“L’Algérie ne tire pas profit de ses émigrés”

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La migration des compétences ou la fuite des cerveaux, avec toutes les conséquences de cette réalité sociale ancrée depuis le siècle dernier dans les pays de la rive sud de la méditerranée, font l’objet d’un colloque international, depuis hier, à Béjaïa.

La migration des compétences, plus connue sous le concept de fuite des cerveaux, est un sujet d’actualité et, justement, la faculté des sciences économiques, commerciales et des sciences de gestion de l’université de Béjaïa a choisi cette thématique pour organiser cette rencontre internationale. «L’immigration qualifiée et développement des pays d’origine : enjeux et réalités», tel est le thème de la conférence qui a regroupé, une journée et demie durant, la famille universitaire, en général, et de la sociologie, en particulier, pour tenter de mettre la lumière sur les transformations de ce phénomène et les politiques à mettre en place pour éviter d’autres émigrations et permettre à celles établies déjà à l’étranger, à contribuer au développement de leurs pays d’origine. Des professeurs, des directeurs de recherche et des sociologues, exerçant tant en Algérie qu’en France, en Belgique, au Maroc, en Mauritanie et en Égypte, ont présenté une dizaine de communications sur l’émigration des compétences et le rôle des diasporas dans le cadre du développement de leurs pays respectifs. «Nous avons organisé ce colloque international dans le but de rendre hommage au pionnier de la sociologie à Béjaïa, le défunt Mohamed Madoui, et pour débattre autour de la question relative à l’intérêt de canaliser les compétences et trouver les mécanismes pour les intéresser, sachant qu’il y a des opportunités de développement car il faut savoir qu’au Maroc, 7 milliards de dollars rentrent au pays par le biais de cette migration qualifiée et 17 milliards pour l’Égypte, alors que pour l’Algérie, pas un sous. L’après pétrole nous oblige à chercher une source de financement. Donc, cette migration hautement qualifiée peut en constituer une», dira le président du comité d’organisation, le professeur Moussa Boukrif. «Un migrant s’entend de toute personne quittant son lieu de résidence habituelle pour franchir une frontière quelle que soit la cause du déplacement», dira Pascal Reyntjens, premier à prendre la parole après les allocutions d’ouverture prononcées par le recteur de l’université et les responsables des comités d’organisation et scientifique. Il dissertera longuement autour de la diaspora et la mondialisation qui a permis à cette dernière de vivre en harmonie avec les autochtones et à prendre des engagements vis-à-vis du pays d’origine en tant qu’acteur de développement. De son côté, le directeur de recherche au CREAD d’Alger, Mohamed Saïd Musette, s’étalera sur les fuites des cerveaux, concept provocateur, soulignera-t-il, à partir du continent africain, en développant le thème relatif à l’Afrique dans la migration. Pour le conférencier, une vingtaine de millions d’Africains sont enregistrés en Afrique alors qu’au niveau mondial, il y en a une trentaine de millions. 52% de ces derniers se sont installés en Afrique, 36% en Europe et 12% en Asie. Concernant les pays africains qui accueillent le plus de migrants, «l’Afrique du sud, la côte d’Ivoire et le Nigeria se placent aux premières loges», fera savoir le docteur Musette. Il enchaînera en déclarant que depuis deux décennies, il a été constaté une augmentation de 90% du taux de migration à partir de l’Afrique vers les pays européens et autres continents. Celle des migrants hautement qualifiés a atteint le taux de 79% et c’est ainsi qu’il a été dénombré une soixantaine de milliers de médecins algériens, y compris ceux nés dans les pays d’accueil, qui se sont installés à l’étranger, dont 27 000 formés en Algérie et ayant fui par la suite, et le plus grand nombre est constitué de psychiatres. Pour l’orateur, la migration est positive, elle n’est nullement une malédiction mais plutôt une bénédiction. Approché, Hicham Jamid, des universités de Paris (France) et d’Agadir (Maroc) en même temps, dira que cet événement arrive une année après le décès du grand sociologue que fut, de son vivant, Mohamed Madoui, qui était le directeur de thèse de notre interlocuteur. Justement celui-ci, avant de mourir, avait développé l’entreprenariat qui n’est pas un acte quelconque mais plutôt un acte social. Donc, à la descendance de bien s’intégrer et de s’affirmer. Jamid rajoutera que le Maroc est parmi les pays où l’émigration qualifiée est forte avec ses 400 000 personnes ayant un BAC plus, et pourtant les motivations de retour vers le pays d’origine se font de plus en plus sentir avec la multitude d’opportunités. Ceci est à mettre également, soulignera notre interlocuteur, aux nombreuses contraintes rencontrées en pays d’accueil, telles que l’origine et le statut juridique. Alors que la demi-journée d’aujourd’hui est réservée au travail d’ateliers, la journée d’hier a été marquée par la présentation d’une série de conférences. À souligner que c’est aujourd’hui, aux environs de midi, que s’achèveront les travaux de ce colloque international, le premier du genre en Algérie, qui se tient depuis hier au campus d’Aboudaou, en hommage au défunt professeur en sociologie, Mohamed Madoui.

A. Gana

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