’autre le Khodja du Caïd », dira-t-il. Et d’ajouter : « Cette opération fut menée par Slimani Mouh Ouslimane qui réussit à l’abattre et à prendre son arme. Donc, il fallait s’attendre au pire surtout après l’arrivée d’un autre sanguinaire à la tête de la SAS d’Aïn-Zaouïa, à savoir le capitaine Charié Marsaines qui prendra sa relève mais qui fera payer chèrement au village Aït Mâamar la mort du capitaine Moreau, tout en assouvissant sa soif de vengeance qui ne s’était pas apaisée avec l’emprisonnement de nombreux villageois. 

Des rescapés racontent…

En poursuivant, cet octogénaire dira : « Notre glas allait sonner à l’aube, du 11 avril 1957, lorsque bien avant les premières lueurs du printemps, de nombreux camions militaires, venus de Draâ El-Mizan, arrivèrent à Aït Mâamar et l’encerclèrent immédiatement. En ce moment là dans les demeures, il n’y avait que des femmes, des enfants et des vieillards qui dormaient alors que les hommes ne dormaient jamais à la maison pour ne pas tomber entre les mains des soldats qui n’hésiteraient pas à défoncer les portes en profitant de l’obscurité. Ainsi, du château d’eau où nous nous trouvions, nous avions pu voir un gourbi rempli de chèvres qui prît feu. Toutes les pauvres bêtes furent carbonisées. C’est ensuite, le grand réveil avec des cris de terreur qui échappaient de toutes les maisons. Tout le monde fuyait en prenant le minimum de ce qu’il pouvait alors que les militaires s’occupaient à leur sinistre besogne qui était de placer des explosifs dans chaque maison qu’ils faisaient sauter l’une après l’autre durant toute la journée, sans que les familles ne puissent récupérer quoi que ce soit. Les militaires interdirent, à partir de ce jour, de retourner sur les décombres de nos habitations et nous étions contraints à l’errance d’un village à l’autre pour trouver un refuge. La population du village fut ainsi disloquée jusqu’à l’indépendance », finira, péniblement, par dire l’orateur qui ne pouvait contenir ses larmes tant le souvenir reste gravé à jamais dans sa mémoire. Par ailleurs, au cours de la pause-café organisée au niveau du café du village qui abrita également, à cette occasion, une importante exposition de photos de la guerre mais aussi de beaucoup de livres relatifs à la révolution, les représentants de la presse des différents organes ont eu à approcher de plus près les véritables acteurs de cette tragédie qui témoignèrent de ce qu’ils ont enduré. À treize heures, tous les présents ont été invités à partager un succulent couscous. Tous les élus de l’APC d’Aïn-Zaouïa étaient présents.

Essaid Mouas

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