La mendicité entre nécessité et métier

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La mendicité est un fléau social très répandu dans notre société. Ils sont des dizaines à squatter les rues, marchés, jardins et autres places publiques à forte affluence.

Bien que les lois algériennes considèrent cette pratique comme un délit puni sévèrement, ses adeptes n’en sont pas très inquiétés réellement. Au vu et au su des forces de l’ordre, les mendiants exercent «leur métiers» en toute liberté. A Tizi-Ouzou, comme c’est le cas ailleurs dans tous le pays actuellement, le paysage dans les rues n’est pas des plus agréables ni des plus humains d’ailleurs. L’image des mendiants et des SDF dans chaque coin de rue et sur les trottoirs interpellera sans doute le plus indifférent des êtres humains. Le phénomène n’est pas nouveau dans notre société mais il a tendance à prendre de l’ampleur ces dernières années. Le nombre de mendiants se multiplient. Si la pratique est la même, les motivations de ses pratiquants divergent : de la mendicité par nécessité à la pratique «professionnelle». Chacun sa vie et chacun son histoire. Avec l’augmentation du taux du chômage et la pauvreté beaucoup de gens ont volontairement recours au métier de la main tendue. Les lève-tôt à Tizi-Ouzou ne vont certainement pas rater ces gens quand ils arrivent dans la ville par dizaine, en majorité des femmes et enfants, dans des taxis. Ils viennent pour la majorité du bidonville de Oued Aissi, mais aussi d’ailleurs. Motivés par le gain facile, ces mendiants squattent de bon matin les endroits les plus fréquentés de la ville, de la Grande rue à la Tour en nouvelle ville et aux abords des mosquées et les devantures de commerces ainsi que les jardins et les trottoirs. Ils sont pour certains, bien organisés, en groupes ou en réseaux. Ils se distribuent même les zones d’activités dans la ville. La répartition des endroits ne se fait pas au hasard, tout est calculé.

On se répartit «fraternellement» les places…

Quant à leurs techniques de mendicité le constat est qu’elles ont évolué leurs stratégies sont bien étudiées, oserait-on dire. Les mendiants ont recours à quelques ruses pour attendrir le cœur des passants. Des ordonnances médicales dans la main, qui n’en a pas vu ? Mais on refuse toutes les propositions d’achat de médicaments, ils veulent seulement de l’argent… L’exploitation de l’innocence des enfants sur les trottoirs, ont les voit dans toutes les positions, même celle de la prière, le porte-à-porte pour d’autres, en somme, tous les scénarios imaginables sont leur apanage. En outre, simuler des handicaps est fréquent chez ces gens. Ils sont des femmes avec leurs enfants, des hommes d’un certains âge, des jeunes hommes et des jeunes filles qui tendent la main aux passants. Ils ont tous un point commun, ils sont sales et leurs habits sont déchirés, parfois les pieds nus ou sinon les chaussures usées. Les passants de la Grande rue sont souvent harcelés par ces gens qui usent de tout leur pouvoir de conviction et de la litanie d’implorations savamment entonnées. Ils misent sur l’option émotionnelle pour soutirer quelques dinars aux âmes charitables. Ceci dit, le mensonge et l’arnaque en sont leurs meilleurs atouts. Tromper sans scrupule les gens, se jouer de l’esprit de solidarité de certains pour gagner plus d’argent en sont les mots d’ordre au sein de cette communauté.

L’enjeu : Comme dans un concours à qui suscitera la pitié du passant ?

Cette pratique est absolument à combattre non seulement pour le fait qu’elle soit malhonnête, mais aussi car la majorité de ces gens s’adonnent à d’autres pratiques qui s’avèrent plus dangereuses parfois que la mendicité en soi : le vol, l’agression et même la prostitution, un phénomène en cache un autre. Il est difficile de reconnaître désormais les nécessiteux des arnaqueurs qui font de cette pratique un métier. Les gens ne savent plus où donner de la tête qui croire et qui aider ? Les bons payent pour les mauvais, beaucoup les boycottent et les méprisent. Chaque soir, après une journée de travail, les mendiants professionnels se rencontrent avec leurs chefs, pour ceux qui adhèrent à des groupes ou à des réseaux. L’heure est de comptabiliser la recette du jour. Cette dernière est distribuée entre les membres. En ville, certains commerçants les connaissent, ils passent chaque fin de journée à échanger la monnaie contre des billets faciles à transporter. La recette varie selon les jours, les occasions et les endroits. Selon certains commerçants, elle peut aller jusqu’à 2000DA ou 3000DA voire plus pour certains mendiants actifs. Ce qui est l’équivalent d’un salaire du jour pour certains médecins. Pour certaines tranches de la société. Un gain facile et conséquent qui attire de plus en plus de monde de différentes catégories. Certains mendiants connus dans la région «travaillent» toute la journée pour ensuite dépenser tout le soir dans des bars, ils travaillent pour ça. D’autres, en fin de soirée, se changent et entament une autre vie qui ne ressemble pas à celle de la journée… D’autres rentrent chez eux et pensent déjà au lendemain et à la meilleure façon possible d’arnaquer les gens pour améliorer leur recette journalière. En tout cas, ce n’est pas évident que ce soit les plus démunis qui demandent l’aumône… A Tizi-Ouzou, la majorité de cette frange vous parlera aussi d’un ton, d’un accent différent de celui courant dans la région. Ils sont pour la plupart venus d’ailleurs !

Kamela Haddoum

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