«Un nouveau modèle économique s’impose»

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«L’Algérie traverse une situation de crise très grave et des mesures radicales s’imposent pour relancer son économie».

C’est en somme ce qu’a déclaré le professeur Hamid Temmar, ancien ministre de l’Industrie et des statistiques, aussi expert international dans les finances, à l’occasion de l’ouverture du deuxième colloque international sur l’économie, hier, à l’université Akli Mohand-Oulhadj de Bouira. Le thème retenu cette année est «La relance économique dans les pays productifs de pétrole, face à la chute des prix au marché mondial». Lors de son intervention, M. Temmar, qui s’est étalé sur les aspects de cette crise économique et monétaire, n’a pas manqué de tirer la sonnette d’alarme sur la nécessité des réformes profondes dans le système économique. Selon l’ancien ministre, les réformes appliquées actuellement par le gouvernement algérien ne feront que stabiliser le solde budgétaire et ce, en raison de la dépendance de l’économie nationale de la rente des hydrocarbures et des marchés mondiaux. Parmi les effets de cette crise sur l’économie nationale, M. Temmar citera le renversement de l’indice de croissance en l’espace de deux ans seulement, qui est passé de positif au négatif de 2012 à 2014. «Le gouvernement n’a pas le choix que de subir les effets de cette crise, en attendant la stabilisation de la balance. Une stabilisation qui se fera, en moyen terme, si les réformes proposées seront appliquées. En l’absence des réformes de fond, macro-économiques notamment, il nous faudra vendre le baril à 130 dollars pour espérer une relance de la croissance. Actuellement, l’Algérie, à l’instar d’autres pays producteurs de pétrole, accuse un déficit budgétaire, une baisse des revenus de change, et se trouve dans l’obligation d’appliquer une dépréciation monétaire et d’appliquer des ajustements budgétaires qui peuvent s’avérer dangereuse pour sa stabilité politique et sociale», a-t-il assuré. M. Temmar affirmera également que le dinar algérien a perdu 30% de sa valeur de change en l’espace de deux ans et le taux de change est en nette régression. Il avancera aussi que la part du pétrole dans le PIB national n’a guère diminué, malgré les mesures drastiques appliquées par le gouvernement. Selon lui, «cette part est évaluée actuellement entre 30 et 40% et sa contribution au budget de l’État dépasse les 80%». «La part du secteur productif national ne dépasse pas les 20% et les investissements publics sont à l’ordre de 60%. Ces chiffres ne laissent à notre gouvernement aucune marge de manœuvre. Et pour sortir de cette dépendance quasi-totale, nous devrons inverser la part du secteur productif et la fixer à hauteur de 60% au moins», a-t-il insisté. D’autre part, M. Temmar expliquera la chute de la valeur et du taux de change du dinar algérien par la «dépendance au dollar américain et l’absence de flexibilité». Selon-lui, d’autres pays producteur de pétrole ont moins subi ces dépressions et ce, en raison de «la flexibilité de leurs monnaies sur les marchés financiers internationales», à l’image de la Russie, du Venezuela et de l’Arabie saoudite. «Notre monnaie, et à l’instar de notre économie, est entièrement dépendante des marchés financiers et du dollar américain. D’autres pays ont su comment réguler cette dépendance à travers, notamment, une meilleure valorisation ainsi que l’ouverture vers de nouveaux marchés budgétaires», a-t-il ajouté.

Que faudra-t-il faire ?

La relance économique passera inéluctablement par l’application d’un nouveau modèle économique. C’est en somme la solution proposée par M. Temmar, selon lequel les mesures appliquées actuellement par le gouvernement algérien, dictées par les institutions mondiales à l’image du FMI et de la banque mondiale, «ne feront que stabiliser la balance économique nationale». Selon lui, «cette réforme de grande envergure doit toucher l’ensemble des aspects économiques, politiques et sociales du pays». Le gouvernement doit aussi s’armer des outils légaux nécessaires pour le suivi de l’application de ces réformes sur le terrain. «Depuis 1962, l’Algérie a toujours eu des problèmes dans la concrétisation de ses réformes, car la mise en place de décrets et de lois ne suffit plus pour avoir les résultats attendus. Donc, nous devons mettre en avant les mécanismes nécessaires pour la concrétisation de nos projets. Il s’agit là d’un chapitre très important et à ne pas négliger, pour espérer à la relance économique», a-t-il souligné. Selon M. Temmar, le climat de stabilité sociopolitique, dont dispose actuellement l’Algérie, constitue une occasion aux décideurs pour le lancement d’importants chantiers sur le modèle économique, qui consistent essentiellement cinq chapitres, à commencer par la révision des plans budgétaires, le contrôle strict des importations, la traduction du taux de change, le maintien des conditions de stabilité et la création d’un modèle de croissance endogène. «Il est très important que l’Algérie redresse son modèle économique, en limitant les importations, en développant son climat d’affaire. Aussi, elle doit investir davantage sur son capital humain et se doter d’infrastructures adéquates», a-t-il expliqué. L’intervenant n’a pas manqué d’attirer l’attention sur les «dangers potentiels qui devront suivre ces réformes de masse, sur la scène nationale et internationale». Pour lui, le gouvernement doit jouer le rôle du garant de la stabilité et la mutation naturelle. «Comme c’est le cas pour l’ensemble des pays du monde, il existe en Algérie des conflits idéologiques aussi des croisements d’intérêts. Dans ce processus de changement que j’espère, l’État doit coordonner entre ces différentes parties, afin d’éviter des conflits qui peuvent être très dangereux, localement et régionalement. L’État doit aussi adopter un nouveau mode de gouvernance, un système plus raisonnable et étudié, qui verra la participation de l’ensemble des acteurs concernés, notamment le mouvement associatif et les syndicats. La transparence doit être de mise pour accompagner ce processus délicat», a-t-il clôturé. À noter pour la fin que d’autres sujets et thématiques seront étudiés lors des deux jours de ce colloque. Des enseignants et des chercheurs de plusieurs universités du pays, ainsi que d’autres étrangers, venus notamment de Grande Bretagne, de Jordanie, d’Irak et du Venezuela, prendront part aux débats.

Oussama Khitouche

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