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EL-ESNAM Virée au piémont de Tikjda : D’hous, un éden du bout du monde

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D’hous est une localité relevant administrativement de la commune d’El-Esnam, qui est située sur le versant nord du barrage de Tilesdit. Le lac artificiel qui la sépare du chef-lieu communal demeure une entrave à tous les déplacements des citoyens possédant des terres sur place ou encore ceux qui y résident.

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Depuis la réalisation d’un pont et d’une route qui enjambent l’oued en queue de barrage, la souffrance est moindre, mais persiste et se fait ressentir à chaque déplacement. D’hous s’étale sur la rive nord du barrage de Tilesdit, sur près de 13 kilomètres. À perte de vue, des oliviers, des vergers, mais aussi et surtout des maraichers. D’immenses jardins où sont cultivés tomate, poivron, piment, maïs, melon, pastèque… s’étalent à la vue du visiteur de passage. Une verdure qui rapporte, mais non sans efforts, affirme-t-on auprès des cultivateurs qui s’échinent du mieux qu’ils peuvent pour produire des légumes et des fruits frais à la saveur particulière. Pour parvenir à D’hous, il est impératif d’avoir un véhicule robuste, car les pentes abruptes conjuguées aux pistes caillouteuses risquent à n’importe quel virage d’endommager la voiture. C’est sûrement pour cette raison que pour arriver à cette destination, les chauffeurs de taxis clandestins exigent pas moins de 1 500 dinars de course entre le chef-lieu communal et D’hous. Nous avons tenté l’expérience et la somme demandée n’est pas volée au vu du risque de voir son véhicule se retourner dans un ravin ou dégringoler du haut d’une falaise. Les pistes sinueuses, du reste entièrement dégradées par les eaux pluviales, s’apparentent plus à un oued qu’une voie carrossable.

Des hameaux au pied du barrage alimentés par des camions citernes de l’APC !

Arrivée au niveau de la station service d’El-Esnam, une bifurcation mène vers le village de Tizi, la route est assez bonne sur 6 km avant de parvenir au pont de D’hous. D’emblée, on retrouve des étendues fertiles de pommes de terre, de blé et des hectares d’oliviers à perte de vue. Cependant, une fois parvenu à proximité du pont, il faut encore parcourir plusieurs kilomètres avant de rallier Zerkouk, premier hameau de D’hous qui est habité par plusieurs familles, et d’ailleurs ses 400 habitants n’ont jamais quitté les lieux. Pourtant sur place, pas âme qui vive visiblement. C’est ce que l’on pourrait on croire. Mais il n’en n’est rien. Les habitants sont tous dans leurs propriétés, affairés qui à bêcher, qui à irriguer en contrebas à proximité de la queue du barrage. Dans ce premier hameau, l’électricité existe, ce qui n’est pas le cas dans les bourgades voisines. En plus, les services de l’APC les alimentent régulièrement par camion citerne en eau potable. Actuellement, l’APC s’affaire à la réalisation d’un château d’eau et des engins sont sur place pour amener les canalisations d’AEP vers le futur réservoir en construction. Non loin de là une bifurcation mène vers la ville de Haïzer et d’ailleurs, nous y croisons un camion de Naftal avec une cargaison de bonbonnes de gaz butane qui se dirigeait vers le village de Tikboucht, sur l’autre versant.

D’hous, unvillage de martyrs

Ahcène, notre accompagnateur lors de cette virée, estime que D’hous possède une histoire particulière depuis 1954, mais demeure marginalisée depuis l’indépendance et même bien avant : «La population de D’hous a toujours souffert, et les familles d’ici ont plusieurs martyrs. Toutefois, deux familles ont été quasiment décimées lors de la Révolution par l’armée coloniale. Il s’agit des familles Ouchène et Cherarak dans lesquelles on compte plus d’une dizaine de martyrs pour chacune. D’ailleurs, après la destruction de D’hous par les forces coloniales, toute la population a été obligée de s’exiler vers El-Esnam. Après l’indépendance, personne ne s’est souciée de cette localité. Ensuite la décennie noire est arrivée, même topo et les gens ont dû fuir les hordes terroristes qui écumaient la région. Enfin et pour couronner le tout, le plus grand ennemi s’est installé. Pour nous, il s’agit du barrage de Tilesdit. Ce barrage a été la fin et nous avons tous été expropriés. Aujourd’hui, nous souhaitons avoir de l’électricité, de l’eau et surtout des routes. S’il y avait tout ça, El-Esnam aurait son petit coin de paradis. C’est le seul endroit où l’on peut faire du maraichage et il peut être classé deuxième après Tikjda en matière d’investissements pour la commune et même transformer quelques kilomètres de berges pour recevoir des touristes. Il y a près de 13 km de berges inexploitées entre la digue du barrage située à Bechloul et tout cela relève de D’hous. Ces berges, une fois aménagées, pourraient faire le bonheur des familles pour des lieux de détentes. Aujourd’hui, la région connait un engouement particulier notamment avec la plantation de vergers. Il y a ici un jeune milicien retraité qui a investi dans la pêche plate. Une variété nouvelle qui s’acclimate parfaitement sur les bords du barrage et son goût est exceptionnelle. Les oliviers, auparavant à l’abandon, produisent de nouveau une huile de qualité supérieure très appréciée. C’est une nouvelle Mitidja qui s’offre à nous pour peu que les pouvoirs publics prennent les devants, en répondant favorablement à nos doléances qui sont assez simples à réaliser. Les hameaux abritant les familles Aliouat, Messaoudi, Hamdache, Yahiaoui, Demouche, Ouchène, Belkebir, Djerra, Kerrouche, Aggoun, Laidali, Merri sont vraiment dans le dénuement en matière de développement. Cette zone éparse accueille énormément d’agriculteurs dans différents domaines, et en plus des maraichers qui priment, l’élevage ovin, bovin, l’aviculture et l’apiculture sont des activités qui font vivre toutes ces familles. Des familles qui ne peuvent pas vivre sur place dans ces conditions mais qui ne ménagent aucun effort pour faire revivre cette région. D’ailleurs, de nuit, ils se relaient pour surveiller leurs exploitations afin d’éviter les mauvaises surprises que pourraient créer les maraudeurs de passage. Durant la journée, la localité est très animée mais la nuit, tout le monde quitte les lieux en l’absence de commodités les plus rudimentaires.

Des harragas… continentaux !

En l’absence de moyens financiers et d’une route digne de ce nom, de nombreux agriculteurs optent pour des solutions faciles mais dangereuses, pour rejoindre l’autre rive du barrage au sud, du côté de Taourirt Amar. Des embarcations pneumatiques, qui s’apparentent à des jouets pour enfants, sont remisées sous les plantations et servent pour traverser les quelque 800 mètres d’eau les séparant de l’autre rive. Cependant, et cela arrive souvent, ce qui est appelée pompeusement «barque», crève et laisse s’échapper l’air en mettant ainsi en danger la vie de ceux qui montent à bord. «À maintes reprises, nous sommes obligés de continuer à la nage, car la barque se dégonfle. Nous prenons le soin, à chaque traversée, de bien conserver nos papiers d’identité dans des sacs en plastique de manière hermétique», nous dira un maraîcher rencontré sur place. Ce dernier, en compagnie de deux adolescents, était occupé à irriguer sa parcelle de plants de tomate et de poivron. Il nous invitera à prendre place sous un olivier pour éviter les rayons du soleil. «Nous prenons des risques oui, nous en avons conscience, mais les pouvoirs publics doivent comprendre qu’avec la piste, il nous faut plus d’une heure pour rejoindre la ville d’El-Esnam. Les clandestins nous demandent 1 500 dinars pour à peine 15 km, les tracteurs d’eau potable prennent 2 500 dinars pour une citerne. Cet éloignement à un coût certes, mais pas à ces prix. Si les routes étaient carrossables, le trajet serait réduit de même que le prix. Nous acheminons nos récoltes vers les marchés de Bechloul, El-Esnam, Haïzer, Ath Leqsar mais en petites quantités, car aucun camion ne prendrait le risque de s’aventurer sur ces pistes infernales», déclare le jeune agriculteur. Pour notre accompagnateur qui a également testé cette traversée, c’est une aventure très dangereuse : «C’est un risque similaire à celui qu’encourent les harragas pour se rendre en Espagne ou en Italie. Les embarcations en plastique gonflables sont plus des jouets pour piscines qu’un moyen de locomotion pouvant affronter les flots sur près d’un kilomètre. Parfois, cela se fait en hiver alors que l’eau est très froide. J’ai fait la traversée avec des éleveurs à maintes reprises pour aller nourrir leurs bêtes, mais je ne renouvellerais pas cette expérience», se souvient-il en avouant que la dernière traversée à faillit mal tourner. «Si l’État savait ce que les gens de D’hous endurent pour vivre, je pense que les routes seraient praticables depuis belle lurette et que leur aménagement serait régulier», ajoutera-t-il. Et ces harragas continentaux sont légion dans la région, nous dit-on. «Les jeunes risquent leurs vies pour se rendre en Espagne et nous on risque la nôtre pour aller à D’hous», plaisante notre interlocuteur. Pendant ce temps, l’Agence nationale des barrages et transferts mène campagne à travers le territoire pour empêcher les baignades dans ces étendues d’eau !

L’APC promet de mettre les bouchées doubles

L’administration a été informée des doléances des citoyens de D’hous, aussi bien l’APC d’El-Esnam que la daïra de Bechloul où les services de la wilaya savent tous qu’en 2017, ils attendent toujours un hypothétique développement. À une certaine époque, il était d’un projet pour la réalisation d’un habitat groupé, englobant deux à trois cités. Cependant, il aurait fallu que les propriétaires donnent les terres nécessaires pour sa construction. «Ce n’est pas facile pour un agriculteur de donner deux à trois hectares pour l’implantation d’un tel projet, car après il ne lui restera plus de terre pour son exploitation. L’idéal aurait été d’implanter cet habitat groupé à la périphérie de la forêt. Une forêt entièrement calcinée depuis plusieurs années et qui est apte à recevoir ce genre de projet sans léser les agriculteurs. Il faut également prévoir une école en plus des commodités, telles que l’eau, l’électricité, les routes… L’État peut prendre en charge ce projet, il suffit juste de se pencher sérieusement sur notre localité», estime Ahcène. D’hous, et ce même de l’avis des autorités communales, est l’avenir de la région avec ses opportunités d’investissement dans le tourisme et l’agriculture. D’ailleurs, le P/APC d’El-Esnam, M. Hellal, affirme que depuis que le pont a été réalisé, beaucoup de projets sont destinés à cette localité oubliée.

Hafidh Bessaoudi

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