La filière oléicole entre hauts et bas

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En matière d’oléiculture, la wilaya de Bouira est bien lotie avec une superficie de 37 000 hectares d’oliviers à travers toute la wilaya, dont 27 000 hectares en production.

Pour la saison écoulée, la production était de l’ordre de 7 millions d’hectolitres. Toutefois, l’oléiculture se fait de manière ancestrale, malgré l’organisation de journées de sensibilisation et de vulgarisation au profit des oléiculteurs pour mener à bien l’entretien de leurs vergers et parfaire la production oléicole. Dans ces conditions, il est difficile de produire une huile d’olive de qualité répondant aux normes sanitaires réglementaires. Aussi bien lors de la récolte que pour les conditions de stockage, les conditions de trituration et les conditions de conditionnement de l’huile avec des contenants adéquats, sont autant d’étapes qui doivent être revues et améliorées. Beaucoup reste à faire avant d’obtenir une huile de qualité à Bouira, et ce de l’aveu même du DSA de Bouira, M. Djoudi Ganoune. Pour la dernière saison, il a été enregistré des rendements d’huile d’olives avec des pics variant entre 27 et 30 litres par quintal. Mais force est de constater auprès des oléifacteurs que cette année, la production est de moindre importance. Selon un agriculteur d’El Esnam, le rendement en huile est faible et de mauvaise qualité de surcroit : «Lorsque nous avons entamé la récolte, le grain n’était pas arrivé à maturité, donc le pédoncule de l’olive était toujours attaché au grain et c’est ce qui a donné l’amertume à cette huile», nous confie-t-on. De même, notre interlocuteur évoque un déficit immense comparativement à l’année dernière : «Cette saison, le rendement au quintal atteint à peine les 5 litres d’huile au quintal, c’est vraiment beaucoup de risques pour récolter chaque grain et de voir nos efforts si peu récompensés». Il faut noter que pour obtenir une huile de qualité, il faut être patient et attendre que l’olive soit arrivée à maturité. Stade reconnaissable lorsque le grain n’est pas tout à fait noir et que sa couleur tourne au violet. Il s’agit là d’une étape à respecter en plus du conditionnement qui doit se faire dans des cagettes réservées à cet effet. Bien sûr, pour avoir une huile de qualité, les olives ne doivent pas moisir en tas dans les parcs des huileries en attendant leurs triturations.

Des journées de sensibilisation pour améliorer le rendement

La chambre de l’agriculture de Bouira, de son côté, ne ménage aucun effort pour sensibiliser les agriculteurs à produire une huile de qualité et plusieurs journées de formations, d’informations et de sensibilisation sont dédiées à ce secteur oléicole. La dernière en date a regroupé plusieurs oléiculteurs de la wilaya qui ont assisté aux différents procédés à mettre en œuvre pour obtenir une huile d’olive vierge d’excellente qualité. «Il est continuellement mis en exergue que le producteur doit respecter certains procédés à la fois agricoles, physiques et mécaniques. Il s’agit de tout un itinéraire technique à suivre scrupuleusement. Il faut en premier lieu travailler le sol, il faut aussi irriguer les arbres et les tailler. Le deuxième point est le choix de la date de récolte qui est primordiale pour obtenir une huile d’olive de qualité. C’est ce que nous visons au niveau des services de la DSA et de la chambre d’agriculture de Bouira», affirme M. Abdelmalek Akkouche, secrétaire général de la chambre d’agriculture de Bouira. Ainsi, les agriculteurs doivent absolument maîtriser ces techniques pour obtenir une meilleure récolte et une huile de qualité qui atteint ses meilleures caractéristiques physicochimiques. D’après les récentes études effectuées, il a été déterminé que le stade de maturité idéale est l’avant dernière étape de la maturité du fruit. Les procédés corrects, notamment lors de l’extraction de l’huile, du transport et du stockage des olives doivent être de vigueur également. L’irrigation régulière des oliviers pour la satisfaction des besoins nutritifs des arbres et diminuer le phénomène de l’alternance est aussi préconisée, notamment à travers un arrosage réglementé particulièrement en cas de sécheresse. Enfin, les spécialistes sont unanimes à déclarer que le meilleur moyen de récolte est la récolte à la main et le stockage à l’intérieur de filets, afin d’éviter la dégradation des fruits, son oxydation ou l’introduction de l’air ou d’autres éléments chimiques.

Le vol d’olives encouragé par… des receleurs ambulants

Dans la commune d’Ath Leqsar, au Sud-est du chef-lieu de wilaya, le mouvement associatif s’est érigé en garde-fou en mettant en œuvre une charte commune avec les propriétaires d’huileries pour combattre ce phénomène de vol qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Une requête a même été transmise aux autorités locales pour inciter les services de sécurité à participer à la lutte contre ces vols et larcins qui pénalisent à plus d’un titre, non seulement les victimes dépossédées de leurs biens, mais également les consommateurs d’une huile, dont le grain n’aurait pas été trituré de manière adéquate à cause de son stockage. Les véhicules utilitaires stationnés sur le bas côté de la chaussée ont quitté la région et l’achat d’olive et désormais organisé, mais les vols continuent d’être enregistrés car les chapardeurs revendent le produit de leurs larcins dans les communes avoisinantes, là où les acheteurs d’olives exercent en toute impunité sans encourir le moindre risque.

Lorsque des olives contaminent l’organisme

La plupart des acheteurs d’olives entreposent les grains dans des sacs usagers ayant contenus parfois des produits toxiques. C’est le cas pour les sacs d’engrais chimiques qui sont recyclés pour contenir les olives achetées et là encore, la consommation de l’huile d’olive issue de ces grains ainsi stockés est hautement nuisible. Des risques avec des retombées néfastes et surtout irréversibles sur la santé. Jusqu’à présent, aucun service étatique n’a pris la peine de sévir contre ces intervenants parasitant la filière oléicole et nuisant à la santé publique par leurs agissements illicites.

La qualité de l’huile toujours pas au rendez-vous

Pour Akli Moussouni, ingénieur agronome et expert en développement, intervenant auprès du programme européen Diversification de l’Economie (DIVECO) et de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), beaucoup reste à faire pour développer la filière et surtout la qualité de l’huile d’olive. «Notre huile d’olive est malheureusement toujours stockée dans des conditions ne répondant à aucune norme sanitaire. Ce sont des bidons en plastiques usagés qui servent de contenants et en plus, ils sont souvent exposés au soleil aux abords des routes. Ces pratiques commerciales n’encouragent en rien le consommateur algérien à se tourner vers cette huile. La preuve, l’Algérien consomme actuellement moins d’un litre d’huile d’olive par an et par habitant, loin derrière le Tunisien avec 8 litres, l’Italien 12 litres et le Grec 20 litres», indique-t-il en ajoutant que la mévente de l’huile d’olive n’est pas une fatalité. En terme de quantité d’huile produite, l’expert affirme qu’il est difficile de l’évaluer en l’absence de mécanismes fiables des statistiques, mais «on peut l’imaginer autour de 10 000 tonnes alors que par rapport à une année faste, elle se situerait autour de 40 000 tonnes», estime-t-il.

L’Algérie est encore loin de l’exportation massive d’huile d’olive

Malgré sa présence en tant que membre du Conseil Oléicole International depuis 1963, l’Algérie peine à redynamiser sa filière, alors que les opportunités d’exportation massive peuvent être une alternative à la crise financière que connait le pays. Cependant, l’exportation d’huile d’olive demeure toujours tributaire d’une qualité de l’huile algérienne qui doit impérativement répondre aux normes internationales, car atteignant un taux d’acidité de 6 à 7%. Un écueil pourtant maitrisable pour parfaire l’huile d’olive algérienne afin que son taux d’acidité pour la commercialisation d’huile extra vierge doit être inférieur à 0,8%. Une technique qui doit être maitrisée afin de pouvoir exporter largement ce produit. Technique que semble avoir maîtrisé nos voisins tunisiens qui, depuis le début de la campagne oléicole, envoient des émissaires auprès des grandes huileries de la région pour acheter un maximum d’huile d’olive. Une huile qui est acheminée en Tunisie pour y être raffinée et exportée sous le label tunisien par la suite.

La bactérie Xyllela fastudiosa, le verticilose et la mouche de l’olivier, autant de menaces sur le parc oléicole

La bactérie Xyllela fastudiosa sévissant dans les vergers oléicole en Italie depuis 2013, détectée dernièrement en Corse et qui s’étend à travers le bassin méditerranéen, demeure une menace permanente et non négligeable en Algérie. Certaines souches de la bactérie Xyllela fastudiosa sont responsables de maladies mortelles ou potentiellement mortelles pour l’olivier. Il en est de même pour le verticiliose et la remontée des sels ayant déjà décimé des centaines de vergers en l’absence d’observatoires qui doivent alerter les instituts techniques concernés. La mouche de l’olivier est également une menace pour la qualité de l’huile qui peut être altérée si aucun traitement n’intervient à temps.

Hafidh Bessaoudi

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