Tala Guilef perd de son éclat

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Le site de Tala Guilef est l’un des plus beaux du pays, avec des paysages magnifiques et d’indéniables potentialités, qui, s’il étaient mieux exploités, créeraient d’importantes richesses, et pour la région et pour le pays, notamment en ces temps où le prix du pétrole dégringole.

Se trouvant sur le flanc du Djurdjura, le site s’étale sur 31 kilomètres de largeur et touche six communes du sud de la wilaya de Tizi-Ouzou : Bounouh, Boghni, Mechtras, Assi Youcef, Aït Bouadou et Agouni Gueghrane. Pour arriver à Tala Guilef, il n’ya pas d’autres solutions que de rallier le chef-lieu de Boghni et prendre la route d’Aït Kouffi sur 21 kilomètres. A partir de Boghni, la route est en bon état, mais au fur et à mesure que l’on avance, elle se rétrécit et présente par endroits un état dégradé. Le chemin est en pente raide, truffée de virages, ce qui rend la circulation très difficile. A quelques kilomètres de Tala Guilef, la route devient chaotique, même si elle a été réhabilitée il y a quelques mois. Les intempéries et les importantes chutes de neige de la saison qui vient de s’écouler ont eu raison de l’asphalte. «Le chemin a été réhabilité mais il ne tient que l’espace d’une saison. Il faut retaper après chaque saison hivernale». Néanmoins, malgré l’état de la route, le visiteur est à chaque fois subjugué par tant de beauté. L’immensité le calme, l’air pur, l’eau qui coule, douce et écarlate, la richesse de la flore et de la faune et les paysages sublimes comme nulle part ailleurs, vous feront en effet oublier les cahotements du véhicule. Une fois sur place, et avant d’arriver aux deux hôtels du site, le visiteur appréciera toute la beauté féerique du secteur. Les yeux sont captivés par les innombrables et merveilleux paysages. Le parc du Djurdjura où se trouve le site de Tala Guilef, a été créé par l’administration coloniale, en 1925, a des fins touristiques. Il est fort de 16 550 hectares. En 1983, il a été classé parc national avant d’être érigé en réserve mondiale de biosphère par l’UNESC.

Les innombrables richesses du parc

Le parc national du Djurdjura renferme 1 100 espèces végétales, soit 1/3 de la flore algérienne, ce qui est d’une importance capitale pour un pays de 2.381.000 Kms2. 59 espèces sont endémiques à l’Algérie, c’est-à-dire qu’elles ne se trouvent que dans notre pays. 25 autres espèces sont exclusives au parc national du Djurdjura. Le pin noir et le genévrier Sabine à titre d’exemple ne se trouve que dans le parc national du Djurdjura (PND). Le parc renferme aussi 90 espèces de champignons et 52 espèces de lichen. Côté faune (animaux), le PND est riche de quelques 432 espèces. 33 mammifères, 123 avifaune (oiseau), 17 espèces de reptiles, 231 espèces d’insectes, des amphibiens, des batraciens et divers autres. Le parc abrite aussi des cavernes, des gouffres et des grottes. «La chaîne de rapaces du parc est la plus complète d’Algérie du nord», nous apprendra le chef du secteur de Tala Guilef, M. Mahdi Abdelaziz. En plus de ces trésors, le parc est considéré comme un réservoir d’eau naturel. «Le parc du Djurdjura est un château d’eau naturel, sa constitution karstique fait de lui une véritable éponge. Il alimente 13 cours d’eau permanents tels que Le Sébao, La Soummam, Koudiet Asserdoun et Béni Amrane. 6 wilayas du centre du pays sont approvisionnées en eau potable par le PND qui est un pourvoyeur d’eau», dira le chef du secteur. En plus de toute cette richesse, le parc du Djurdjura a été le bastion de la révolution algérienne. Il constituait le quartier général de L’ ALN et a été la zone la plus bombardée d’Algérie lors de la glorieuse révolution. Les lions du Djurdjura se reposaient dans cette région inaccessible aux soldats de l’armée coloniale. Toutefois, le parc, et spécialement le secteur de tala Guilef, fait face à la négligence des pouvoirs publics et à l’incivisme de beaucoup de visiteurs. A ce rythme, le secteur ne fera pas très long feu. Il se dégrade à vue d’œil.

La zone de Tala Guilef agressée

Tala Guilef, dont on ne cesse de louer la beauté les richesses et les potentialités, est malheureusement en souffrance. En s’enfonçant à l’intérieur du site, on s’aperçoit que les dégâts environnementaux ne sont pas des moindres. Les déchets de toutes sortes, les bouteilles vides, les cannettes, des détritus de toute nature et des objets hétéroclites sont abandonnés là par certains visiteurs indélicats ou inconscients du mal qu’ils font à ce trésor unique en son genre en Algérie. Certaines personnes n’éprouvent aucune gêne à abandonner leurs immondices en pareil lieu paradisiaque. C’est un paradoxe. M. Mahdi Abdelaziz nous expliquera : «Les incivilités, la sur fréquentation, le tourisme de masse, les incendies ravageurs, le sur pâturage, l’exploitation des carrières, le captage abusif des sources… sont autant de problème auxquels nous essayons de faire face avec des moyens dérisoires». Signalons que l’équipe de M. Mahdi se compose de 11 éléments pour 5 400 hectares, c’est dire que le manque de personnel est plus que palpable. Pire encore, l’équipe ne possède qu’un véhicule de liaison et un autre pour la lutte contre les incendies. «Nous essayons de limiter les dégâts et de sensibiliser les visiteurs à longueur d’année, mais parfois, c’est comme si vous donniez un coup d’épée dans l’eau». Durant les week-ends, le secteur est envahi par des centaines de visiteurs. Certains ont des comportements indignes et perturbent même d’autres visiteurs. Concernant les infrastructures d’accueil, rien à l’horizon. Ni sanitaire, ni vestiaires, ni la moindre boutique ne sont prévus. Si vous décidez de vous rendre sur les lieux, autant partir armés et équipés. Signalons que depuis que les 2 hôtels de Tala Guilef (El Arz et Iguider) ont été incendiés par les hordes terroristes en 1995, lors de la décennie noire, aucune autre infrastructure n’a été construite. Même les deux hôtels ne sont toujours pas réhabilités. Ils sont à présent occupés par l’ANP. Sous des cieux plus cléments un site tel que celui de Tala Guilef serait bien rempli. On y aurait construit des hôtels, des piscines, des aires de jeux et toutes les commodités nécessaires pour le rentabiliser et le protéger.

Le SOS du chefde secteur

Pour préserver Tala Guilef, M. Mahdi préconise «La réorganisation du tourisme de masse et la réouverture des deux hôtels et pourquoi pas la construction d’autres infrastructures d’accompagnement en intégrant les arts traditionnels de la région (le bijou, la poterie, l’art culinaire, la tapisserie, la vannerie…), pour que le touriste trouve à portée de main tout ce dont il a besoin». Le chef du secteur insistera aussi sur : «la limitation du pâturage, en vue de protéger le milieu naturel et favoriser la régénération des végétaux, l’arrêt de l’exploitation des carrières d’agrégats et la remise en service des stations hydroélectriques, ainsi qu’un nettoyage de fond de la zone, car les dépotoirs et décharges s’y sont multipliés et défigurent le paysage». Notre interlocuteur trouve très important : «de prévoir des débits d’eau pour la faune et la flore et la multiplication des campagnes d’éducation et de sensibilisation contre les agressions faite à l’environnement à l’adresse des visiteurs et dans les écoles. Pour terminer, notre interlocuteur tirera la sonnette d’alarme et lancera un SOS pour préserver le secteur de Tala Guilef et le parc national du Djurdjura en général : «Nous avons de la chance de posséder une nature si généreuse, nous devons tous nous mobiliser pour la préserver. Nous appelons énergiquement au renforcement de nos moyens (matériels et humains) et exhortons les visiteurs à faire preuve de plus de civisme. Ce parc est la propriété de tous les Algériens voire de tous les habitants de la terre, il faut à tout prix le maintenir vivant. Une espèce qui s’éteint ne revient jamais et les générations futures ne les verront que sur image. Ce serait dommage de les priver des trésors que recèle le parc national du Djurdjura».

Hocine T.

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