Aït Aïssa Ouziane, un fief précurseur de la poterie

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Aït Aïssa Ouziane est un village parmi les quarante-six bourgades que compte la commune de Maâtkas, dans la wilaya de Tizi-Ouzou.

Connu pour être non seulement le fief de la poterie, mais beaucoup plus comme précurseur de cet art dont les premières femmes du métier sont toujours-là fières à remémorer avec une intonation rimée de nostalgie les beaux temps de la poterie d’Aït Aïssa Ouziane.

«À l’époque, on vendait tout aux étrangers. Ils venaient de France, de Norvège et d’autres pays pour acheter nos produits. La majorité du temps, c’était une commande qu’ils nous font l’année d’après», apprend-on de la part de Nna Tassadit.

Une association pour la promotion et la sauvegarde de ce métier a été même créée en 1988.Un membre de ladite association témoigne : «Nous avons créé l’association culturelle «Taneflit» en 1988 dans le but de préserver et de promouvoir l’art de la poterie. Nous avons tout fait pour redorer son blason et lui donner sa valeur d’antan.

Nous avions pu instaurer la fête de la poterie, mais malheureusement tout nos efforts se sont écroulés comme un château de cartes, ces dernières années», se désolera Mohamed Ziani. Ait Aissa Ouziane était également le carrefour de Krim Belkacem et d’Abane Ramdane.

Situé à 22 kms de la ville de Tizi Ouzou, ce village de 3 000 habitants qui culmine à 520 m d’altitude est entouré à l’est par Iheddaden, à l’ouest par IghilAouan, au nord d’Izerrougen et enfin d’Ait Zaïm au sud.

Toponyme «Aït Aïssa Ouziane»

Deux hypothèses par rapport à l’origine de ce toponyme sont avancées par des vieux du village. Selon quelques uns, le village prenait le nom «Aït Aïssa Ouzgen», auparavant. Ce toponyme viendrait du nom d’un homme qui s’appelait Aissa, la première personne qui habitait ce coin. «Aissa était très courageux et honnête, qu’on surnommait Argaz d uzgen (Un homme et demi), dira-t-on. Par contre, l’autre version se penche beaucoup plus sur le nom Ziani qui serait, selon eux, le premier habitant de cette localité, d’antan plus que la famille Ziani détient plusieurs terrains dans ce village.

Histoire et société

Comme d’autres villages, Aït Aïssa Ouziane est géré par un comité issu de l’assemblée générale des habitants. La localité la plus importante de la commune de Maâtkas est malheureusement la moins dotée en commanditées les plus élémentaires, selon un citoyen. Le village est confronté à plusieursdifficultés. «Nous avons organisé plusieurs actions de protestations pour une prise en charge de nos revendications. Mais malheureusement, aucune suite n’a été donnée à la majorité de ces doléances. Je cite comme exemple, le problème de l’assainissement, l’état des routes, entre autres», se désolera notre interlocuteur qui ajoute «que la tragédie de l’épidémie de la méningite de 1985, qui a fait presque une dizaine de morts, est toujours de mémoire lorsque on est confronté au problème d’assainissement». Et pourtant, c’est dans ce village qu’est né et florissait l’art de la poterie. «C’est nous qui avons dessiné les symboles berbères sur les murs de la maison de jeunes de la commune de Maâtkas», se félicite Madame Abkari Tassadit. Le village est réputé, au milieu du siècle passé, par la qualité et la quantité de ses figues sèches et de son huile d’olive. «À l’époque, on transportait nos marchandises par voie ferrée, il y avait un train qui passait par là en venant de Mirabeau (DBK) vers Boghni. Il s’est arrêté en 1945», dira Monsieur Bournane. L’histoire du village Aït Aïssa Ouziane est liée aussi à des légendes et des mythes comme la majorité des contrées kabyles. Considérées comme un patrimoine immatérielle par les historiens et autres chercheurs, la plupart de ces ‘’histoires’’ orales sont préservées grâces aux toponymes des endroits. Des endroits qui restent également des témoins vivants de l’histoire d’une localité.

Admirer de Tizi Ougherrabou

le port de Dellys Tizi Ougherrabou (Le Col du bateau) est une place situé en hauteur comme son nom l’indique. D’après les vieux, on voyait depuis ce col l’accostage et l’amarrage des bateaux en rade au niveau du port de Dellys. «À la tombée de la nuit, nous montons au col pour admirer l’arrivée des bateaux et des barques. Un joli tableau de nuit formé par ces lumières nous est offert, alors, depuis le port de Dellys à 25 kms d’ici à vol d’oiseau», se souvient cet octogénaire qui regrette l’état dégradant dans lequel se trouve cet endroit considéré, à une certaine époque, comme un coin de détente et de repos.

Ighil n Tagoust à l’origine d’une légende

D’après Monsieur Hamitouche, un vieux du village, le proverbe kabyle Yewwet tagust deg ucdad-is (Il a planté un piquet dans le pan de son burnous), venait de cette légende. Il raconte : «Jadis, on organisait différents défis entre villageois à Tajmaât. Un jour, on voulait organiser un défi ayant trait au courage et à la peur. Alors, on proposa à un homme, qui prétendait être le plus courageux de tous, d’aller jusqu’à l’endroit le plus élevé du village qu’on disait hanté. On lui remit un piquet et on exigea de le planter au lieu indiqué, et ce comme preuve de son arrivée. L’homme est parvenu, effectivement, à destination. Sur les lieux, il commença à exécuter la preuve de son arrivée, mais malheureusement pour lui, il planta le piquet dans le pan de son burnous. Mission presque accomplie, il voulait donc retourner à Tajmaât. En se levant et en essayant de se déplacer, le pan de son burnous qui était coincé au piquet l’empêcha de bouger. Craignant que quelqu’un le retenait, il fut pris de panique parce qu’il n’arrivait pas à se détacher. Il commença à hurler de toutes ses forces. Le lendemain, les villageois le retrouvèrent mort sur les lieux».

Tililit, un lieu sacré !

Tililit (laurier) est un toponyme provenant du laurier qui poussait dans cet endroit. Un lieu considéré sacré vu ses pouvoirs supposés de guérir de la stérilité. D’ailleurs, un proverbe qui prenait ses racines de cette sacralisation est toujours sur les lèvres des anciens d’Ait Aissa Ouziane. «Win ur nesâi zzher, ad yessucef degTlellit. (Que celui qui n’a pas de chance, se douche à Tililit)». «Tililit est la destination par excellence des gens stériles qui veulent avoir des enfants et des filles célibataires qui cherchent à se marier. Arrivés sur les lieux, ils se douchent avec l’eau de cet endroit. Ils venaient de partout, d’Alger, d’Oran et même du grand sud. Je parlais du passé, évidemment», dira Monsieur Belaidi qui cite le cas d’un homme comme preuve du pouvoir surnaturel du lieu «Un homme que je connais, est resté 17 ans stérile. Alors, il est venu ici avec sa femme et ils ont jeté de l’eau sur leur corps. Quelque temps après, ils eurent des enfants», argumente-t-il. À l’époque, le lieu est géré par une ancienne esclave subsaharienne qui s’est installée et naturalisée ici en Kabylie avec ses parents, selon notre interlocuteur.

Tizi n Zav et la volonté du Saint L’hadj El Mahfoud

Le cimetière du village et la stèle des martyrs de la révolution qui se trouvent actuellement à Tizi n Zav ont un point commun : la France. Si la stèle est érigée en hommage aux martyrs de la guerre de libération, par contre le cimetière est construit pour exaucer les dernières volontés du Saint L’hadj El Mahfoud de Tizi Messous qui prédisait alors l’arrivée et le départ du colonialisme français. «Avant sa mort, le Saint El Hadj Mahfoud conseillait à leur proche de l’enterrer à l’endroit où ils auront le plus peur de l’ennemi. D’après ses dires, un arbre poussera à cet endroit et quand les branches empêcheront les gens de passer par la route qui se trouvait à proximité, les français débarqueront chez nous. Et la France ne quittera les lieux que lorsque les branches auront été coupées», raconte notre guide.

Hocine Moula

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