Que faire de l'école algérienne?

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On peut apprécier la Conférence nationale sur l’évaluation du processus de réforme de l’école algérienne, qui s’est tenue entre samedi et lundi derniers, et s’en faire une idée assez proche de ses ambitions, rien qu’en prenant connaissance des réactions rageuses et haineuses des milieux conservateurs relayés pas certains titres de la presse arabophone.

En effet, on n’a pas attendu les recommandations de la journée du lundi pour tirer, une nouvelle fois, à boulets rouges sur la titulaire de ce département ministériel, en l’occurrence Mme Noria Benghebrit. Cela ne fait, en réalité que continuer et prolonger une guerre que ces milieux lui ont déclarée depuis sa nomination à ce poste en mai 2014. À l’époque, on a essayé de fouiner dans la généalogie de la ministre, en lui collant une filiation fictive et qu’on présente comme infamante; comme on a tenté de rappeler à ceux qui « l’auraient oublié » que la présente ministre faisait partie d’une commission, jugée toute aussi « infamante », instaurée par le président de la République en 2001 pour lancer les réformes de l’école.

C’était la fameuse commission Benzaghou, du nom de son président, le professeur Benali Benzaghou, recteur de l’USTHB. Le rapport produit à l’époque par cette commission n’a pas été exploité dans sa substance. On y prenait, goutte à goutte, des recommandations disparates qui n’avaient aucune cohérence. Le travail de lobbying exercé par les islamo-conservateurs, greffé à un déficit de volonté de l’ancien détenteur du département de l’Éducation, a pu empêcher d’exploiter à fond le travail fait par des experts afin de sauver ce qui peut l’être de l’école algérienne.

Cela fait quatorze ans déjà. Aujourd’hui encore, on crie haro sur tout ce qui peut évoquer la modernisation de l’école, sur toute décision qui la sortirait de l’état de médiocrité bonne juste pour former des chômeurs ou des harragas. Donc, présentée sous ce jour- c’est-à-dire comme s’inspirant de l’ancienne commission pour aller plus loin et au-delà -, la conférence de cette semaine sur l’évaluation du processus de réforme de l’école nourrit l’espoir de remettre en cause les règles désuètes régissant notre système éducatif et de donner des horizons nouveaux aux millions d’élèves qui peuplent aujourd’hui les salles de classe et qui, demain, sont appelés à prendre le relais pour diriger l’économie et l’administration du pays.

Les forces saines du pays- au sein de la classe politique, des syndicats, des associations et de la presse- ne se sont pas trompées en soutenant les efforts de Mme Benghebrit dans cette guerre idéologique qui nous renvoie aux faux débats des années 1980. La discipline générale que la ministre a tenu à introduire dans la scolarité l’examen du baccalauréat et dans d’autres segments qui constituent la vie éducative, a été bien accueillie par les parents d’élèves soucieux de l’avenir pédagogique et professionnel de leurs enfants. La persévérance de Mme Benghebrit n’a d’égal que la noblesse du cap et des objectifs qu’elle s’est fixés avec l’ensemble des experts et des énergies de son département ministériel. Il faut dire que des « verrous » psychologiques ont même pu sauter sans que l’on ne s’en rende compte.

Ainsi, en est-il du seuil de cours (ataba) instauré depuis huit ans pour limiter les cours et chapitres à soumettre à l’examen du Bac. Cette année et jusqu’à la dernière minute, certains esprits nostalgiques de l’ancien ordre espéraient que le ministère revienne sur sa décision d’annulation de ce seuil, en présentant comme prétexte la grève d’un mois observée en février-mars. À entendre leurs arguments, cette grève n’aurait été organisée que pour faire valoir justement cette histoire de « seuil ». Même avec un certain retard sur les programmes, l’idée du seuil de cours a été évacuée de façon définitive. C’est là un déclic psychologique et une victoire de la raison sur la stupidité.

Pour la première fois, on débat de la pédagogie

L’examen du baccalauréat est appelé selon les recommandations des ateliers de la conférence de cette semaine, à subir des changements importants qui aillent dans le sens de sa réhabilitation. Cependant, même si le contenu de l’examen est important pour valoriser cette étape charnière entre le lycée et l’université le processus de sa préparation, à partir du contenu des programme et à partir également d’éventuelles évaluations précédant le Bac, est aussi stratégique.

Ainsi, l’on parle déjà de la possibilité de préparer une première partie de cet examen à partir de la deuxième année du lycée. De même, la scolarité tout au long du cycle secondaire, devra être valorisée par des évaluations spécifiques qui assureront une certaine assiduité aux cours. D’autres mesures sont également envisagées pour les cycles primaire et moyen qui préparent le lycée, sachant que le système éducatif est un tout progressif et insécable. Comme annoncé avant-hier par les participants à la conférence, les recommandations de ce précieux forum tendent à « contribuer à l’institution d’une école algérienne nouvelle, sur la base de la qualité de la stabilité ainsi que de la concurrence scientifique et pédagogique ».

La grande nouveauté que tous les observateurs ont relevé dans cette conférence sur l’éducation nationale, c’est que c’est la première fois, depuis plusieurs années, qu’une rencontre de la famille de l’éducation dépasse les simples questions d’intendance et de logistique (cantines scolaire, transport, logements de fonction, gestion des œuvres sociales, salaires, primes,…), pour se consacrer quasi exclusivement à la pédagogie. C’est une première qu’il faut saluer. Cela ne signifie pas que les problèmes d’intendance et de logistique n’aient pas leur place.

L’Algérie a fait des efforts immenses au cours des quinze dernières années pour construire des écoles, des lycées, des collèges, des logements sous toutes les formules; assurer le transport scolaire et la restauration des élèves. Le budget de l’éducation s’est toujours situé entre la première et la troisième place. Aujourd’hui, il est temps de parler de pédagogie et de poser la question, la vraie, la seule, qui, indéniablement, résume toutes les autres : que faire de l’école algérienne?

Amar Naït Messaoud

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