Une commune en stand-by

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La commune de Chemini communément appelée « Azru n cmini » par la population locale, est située à une soixantaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Béjaïa. Elle culmine sur les hauteurs du mont de l’Akfadou, dont la majeure partie des bourgs est perchée à plus de 800 mètres d’altitudes.

Chemini tend ses tentacules sur un vaste territoire étendu. Elle est circonscrite à l’Est par la commune de Souk Oufella, de l’Akfadou au Nord, Ouzellaguen au Sud et la commune de Bouzeguène (faisant partie de la wilaya de Tizi-Ouzou) à l’Ouest. Ladite localité s’étend sur une vaste étendue de 39,04 km² et compte plus de 15 274 âmes. Par ailleurs, Chemini ne dispose pas de terrains fertiles pouvant faire d’elle une région agricole par excellence, néanmoins les ancêtres d’Ath Waghlis ont su apprivoiser les terrains abrupts, extrêmement accidentés et peu favorables à la culture des céréales. Les anciens Cheminois lui ont donné toute l’extension possible et ont mis en valeur toutes les parcelles où la charrue pouvait mordre, mais leurs principales richesses consistent en oliveraies et autres vergers entretenus avec soin.

Un chef-lieu de daïra, dites-vous ?

Au demeurant, les oliveraies qui s’étendaient à perte de vue dans un passé récent tendent à se rétrécir comme une peau de chagrin sous la grâce des incendies ravageurs et des coupes effrénées d’oliviers afin de laisser place à de nouvelles constructions, notamment pour les particuliers. Pour la majorité des agriculteurs et cueilleurs d’olives qui en reste, ils tentent tant bien que mal de préserver ce patrimoine arboricole qui a résisté à travers l’espace et le temps. À l’approche de chaque cueillette des olives, tôt le matin, des centaines de familles, au grand complet, serpentent cahin-caha sur des chemins cahoteux en direction des champs chichement verdoyants, et avec la minutie des fourmis et la volonté des conquérants, des mains calleuses collectent l’olive grain après grain, comme on ramasse des perles en voie de disparition. En dépit du caractère purement rural caractérisant cette contrée, les infrastructures de base manquent cruellement, pénalisant du fait des milliers de jeunes en quête de travail. Il faut rappeler que la population de Chemini est l’une des plus touchées par le chômage en raison de l’absence totale d’opportunités d’absorption du chômage, de surcroit endémique. L’élevage et le travail des champs qui constituait dans un passé récent le gagne-pain des centaines de familles ne font plus la cote auprès des jeunes, tentés par un travail moins rigoureux et une vie citadine plus accueillante à leurs yeux.

Censés être les promoteurs du développement local, les différents magistrats qui se sont succédé aux rênes de l’APC n’ont pas pu hisser et/ou trouver le moyen de haler la municipalité du goulot d’étranglement. Pour le simple quidam qui s’égare à passer dans la localité de Chemini, ce qui saute au premier regard est l’absence totale d’infrastructures pouvant laisser croire qu’on est au chef-lieu de la daïra. L’inertie et l’atonie font fureur dans la région qui souffre le martyre. En somme, les seuls projets qui se répètent tel un leitmotiv sont entre autres, l’aménagement et le revêtement des pistes, bétonnage des chemins vicinaux, réfection des conduites d’eau et l’assainissement. L’innovation en termes de gestion et d’efficience n’est pas au menu. Si l’avant-campagne électorale est souvent agrémentée de belles promesses épicées de la volonté de désenclaver l’ensemble des villages,

l’après-campagne rime souvent avec la morbidité des projets qui avancent à pas de tortue. Une fois gît sur le « trône », les édiles oublient illico presto ce qu’ils avaient promis auparavant. Les projets créateurs d’emploi, en l’occurrence les PME, ne sont guère implantés dans le territoire de la commune, contraignant ainsi des centaines de jeunes à parcourir des dizaines de kilomètres pour dénicher un emploi, voire l’exode rural.

Des sites féeriques, mais…

Le territoire communal reste à la chaussée des programmes de développement économique. En dépit d’une position géographique enviable, compte tenu des frontières qu’elle partage avec la localité de Bouzeguène (Tizi-Ouzou), les différents magistrats municipaux ont totalement tourné le dos à cet aspect capable d’offrir des opportunités de sortie de l’isolement. Pis, aucune industrie n’est implantée dans son périmètre qui semble être répugnant à toutes sortes d’investissement. Les raisons sont multiples à en juger les propos d’un investisseur natif de la région et ayant érigé sa petite entreprise dans l’enceinte de la zone industrielle d’Akbou. «Les routes menant vers la commune sont pratiquement toutes abruptes et exigües, ce qui ne facilite guère la tâche d’acheminement ou d’écoulement de nos produits. La succession de méandres menant vers le chef-lieu de la commune nous laisse pantois, car nous l’appréhendons comme une épée de Damoclès», soulignera-t-il. Git sur des terrains accidentés et escarpés, la commune de Chemini ne dispose pas de réseaux routiers adéquats ou de lignes ferroviaires qui sont une condition sine qua non pour drainer les investisseurs et par ricochet, absorber le chômage qui gangrène de plus en plus le quotidien des Cheminois. La frange de population la plus lésée par ce marasme est bel et bien les jeunes qui ne savent plus à quel saint se vouer. Résultat de la course, un exode rural massif est enregistré cette dernière décennie, nonobstant les aides consenties au logement rural et par ricochet l’ancrage de la population locale. «Ça fait plus de trois ans que j’ai eu une licence de droit mais malheureusement, les débouchées sont inexistantes et toutes mes tentatives de décrocher un job reste lettre morte», s’indigne Karim, jeune chômeur. L’annihilation de cette matière grise ne fait qu’empirer le quotidien de ces jeunes chômeurs en quête d’un avenir meilleur.

Agglutinées à la majestueuse forêt de l’Akfadou, les communes constituant la daïra de Chemini vivent dans un enclavement criant en raison des faibles recettes fiscales et l’inexistence d’un tissu industriel pouvant résorber le chômage endémique, notamment les jeunes. Pour ces multiples raisons, les responsables locaux se doivent de jalonner des soubassements solides en revalorisant le potentiel touristique que recèle l’étendue de cette montagne.

Exode massive

La forêt de l’Akfadou est un site paradisiaque qui invite le visiteur à des décors enchanteurs et envoutants. Les atouts de la région sont légions et n’attendent qu’à être mis en valeur. La majestueuse forêt de l’Akfadou qui couve une bonne partie de la commune n’est pas exploitée à bon escient par les responsables locaux, laissant une manne à portée de main. C’est une véritable réserve naturelle. Ce qu’il y a de plus riche, de plus vaste et de plus beau. Avec une superficie qui avoisine des milliers d’hectares, culminant à plus de 1 000 mètres, coincée à cheval entre les wilayas de Vgayet et Tizi-Ouzou, la forêt d’Akfadou, qui est un point d’ancrage d’une chiche biodiversité est en passe de devenir l’un des meilleurs sites nationaux. Le tourisme vert peut être une sortie de secours pourvu que les autorités locales mettent le paquet pour offrir un cadre agréable aux visiteurs de la région qui n’hésitent pas à se rendre au sommet de la montagne, de facto, les lieudits Tailaline RTA ainsi qu’Aguelmim Kiker présentent à eux seul un belvédère à couper le souffle.

La région de Chemini n’a pas à envier d’autres contrées en termes de sites archéologiques et de patrimoines historiques. En effet, cette localité recèle plusieurs sites comme Tala Uguelid (la fontaine du roi) où une stèle épigraphe et figurée libyque à forte valeur archéologique a été découverte en décembre 2009 en contrebas du village Sidi-Hadj Hseyen. Quant aux valeurs cultuelles, plusieurs zaouïas limitent le territoire de la région et datant de plusieurs décennies. Sidi-Hadj Hseyen, Taghrast, Berkouk et Sidi-Yahia sont les plus importantes écoles coraniques. Autant d’atouts qui n’attendent qu’â être valorisées et par ricochet, redonner une certaine dynamique pour la région, de facto sombrée dans une léthargie morbide.

Bachir Djaide

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