Biziou, la perle d’Amalou

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Dimanche dernier, le soleil doux d’une belle journée automnale nous incitait à aller visiter un village de Kabylie. Pour joindre l’utile à l’agréable, nous avons obéi à l’envie d’aller nous promener au village Biziou, qui a changé de fond en comble.

Cette perle de la commune d’Amalou, ainsi surnommée par les poètes qui y ont marqué leur passage, ne manque pas d’attirance. Ce village offre une ambiance particulière pour ceux qui y mettent les pieds pour la première fois, lesquels reviennent plusieurs fois pour son charme irrésistible. Possédant des potentialités économiques diverses et importantes, Biziou est un village résolument tourné vers l’avenir. Un avenir perceptible à tous points de vue que le présent laisse entrevoir à travers une dynamique économique née ces dix dernières années. Ce beau et grand village est situé au piémont de la montagne de Gueldamen et a les pieds dans l’Oued Soummam. Avant, il était à vocation agricole et les agriculteurs furent les seuls agents économiques. Leurs terres sont situées sur une plaine fertile où étaient pratiquées auparavant les cultures maraichères et arboricoles avec prédominance de l’olivier et à un degré moindre le figuier. Les produits tirés inondaient les marchés locaux. Aujourd’hui, cette plaine s’est amenuisée comme une peau de chagrin, d’abord, envahie par le béton où de somptueuses habitations sont construites le long de la route, formant un grand couloir, ensuite par le passage de la pénétrante autoroutière qui la traverse de bout en bout. L’économie de ce village est passée de l’agriculture, qui est totalement abandonnée, au commerce, une activité florissante dont le nombre de commerces avoisine la centaine. Toutes les résidences sont assorties de locaux commerciaux où il est rare de trouver un local non exploité ce que nous avons constaté lors de notre virée à ce village. Il en reste tout de même l’oléiculture qui est toujours pratiquée par les habitants car elle ne nécessite pas beaucoup d’entretien et de temps. En rencontrant, sur la route, des groupes d’hommes et de femmes se dirigeant aux champs pour ramasser les olives- les hommes tenant des gaules et d’autres outils propres à la cueillette et marchant à l’avant comme au bon vieux temps, les femmes les suivaient derrière-, cela nous a emmené inéluctablement à enlever de l’esprit, cette idée préconçue, comme quoi la cueillette des olives est abandonnée comme beaucoup d’autres pratiques révolues et dépassées. Les habitants de Biziou sont toujours bercés par les oliviers et figuiers qu’ils vénèrent et adulent encore comme tous les Kabyles d’ailleurs. Un homme que nous avons approché nous a dit : «la production oléicole s’annonce bonne cette année. Nous espérons de bonnes récoltes car, personnellement, chez moi, on consomme beaucoup d’huile d’olive. Certes, le ramassage des olives est une activité pénible mais ça vaut le coup de se fatiguer pour un produit du terroir que nous utilisons en gastronomie et en soins thérapeutiques. Nous profitons de ce beau soleil qui nous facilite la tâche avec une terre sèche. Dans la gadoue, c’est la misère que nous endurons». Venant d’Akbou, juste en franchissant le pont de l’Oued Soummam et au détour d’un virage, on tombe nez à nez avec un trois-chemins qui indique que la route de droite va vers la station thermale de Sidi Yahia El-Aâdli, et celle qui continue tout droit mène vers le village Biziou, lieu de notre destination. Nous découvrons une ville en pleine expansion qui ressemble à une forteresse fortunée avec ses commerces variés, languissant au soleil de l’automne, nonchalante avec les feuilles mortes qui tombent des arbres enveloppant la terre d’une broussaille fanée et jaune. Nous continuons sur le tronçon du CW 141 qui constitue un long couloir commercial qui distribue des villas pavillonnaires dont la plupart sont assorties de jardins fleuris, lesquels sont entourés de murets construits avec de la pierre locale.

La cueillette des olives comme au bon vieux temps

Ce sont aussi deux lignées de commerces et de boutiques artisanales collées l’une à l’autre, faisant de Biziou un centre d’intérêts pour les populations des villages environnants qui le fréquentent tant qu’ils y trouvent de tout. Nous arrivons à un deuxième trois-chemins qui indique deux routes. Une qui continue tout droit et traverse l’autre moitié du village et l’autre qui bifurque à droite et mène vers la cité du Souk El-fellah que nous avons prise. À peine quelques mètres de là se trouve le centre de santé que nous avons visité. C’est le médecin de cet établissement de santé publique qui nous a accueillis et qui, aimablement, nous a parlés des points forts de cette structure et du manque de moyens qu’elle recèle. «Notre centre de soins est le seul qui est pourvu d’un médecin généraliste qui travaille une journée sur deux, c’est-à-dire dimanche, mardi et jeudi. Je suis encore là parce que notre centre de soins est pourvu d’un service de dépistage de la tuberculose et des maladies respiratoire. Je fais dans ce cadre des consultations chaque dimanche et mardi. Notre centre de soins est pourvu aussi d’une infirmière qui assure les soins infirmiers», a déclaré notre interlocuteur qui, en continuant dans le même ordre d’idées, mettra en exergue les manques que recèle cette structure de santé. «Nous n’avons pas d’agent d’entretien, ni de gardien. La clôture fait défaut d’où une insécurité qui règne en maître des lieux. Derrière le centre, il y a un espace gagné par une jachère folle alors qu’il était question qu’il soit bétonné et il y aura une porte pour isoler le service de dépistage de la tuberculose du service de soins infirmiers», a-t-il ajouté. Monsieur Sbaa qui se trouve là aussi lui emboite le pas pour dire ce qui ne va pas dans son village. Il a commencé par les tracasseries de l’eau potable qui, selon lui, est servie une journée sur deux durant une à deux heures seulement. Comme il a, par ailleurs, mis l’accent sur les logements construits dans le cadre du FONAL non alimentés en énergie électrique. «Une quarantaine de logements rentrant dans le cadre de l’habitat rural type FONAL ne sont pas dotés du courant électrique. Comme j’ai un logement de ce type, je ne sais pas quand la SDE se décidera à les doter en énergie électrique. L’éclairage public quand il existe, est mal entretenu», renchérit-il. Il nous a montré aussi le terrassement pour la construction d’une maison de jeunes qui date de quelques années, selon lui. «Comme le terrassement frise la route que nous empruntons, il constitue un danger pour nos enfants avec des risques de tomber dans les bas fonds», se louvoie-t-il. Il reconnaît tout de même que la fibre optique est arrivée avec tous les bienfaits qu’elle procure aux habitants, notamment la masse juvénile qui dispose de la connexion Internet. En matière de transport, deux bus font la navette en sus des bus des autres communes qui transitent par la localité avoue-t-il.

Il est bon de faire un retour en arrière, période où la localité fut isolée et devenue déserte suite à l’effondrement du pont de l’oued Soummam qui la relie à Akbou, une grande ville situé juste à trois kilomètres de là.

Biziou opère sa mue

L’enchanteresse est frappée durant une dizaine d’années d’isolement, qui a accentué son enclavement (1971-1981). Fière et optimiste, elle a compté sur ses fils qui l’ont sortie du sous-développement en un temps record rarement égalé. Ne s’essoufflant jamais, elle possède, incontestablement, beaucoup d’atouts qui lui garantissent un essor de développement économique certain. Faisons un regard sur son passé pour mieux comprendre comment Biziou est arrivé à ce stade de développement. Il y a 30 ans, Biziou n’était encore qu’une petite bourgade enclavée ayant en tout une cinquantaine de vieilles maisons très éparses. L’effondrement du pont la reliant à Akbou, emporté par les torrents déchaînés de l’oued, avait accentué la pauvreté des habitants qui se retrouvaient du jour au lendemain isolés du reste du monde, car pour aller à Akbou, situé à quelques encablures de chez-eux, il fallait qu’ils fassent un détour par Seddouk et Ouzellaguen, un trajet d’environ 40 kilomètres. Les habitants ne vivant à cette époque que des produits agricoles qui ne trouvaient plus preneurs, car personne ne s’aventurait à aller à ce village désert qui ne possédait jadis qu’un seul commerce de fortune commercialisant quelques produits alimentaires en nombre qu’on peut compter facilement sur les bouts des doigts. Rien n’est éternel, disaient quand même ses habitants qui croyaient dur comme fer qu’un jour, la détresse qui se lisait sur leurs visages céderait la place au bonheur. Un bonheur qui a tardé à venir certes, mais qui est arrivé quand même au début des années 80, après la construction d’un nouveau pont. Date à laquelle l’amertume céda la place à l’enthousiasme et le village commençait à redorer son blason, changeant totalement d’aspect en devenant une petite ville sortant doucement et sûrement de sa léthargie. Elle se forgera par là même une aura grâce au dynamisme qu’elle s’était insufflé. La densité du trafic automobile sur cette route et sa proximité de la capitale de la haute vallée de la Soummam, en l’occurrence Akbou, ville industrielle et commerciale par excellence, ont été les deux facteurs qui ont favorisé son développement à une vitesse effrénée et à tous points de vue. Des villas assorties de commerces de tout genre bordant cette route à droite comme à gauche, naissent comme des champignons. Biziou, dont la beauté s’éveille chaque matin, ne cesse de séduire bon nombre de visiteurs en leur offrant des haltes de charme. Si ses enfants ont contribué dignement à son développement par la création d’activités privées, les autorités locales n’étaient pas en marge en lui consacrant des projets infrastructurels dignes de ce nom, lesquels ont fait de cette ville une vitrine et un centre d’intérêt de la commune d’Amalou. Seulement, cela a favorisé l’exode de bon nombre d’Amalouciens délaissant le chef-lieu pour s’établir dans cette ville rayonnante qui procure à leurs yeux la prospérité et un avenir meilleur pour les enfants. Parmi les projets infrastructurels accordés à cette ville, figurent un CEM qui est venu s’ajouter à l’école primaire, deux stades de jeux de proximité et une salle de jeux pour l’épanouissement des jeunes aimant la pratique du sport, l’aménagement urbain qui épargne les habitants de la gadoue en hiver et de la poussière en été pour ne citer que ceux là car il y en a bien d’autres. Trois projets en construction viennent renforcer les infrastructures déjà existantes. Il s’agit d’une maison de jeunes, d’une antenne administrative et d’un bureau de poste. Mais ne dit-on pas qu’un bonheur ne vient jamais seul. Et bien voila qu’un autre facteur de développement arrivera, dans les prochaines années, booster davantage le développement dans cette ville. Il s’agit de la pénétrante qui reliera l’autoroute Est-ouest à Béjaïa, laquelle passera à côté de cette ville. Les habitants ont déjà le vent en poupe en apprenant la bonne nouvelle, car cela entraînera la floraison de grandes affaires comme les relais routiers, les hôtels et restaurants qui viendront s’aligner aux abords de cette autoroute. C’est cela Biziou, le moderne qui a effacé l’ancien, le beau qui a fait oublier la tristesse. Parce qu’enfin et après tout, ce coin paradisiaque béni par la montagne de Gueldamen accueille fièrement ses hôtes.

L. Beddar

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