Le poumon du nord infect

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La forêt de Bouhlalou est un exemple édifiant de l’état de destruction de notre patrimoine faunistique et floristique.

L’actualité nationale a été dominée ces derniers jours, par l’apparition d’un foyer de choléra, qui a fait plusieurs victimes au centre du pays. La réapparition de cette épidémie moyenâgeuse, éradiquée depuis longtemps sous d’autres cieux a créé un climat de panique et de peur généralisée, mais n’a pas manqué de poser encore une fois l’épineux problème de l’hygiène et de la sauvegarde de l’environnement. La forêt de Bouhlalou est un exemple édifiant de cet état de destruction de notre patrimoine faunistique et floral. En effet, ce poumon naturel s’étend sur une superficie d’une centaine d’hectares et se situe entre les deux RN 24 et 71. Elle est à cheval sur deux communes, Fréha et Aghribs, avec un bassin de population qui, au bas mot, dépasse les 30 000 âmes avec des villages importants, comme Tamassit, Aghribs, Ikherban, Taguersift, Imekhlaf ainsi que la ville de Fréha. La couverture végétale de cette forêt est constituée essentiellement de chênes lièges et d’un maquis bas très dense. Une variété très importante d’herbes, dont certaines ont des vertus médicales. Quant à la faune, on distingue les oiseaux sédentaires tels que la perdrix, rouge-gorge, les moineaux et autres chardonnerets. Des oiseaux migrateurs, telle la grive, sont aussi de passage. Les mammifères existants sont les chacals, les sangliers et les lapins. Le lapin le plus répondu est le lapin de garenne, alors que le lièvre se fait de plus en plus rare. Cette richesse a été mise à rude épreuve à maintes reprises, et a connu une dégradation dans les effectifs, par plusieurs feux ont ravagé l’habitat naturel des animaux et leurs lieux de repos et de nidification. Ajouté à cela, les tempêtes de neige et les hivers rigoureux qui ont eu raison d’un grand nombre de ces animaux sauvages. Une route goudronnée reliant la RN71 à la RN24, traverse cette forêt. En empruntant cette dernière, une odeur nauséabonde et suffocante vous oblige à fermer les carreaux. Cette odeur insupportable le long de la route est le résultat de jets de détritus. Des deux côtés de la route, la chaussée croule sous les immondices. Des cannettes de bière, des bouteilles en plastique, des sacs poubelles remplis, des bennes de fumier de vaches et des poulaillers, mais le plus grave ce sont les animaux tel que les vaches ou les brebis pétrifiées, qui jonchent les abords de la route et qui dégagent des odeurs insupportables. La décomposition de ces animaux est une source de maladies infectieuses, qui peuvent se propager via des les moustiques et les animaux sauvages qui peuvent être en contact direct ou indirect avec les humains. Cette décharge à ciel ouvert est devenue un terreau fertile de plusieurs meutes de chiens errants qui trouvent de la nourriture. Ces animaux prolifèrent des maladies qui peuvent être dangereuses pour l’homme, autant que pour le gibier, surtout au moment des grandes chaleurs, tel que la gale, la leishmaniose ou la rage. Une battue administrative est plus qu’urgente et s’impose d’elle-même. Pour les détritus éparpillés ici et là le danger est la pollution des sources d’eau qui peut s’opérer avec le ruissellement de lixiviat. Le lixiviat est le liquide que les déchets produisent sous l’action conjuguée de ruissellement des eaux de pluies et de la fermentation naturelle. Ce dernier ne doit pas être rejeté dans le milieu naturel, mais doit être soigneusement collecté et traité. La dégradation de ce site qui est Bouhlalou est un véritable gâchis, surtout lorsqu’on connaît les opportunités économiques qu’il peut apporter à l’avenir, avec un développement de tourisme et l’exploitation de liège.

Quand le politique aggrave la situation

Ce gâchis aussi contraste avec l’épisode du centre d’enfouissement technique CET, qui a défrayé la chronique pendant l’été 2015. Pour rappel, l’implantation d’un CET dans cette forêt que voulait imposer les autorités locales, s’est heurté à une farouche opposition de la majorité des villageois, soucieux de la préservation de ce formidable gisement écologique. Cet épisode, qui a conduit à un profond clivage entre une frange qui a soutenu ce projet, bien qu’elle ait été peu nombreuse, et une majorité hostile, a eu des répercussions importantes lors des élections municipales passées. Mais aussi à l’arrêt de ramassage des ordures ménagères par l’ancien exécutif de la commune d’Aghribs. Depuis, la situation s’est aggravée malgré les nombreuses campagnes de volontariat organisées, soit par les associations écologiques ou par les comités de villages. La dernière en date a été organisée par un collectif citoyen du village Imekhlaf avec la présence des élus locaux et du maire de l’APC d’Aghribs. Mais ces actions sporadiques, malgré le fait qu’elles ont le mérite de diminuer, un tant soit peu, de cette pollution et d’interpeller les consciences face à ce problème majeur et qui ne cesse de prendre de l’ampleur, il n’en demeure pas moins que seule une politique environnementale associant la société civile, les collectivités locales et nationales peut arrêter cette hémorragie. Les experts en environnement n’ont pas cessé d’appeler à une politique environnementale qui prendra en charge le traitement des déchets de l’amont jusqu’en aval. Ce qui peut se traduire par des mesures concrètes comme le tri sélectif à la source, de l’incinération des déchets non recyclables, la réalisation des centres de tri et de recyclage de certains produits et le compostage des déchets organiques. Ceci avec des incitations fiscales et des avantages financiers aux porteurs de projets, aux PME PMI et aux jeunes qui veulent se lancer dans l’activité de ramassage, de tri et de recyclage. Mais ceci ne peut avoir de résultat sans une adhésion totale de la population, qui passe par des campagnes de sensibilisation et d’éducation civique des plus jeunes. Une politique environnementale qui s’intégrera dans ce qu’on appelle une économie circulaire. Cette dernière aura un impact positif tant sur le plan environnemental qu’économique, puisqu’elle est une source de création, de richesse et d’emplois. Contrairement à ce que pensent certains pessimistes, ces projets peuvent se concrétiser et ne nécessitent pas des sommes faramineuses. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir des villages comme Iguersafen qui ont l’audace de se lancer dans ce pari et qui enfin l’ont réussi. D’ailleurs, L’APC d’Aghribs s’en est inspirée. Un village pilote est choisi pour le lancement de cette opération à savoir Adrar At Quodia. Pour finir sur une note d’espoir, lors de notre visite à la forêt, on a remarqué deux engins de ramassage des canettes de bière et de soda par une entreprise spécialisée dans le recyclage de l’aluminium. Mais il est vrai que cette matière est très demandée sur le marché national et international, et rapporte de juteux profits.

M. I. B.

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