Les artisans en attente de jours meilleurs…

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à la veille de la clôture de la 14ème édition de la Fête du bijou (demain ndlr), l’ambiance s’est quelque peu améliorée, au grand bonheur des artisans qui ont déploré la faible affluence des visiteurs les premiers jours de la manifestation.

Dimanche dernier, rien n’indiquait en effet que la Fête avait bel et bien commencé, hormis quelques banderoles suspendues çà et là. Les années précédentes, des files de voitures, immatriculées dans différentes wilayas du pays et d’autres à l’étranger bouchaient tous les accès menant à Ath Yenni. Des centaines de visiteurs et de touristes s’empressaient de découvrir ou redécouvrir le bijou local. Mais force est de constater que l’édition de cette année n’a pas drainé la grande foule. Certains disent que c’est à cause de la canicule, d’autres incriminent la cherté du bijou, alors que d’autres affirment qu’aucun travail de publicité et d’information n’a été assuré. D’autres en revanche pointent du doigt le conflit qui oppose certains bijoutiers aux membres du comité communal des fêtes organisateur de la manifestation. D’ailleurs, certains bijoutiers se sont rassemblés le jour de l’ouverture officielle de la Fête, pour demander l’annulation ou le report de celle-ci. Les pourparlers et les interventions des uns et des autres ont certes permis le dénouement de la crise, mais les tensions demeurent palpables. Une situation qui n’aide en rien la promotion de l’objet de la fête, le bijou en argent d’Ath Yenni, un patrimoine culturel et identitaire et gagne-pain de dizaines de familles à travers la région. Il faut souligner par ailleurs que les deux sites qui accueillent cette 14e édition abritent 87 exposants. 70 d’entre eux sont des bijoutiers locaux. Le bijou targui est également présent. Des stands proposent par ailleurs d’autres produits tels le cristal, la vannerie, la robe kabyle, le macramé, le savon traditionnel et des toiles de peinture. Concernant la contribution financière des artisans, Mlle Abed Djamila, du comité communal des fêtes, révélera : «Les bijoutier locaux, ne bénéficiant pas d’hébergement, ont payé 10 000 DA le stand. Ceux qui sont hébergés et qui bénéficient de la restauration ont payé 19 000 DA». Notre interlocutrice indiquera au sujet de la fréquentation : «Nous enregistrons 750 à 800 visiteurs/jour. Chaque visiteur paie le ticket d’entrée 10 DA, ce qui contribue au financement de la Fête et nous permet en même temps d’avoir le nombre des visiteurs». Elle ajoutera : «On ne peut nier que leur nombre est en déclin par rapport aux éditions précédentes. En 2013, nous avons eu 40 000 visiteurs, en 2014 : 36 272 visiteurs. Pour cette édition, nous prévoyons 10 000 seulement et cela nous désole». Quant aux objectifs assignés à cette 14e édition, Mlle Abed dira : «Notre principal but est de pérenniser ce métier d’artisanat et promouvoir ce savoir faire local. Cette fête annuelle est aussi un lieu de rencontre des bijoutiers qui, non seulement, écoulent leur production mais présentent aussi leurs nouveaux modèles. Cela crée bien sûr une dynamique économique et touristique au niveau de notre commune. Je profite de cette occasion pour souligner que pour vraiment rendre pérenne cette fête et ce savoir-faire, il faut impérativement réaliser un marché dans la localité».

Histoire du bijou de l’antiquité à nos jours

Une conférence a été organisée et animée par Bouchouchi Ali, enseignant et journaliste à la retraite, sur les origines du bijou depuis l’antiquité à ce jour. Le conférencier indiquera : «A en croire des chercheurs dans ce domaine, l’histoire du bijou remonterait au temps ou Eve et Adam s’apprêtaient à quitter le Paradis. Eve a pris une fleur qu’elle a fixée sur ses cheveux. Adam, malgré son regret de quitter le Paradis, s’est retourné vers Eve et vit que la fleur s’était transformée en un bijou qui lui donnait plus d’éclat et de beauté, d’où l’idée du bijou… Réalité ou mythe, je n’en sais rien. Concernant les origines du bijou d’Ath Yenni, l’histoire me semble plausible : Quand la première reine d’Espagne a décidé de chasser les non-catholiques du pays, au 15e siècle, tous les juifs et tous les musulmans ont rejoint le Nord de l’Afrique. Certains juifs ont atterri à Béjaïa et ont appris aux Béjaouis l’art de fabriquer le bijou en argent. Par la suite, des artisans des Ath Yenni, réputés pour être passés maîtres dans l’art de travailler les métaux, ont très vite appris la fabrication du bijou où ils ont excellé et c’est ainsi que le bijou en argent spécifique aux Ath Yenni est né». Concernant les villages qui maîtrisent le plus l’art du bijou, le conférencier dira : «Ath Larba et Ath Lahsen sont réputés pour être les meilleurs dans l’art du bijou en argent, mais il y a aussi Taourirt Mimoun». Au sujet de la composition du bijou de Béni Yenni, l’orateur indiquera : «Depuis le 15e siècle, le bijou de Béni Yeni se compose de 950 à 975 grammes d’argent pur, auquel on ajoute 25 à 50 grammes de cuivre pour plus de maniabilité et de solidité. C’est une loi non écrite mais toujours d’actualité. D’ailleurs, c’est pour cette raison que dans le temps les filles d’Ath Yenni ne se mariaient qu’avec les garçons d’Ath Yenni, afin de préserver ce secret. Le métier s’est donc transmis de père en fils et de mère en fille».

Hocine T.

Ils ont dit:

HASSEN MOALI, bijoutier

«AGENOR nous a oubliés depuis 15 ans»

«L’organisme d’Etat qui doit s’occuper des artisans bijoutiers, à savoir AGENOR, nous a complètement oubliés. L’agence ne fait rien pour assurer la promotion de ce créneau et nos quotas ne nous sont plus livrés depuis 15 ans. Au lieu d’assouplir la procédure d’obtention du poinçon de garantie, les services de garantie ont imposé une procédure draconienne. Les services concernés doivent aussi prendre les mesures pour éliminer le produit contrefait qui envahit le marché et qui détruit notre produit. Nous demandons aussi l’augmentation de notre quotas de corail».

MOULOUD KELOUCHE, bijoutier

«Nous demandons plus de transparence»

«Cette édition est un gâchis. Personnellement, j’étais pour son annulation. L’organisation est mauvaise et l’information n’a pas circulé. Pour un simple anniversaire, les gens se préparent pendant une semaine, alors que la Fête du bijou n’a été annoncée qu’il y a dix jours. Nos responsables ne communiquent pas avec nous. Un événement pareil doit être discuté et préparé pendant des mois».

BELAID FEKIR, bijoutier

«L’augmentation du prix du stand a été décidée unilatéralement»

«Le CCF se compose d’une trentaine de membres, mais la commission des bijoutiers n’a pas été consultée, les artisans sont livrés à leur triste sort. Au lieu d’aider les nouveaux artisans, on les bloque par des procédures draconiennes. En plus, le prix du stand qui était de 6 000 DA est monté à 10 000 pour les locaux et à 19 000 DA pour ceux qui viennent d’ailleurs. Nous demandons plus de dialogue et plus de transparence dans l’organisation et la gestion de la Fête».

BRAHIM ABAD, artisan bijoutier

«Nous demandons de l’aide»

«Personnellement, je ne rentrerai pas dans les querelles intestines. Je demanderai par contre aux responsables du secteur de rendre disponible la matière première, d’alléger les procédures administratives et de renforcer le contrôle, afin d’éradiquer le produit contrefait qui cause des dégâts à notre artisanat».

Propos recueillis par H. T.

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