Les murs de nos décrépitudes

Partager

S. Ait Hamouda

Il m’arrive souvent de penser dans le vide à tout et à rien. D’imaginer le montagnard dans son austérité, sa sévérité et son humilité, accroché, le matin, à ses oliviers et l’après- midi, rentrant fourbu dans sa demeure, prend son déjeuner ensuite un café puis fait sa sieste. Elle est très courte mais réparatrice, alors il redescend aux champs ramener de l’herbe aux animaux. Il remonte au village avec son chargement de végétation pour ses bêtes, soupe et s’endort du sommeil du juste. C’est globalement le vécu de nos montagnards, quelque chose de mécanique, de métronome réglé comme une montre suisse. Il n’a pas le temps pour les commérages et pour parler des autres. C’est une façon à lui d’aimer et de se faire aimer par tout le monde. Le vieillard compte les jours, les saisons, les dons de sa terre, de ses arbres fruitiers et de ses bêtes. Il n’a pas le temps de se laisser distraire par les choses politiques et autres… Il se suffit à lui-même, à ses enfants, à sa femme, à sa chaumière et à ses terres. Mais penser dans notre cas est plus que saisissant, plus qu’assommant, plus qu’anesthésiant. Ça vous malmène, ça vous ébranle puis ça vous déshumanise au point de faire de vous un individu monstrueux. D’où nous vient cette faculté de nous métamorphoser avec une telle vitesse pour passer de l’état d’homme à celui d’animal féroce ? Pourtant elle n’est pas inscrite dans nos genèses, ni dans notre éducation, ni dans la manière dont nos géniteurs nous ont appris à nous comporter en société. Elle est en nous, nous sommes seuls responsables et seuls comptables devant le seigneur. Nous avons préféré l’aumône des plus futés à la bénédiction des proches et des bien pensants d’entre-nous. Nous sommes liés par l’argent et ses promesses que par la justesse des causes qui nous interpellent. Nous nous butons à chaque fois sur des murs fabriqués pour notre décrépitude…

S. A. H.

Partager