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Alphabétiser en Tamazight : Un pari exaltant

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Un protocole d'accord entre Haut Commissariat à l'Amazighité (HCA) et l'association «Iqraâ» pour la généralisation des cours d'alphabétisation en amazight à travers le territoire national a été signé la semaine passée.

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Cela, outre l’application dénommée « Azul », téléchargeable sur les Smartphones et les tablettes et destinée à initier à l’apprentissage de Tamazigh et de permettre de découvrir de plus près l’alphabet, les sons, le lexique et l’écriture codifiée de cette langue. Au niveau de l’éducation nationale, le gouvernement compte rattraper le retard enregistré dans l’enseignement de Tamazight, constatable dans la régression de l’aire géographique dont bénéficie cet enseignement. La ministre de l’Éducation, Mme Noria Benghebrit, dit œuvrer pour une « généralisation progressive et réfléchie de cette langue dans les écoles algériennes ». À l’occasion de ce projet d’alphabétisation en Tamazight, nous revenons, dans les lignes qui suivent, sur une petite analyse faite en 2013 sur le même sujet tant il revêt une importance considérable. Le bilan de l’enseignement de Tamazight, à l’école comme à l’université l’accumulation de la production littéraire et de la recherche linguistique, ainsi que la prise en compte des avis et recommandations de personnalités et cercles universitaires avisés constitueront, le moment venu, le terreau sur lequel la revendication de l’officialisation devra s’appuyer. Parallèlement à ce débat- qui, en réalité n’a pas encore gagné en maturité et en accumulation scientifique-, le mouvement associatif, les collectifs culturels, et même les pouvoirs publics sont attendus sur un autre terrain qui est loin d’être sans importance. C’est le travail de l’enseignement des adultes par les opérations d’alphabétisation. L’État a réservé des sommes considérables pour l’enseignement des adultes en langue arabe. Pourquoi Tamazight échapperait-elle à cette politique qui relève de la promotion de la citoyenneté? Car, indubitablement, l’une des raisons du retard du développement économique du pays, et qui constitue également un obstacle majeur à l’accès à la modernité politique, demeure la situation d’analphabétisme qui prend en otage une frange importante de la population. La pièce maîtresse qui a fait défaut dans la mission de construction politique, telle qu’elle a été menée dans le cadre du pluralisme depuis les événements d’octobre 1988, est l’existence d’une société instruite, d’une jeunesse cultivée et d’une population consciente des luttes à mener sur le terrain pour une véritable émancipation politique et une réelle ascension sociale, outils incontournables dans l’entreprise de la réalisation de soi.

Alphabétiser dans la langue maternelle

L’Algérie traîne le fléau de l’analphabétisme au moins sur 6 millions de ses habitants, d’après les statistiques officielles. Cette tare pourra-t-elle être neutralisée par les initiatives actuellement lancées par les pouvoirs publics et l’association « Iqraa »? L’effet d’annonce, à la limite du folklore, sera-t-il dépassé vers une véritable politique d’alphabétisation? Le processus exige pourtant beaucoup d’efforts et un travail harassant et persévérant. Des cas de réussites individuelles sont signalés ça et là à travers le territoire national. Mais, c’est une goutte d’eau dans l’océan de l’analphabétisme qui touche maintenant, ô comble d’hérésie, des élèves déscolarisés qui ont reçu un enseignement primaire et même moyen. C’est aussi à l’aune des échecs de l’école algérienne à former une société instruite et cultivée- dans un monde complexe de plus en plus numérisé- qu’il y a lieu d’imaginer une politique offensive d’alphabétisation. Mais, cette dernière n’a pratiquement aucune chance de relever le défi lorsqu’elle exclut la langue maternelle des candidats à l’enseignement. Selon Fraenkel Béatrice, directrice d’études de la chaire « Anthropologie de l’écriture » à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris,  »un certain consensus existe aujourd’hui sur l’efficacité accrue d’une alphabétisation en langue maternelle. Il semble légitime de privilégier la langue maternelle d’un adulte qui désire s’alphabétiser. L’effort à fournir serait limité l’apprenant maîtrisant déjà la langue orale. En revanche, alphabétiser dans une langue «étrangère» revient à obliger l’apprenant à fournir un double effort : acquérir les mécanismes de la lecture et de l’écriture, mais aussi apprendre une nouvelle langue. Un deuxième argument en faveur de l’alphabétisation en langue maternelle met en avant le souci de préserver et d’affermir l’identité culturelle». C’est à ce titre que Tamazight est censée, en plus de son enseignement à l’école et à l’université bénéficier d’une diffusion intelligente. Là également, il faudra éviter la précipitation. Les méthodes universelles d’enseignement des adultes sont connues des psychopédagogues. Il ne faut pas lésiner sur les moyens. Les pouvoirs publics et les associations sont interpellés. Pour avoir tenté dans un village de Kabylie, une courte expérience au début des années 1990, avec les poèmes d’Aït Menguellet et de Matoub -transcrits, expliqués et commentés au tableau devant des adultes, sur le mode de l’approche participative-, nous en tirons d’immenses disponibilités de la population et la certitude que l’entreprise vaut d’être menée.

Amar Naït Messaoud

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