Le cri de détresse des handicapés

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Quasiment abandonnés à leur triste sort, comme isolés par la société, souffrant d’absence d’accessibilité et souvent refusés à l’embauche, les handicapés se sentent de moins en moins protégés.

Les institutions censées leur fournir de l’accompagnement font défaut. Voilà la situation amère que vivent les handicapés dans la wilaya de Boumerdès. Plusieurs handicapés et encadreurs de cette catégorie de la société, rencontrés lors de la célébration, la semaine dernière, de leur Journée internationale à la maison de la culture Rachid Mimouni, n’ont pas mâché leurs mots pour exprimer leurs détresse et angoisse quotidiennes. Les structures publiques devant accueillir cette frange de la société sont dans la plupart des cas incapables de recevoir le nombre d’handicapés en constante croissance. Au centre de Khemis El Khechna, à l’ouest de Boumerdès, les parents d’élèves ont estimé que ledit centre est incapable d’accueillir plus de 120 jeunes. L’école des non voyants de Bordj Ménaïel, créé en 1999, accueille des jeunes âgés de 3 à 18 ans. Actuellement, près de 66 élèves, dont 32 garçons et 34 filles, sont pris en charge au niveau de ce centre. Le centre de la formation professionnelle pour les handicapés de Corso a une capacité d’accueil qui ne dépasse pas les 130 stagiaires. Il est parmi les plus importantes structures dédiées à cette catégorie dans la région. Il accuse un déficit en matière d’équipements d’apprentissage, nous dit-on. Cela empêche d’encadrer dans de bonnes conditions des handicapés, moteurs, mentales et physiques. Car l’apprentissage de ces jeunes prend beaucoup de temps et ils n’assimilent pas les cours facilement; l’enseignant doit répéter le cours et la pratique à tout moment. «Malgré ces difficultés, nous avons eu des exemples pertinents de stagiaires qui ont réussi avec brio leurs formations et ont pu décrocher des postes d’emplois après le cursus», nous dira une enseignante. C’est l’exemple du jeune Makine, originaire des Issers diplômé en poterie et qui a obtenu un job au niveau du centre de Tidjelabine pour les trisomiques 21. Des enseignants déplorent le manque de choix dans les formations et les organismes créés par des volontaires pour pallier aux carences enregistrées par les institutions publiques, elles aussi, dans le désarroi. L’association AWIT d’encadrement des trisomiques est le meilleur exemple. Agréée par les services de la Drag depuis plusieurs années, l’AWIT n’a toujours pas de siège qui ferait office de bureau. «Nous louons un appartement au niveau des 1 200 logements à raison de 30 000 DA par mois», dira son président, Rachid Badaoui. Il ajoute : «L’ex-wali nous a promis un centre à Corso, au lieudit Zidane pour l’exploiter, mais en vain. Actuellement, l’édifice est squatté. Un grand espace de l’appartement que nous louons est consacré pour des séances orthophoniques au profit des jeunes trisomiques ne dépassant pas l’âge de cinq ans». L’exigüité des lieux a contraint le bureau de l’AWIT à refuser l’admission de nouveaux jeunes, notamment des localités lointaines. «Nous avons près de 80 jeunes inscrits mais qui ne peuvent pas nous joindre en raison de l’absence d’espace et de structures», dira Abdelaziz Harad, éducateur. «Outre cela, nous faisons également face au problème de transport pour le déplacement des parents d’élèves et faciliter l’accès aux jeunes trisomiques», ajoute le président de l’association. L’autre grand problème, explique notre interlocuteur, «est l’absence d’accompagnement après l’âge de 18 ans, âge où le jeune se retrouvera seul et dans un autre monde. C’est là que l’État doit intervenir pour les accompagner et les intégrer, notamment, dans le marché de l’emploi. Car malgré leur handicap, les trisomiques ont des capacités importantes à ne pas sous-estimer». Le centre a réussi à encadrer 46 jeunes à travers plusieurs localités, entre autres, Boudouaou, Dellys et Boumerdès. Dans d’autres endroits, c’est l’absence de salles notamment au niveau des écoles primaires qui pose problème. L’APC de Boudouaou leur a octroyé un espace au niveau de la bibliothèque communale pour ouvrir une classe pour trisomiques, mais l’insertion de ces jeunes est toujours difficile. «Le centre de Corso a refusé d’insérer douze jeunes trisomiques pour suivre une formation en poterie et on ne connait toujours pas les raisons», dira le président de l’AWIT. Ce dernier ajoute qu’en plus de l’accompagnement et de la formation des trisomiques, l’AWIT emploie près de 38 éducateurs, formateurs et cadres. «Ils sont tous déclarés à l’assurance et perçoivent régulièrement leurs salaires à temps. Le dernier salarié touche 18 000 DA», affirme-t-il. Au niveau de la pouponnière de Boumerdès, l’adoption d’enfants handicapés est très difficile. Rares sont les couples qui choisissent d’adopter un enfant handicapé mentale ou autre. Le centre doit alors accompagner le concerné jusqu’à sa maturité. Sur un autre plan, les pouvoirs publics ont consacré une enveloppe financière de trois millions de dinars au profit de cette catégorie, où seuls 900 d’entre eux perçoivent une prime de 4 000 DA.

Pas d’augmentation de la prime de 4 000 DA

Lors de son intervention en marge des festivités de la Journée mondiale des handicapés, le secrétaire général du Ministère de la Solidarité, Rabah Hamdi, a écarté toute augmentation de la prime de 4 000 DA versée aux handicapés. «L’augmentation de la prime n’est pas à l’ordre de jour», a-t-il dit. Il justifie cela par l’inflation que connait la monnaie nationale depuis plusieurs années et les retombées de l’augmentation du Smig. Toutefois, il précise que l’État leur donne droit à une assurance, des aides financières indirectes, la prise en charge scolaire ainsi que l’insertion professionnelle de certaines catégories, avant de laisser entendre une éventuelle révision des textes de lois portant sur la protection des handicapés.

Yousef Z.

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