De la grandeur à la décadence

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Amdhoune n’Seddouk, dans la wilaya de Béjaïa, est le berceau de la révolution d’avril 1871 et le fief de Cheikh Aheddad, précurseur de cette fameuse et légendaire phrase : « Nous jetterons à la mer les soldats français, comme je jette par terre ma canne ».

C’était lors de l’appel à un soulèvement lancé le 8 avril 1871, au marché de Taghzouth à mdhoune n’Seddouk.Cette région de cagne se compose de quatre villages qui abritent environ 6 000 habitants et qui, à l’image de tous les villages de Kabylie, ne manquent pas de charme, surtout en période printanière où les paysages enchanteurs attirent irrésistiblement les regards des passants. Ighil n’Djiber se dresse sur la cime d’une colline, telle une forteresse inexpugnable, ibouamouchine est la plus grande agglomération, traversée, de surcroît, de bout en bout, par la RN 74. Seddouk Ouadda, le plus ancien village, languit sur un vaste plateau, limité des deux côtés par deux rivières. Et enfin, Seddouk Oufella, collé au flanc de la montagne d’Achtoug tel un orgue monumental, c’est le village de l’érudit Cheikh Belhaddad.

« Un village pétri d’histoire »

Seddouk, le chef-lieu actuel, est une ville fondée par les colons français, à leur arrivée en 1880, où vivaient, en parfaite harmonie, avant et durant la colonisation, kabyles, marabouts et juifs. Village pétri d’histoire, il a cette réputation d’abriter la plus grande et la plus ancienne communauté de la région. Cette grandeur nature, il l’a doit à la RN 74 qui le traverse de bout en bout, sur une distance dépassant deux kilomètres. Cette route à grande circulation donne aux habitants des vertus pour des activités commerciales et artisanales florissantes, avec une clientèle préétablie. Pour des besoins de proximité et de transports, les constructeurs privés ont trouvé l’aubaine d’ériger leurs habitations tout le long, et des deux cotés, de cette route. L’agglomération a connu une ascension fulgurante dans le domaine de l’habitat avec, notamment, l’émergence de belles villas aux jardins fleuris et aux jolis murets. Les pouvoirs publics, dans leur programme de développement pour cette région, ont choisi le centre de ces localités pour y implanter, vers les années 70/80, des infrastructures étatiques, lesquelles se dégradent au fil des années, par manque d’entretien, et ne cessent de connaître des baisses d’activité. A commencer par le CEM Bounzou, devenu par la force des choses un centre de transit. La valse des directeurs et des enseignants vacataires, qui se sont succédés durant ces dernières années, est effarante. Ils viennent, pour la plupart, chercher une titularisation ou un grade, et repartent, parfois, sans boucler l’année. Les résultats scolaires, enregistrés ces dernières années au niveau de ce collège, étaient juste moyens. La route menant à cet établissement est impraticable. Pendant l’hiver 2012, les écoliers entraient en classe avec les souliers pleins de gadoue, alors qu’en été ils hument de la poussière… et bonjour les allergies !. Quant au centre de soins, il ne dispense que des soins infirmiers, et la valse de médecins, qui se succèdent suite à des remplacements interminables, n’arrange pas les choses et pousse la plupart des malades de la localité à se rendre à la polyclinique du chef-lieu communal où les prestations sanitaires sont multiples et meilleures.

« Un infirmier et un médecin pour 6 000 habitants! »

Pourtant, aux premières années qui ont précédé son ouverture, un médecin et trois infirmiers étaient affectés à plein temps à ce centre, qui coiffe quatre villages formant le grand centre urbain. Son effectif s’est amoindri comme une peau de chagrin et il ne reste qu’un infirmier et un médecin généraliste au jour d’aujourd’hui. De plus, une pharmacie se fait toujours désirer à Amdhoune n’Seddouk, bien qu’elle soit plus qu’indispensable pour les malades qui se retrouvent obligés de se rendre à la ville de Seddouk, distante de 8 Kms, pour acheter leurs médicaments. Plus loin, le bureau de poste, dont les prestations, par manque de liquidités et de moyens, déçoivent souvent les usagers qui, pour la plupart des personnes âgées, à la fin de chaque mois, s’agglutinent au portail dés les premières lueurs du jour, attendant l’arrivée du convoyeur postal dans l’espoir de percevoir leurs pensions. Mais la chance ne leur sourit pas toujours, parfois, ils retournent bredouilles pour insuffisance, ou carrément inexistence, d’argent. A cela, s’ajoute le manque d’une visionneuse et d’un facteur. Le courrier est dispatché pèle mêle, par les usagers eux même. Beaucoup de citoyens se plaignent de l’arrivée tardive de leur courrier ou même, parfois, de sa perte. Le siège de la mairie, mitoyen de la poste, est désert en permanence. De par l’insuffisance des prestations fournies, certains citoyens ignorent encore son existence, d’autres préfèrent se rendre au siège de l’état civil de la municipalité à Seddouk. L’aire de jeu de proximité conçue pour le sport scolaire et l’épanouissement de la frange juvénile, avec son état de délabrement avancé ne répond plus aux besoins des jeunes. Les vestiaires subissent la fureur de gens malveillants qui les dégradent, la pelouse, quant à elle, est gagnée, en partie, par une jachère favorisée par un ruisseau dont les eaux ravinent la pelouse. Par ailleurs, les villageois ne cessent de demander un aménagement du tronçon de la RN74 qui traverse l’agglomération et ce, pour mettre un terme aux accidents que subissent les piétons..

« En hiver pieds dans la gadoue, en été la soif »

En 2006, un projet d’aménagement urbain a été accordé à la localité. Les villageois, qui ont pris leur mal en patience pendant des années, avaient cru que ce projet mettra fin à leur galère, mais ils se sont vite rendus compte qu’au lieu d’un projet digne de ce nom, ce tronçon a eu droit à du bricolage en guise de travaux, ce qui a fait que dés les premières pluies, les torrents dévalaient sur la chaussée, laissant, après l’accalmie, des tas de détritus, de monticules de vase et de grosses pierres, gênant considérablement les citoyens, automobilistes et piétons. A cela s’ajoute l’absence de panneaux de signalisation, mais aussi de dos d’ânes à même de freiner certains chauffards qui roulent à vive allure sans se soucier des risques qui en découlent pour les centaines d’enfants qui fréquentent cette route en se rendant à leurs établissements scolaires. Les ruelles et venelles des quartiers, ainsi que les placettes de certains villages, n’ont jamais connu d’aménagement, ne serait-ce en béton. En hiver, les villageois marchent sur la gadoue et en été ils inhalent la poussière qui foisonne que ce soit dans la rue ou au sein même de leurs habitations. Mais le problème qui affecte le plus les villageois demeure la mauvaise distribution de l’eau émanant des sources El Manfouka et El Moumadha. Les villageois ont eu recours, tout dernièrement, à la fermeture de l’APC pour exprimer leur détresse en matière de pénuries d’eau qui se manifestent même en hiver. Ce qui est lamentable, c’est que certains citoyens se taillent la part du lion en se servant à satiété se permettant même d’arroser leurs jardins, alors que d’autres n’ont droit qu’à des quantités insuffisantes pour étancher leur soif, souffrant ainsi le martyr, surtout en été. « Chez les gens civilisés, l’arrosage des peupliers, quel qu’en soit le charme qu’ils confèrent, ne passe jamais avant l’alimentation en eau des humains », se révolte un citoyen. Devant l’indifférence des autorités locales, certains villages ont pris leur courage à deux mains pour réaliser, avec leurs propres moyens, et aussi grâce à la solidarité de la communauté émigrée, des forages qui ont pu, un tant soit peu, pallier à cette insuffisance. Ces forages, mal faits, ne donnent plus rien aujourd’hui, et les pénuries d’eau réapparaissent de plus belle. Le manque d’infrastructures culturelles pénalise, à plus d’un titre, la frange juvénile qui reste livrée à elle-même. Sans structure de jeunes, ni même un stade praticable, sans bibliothèque et Internet, cette frange de la société est en proie aux fléaux sociaux, les jeunes flânent dans la rue à longueur de journée et même de soirée, en attendant des jours meilleurs qui ne se dessinent point à l’horizon. Certains d’ente eux, en quête de vie meilleure, fuient vers les grandes villes et vers l’étranger, là où ils espèrent trouver des perspectives d’emploi et de loisirs. Les habitants des quatre villages qui forment ce grand centre urbain d’Amdhoune n’Seddouk ont pris leur bâton de pèlerins pour aller frapper à toutes les portes et demander qu’un projet d’alimentation en gaz naturel leur soit octroyé. L’espoir est né après l’alimentation du chef-lieu communal, qui se situe à quelques 500m à vol d’oiseau. Les villageois ont signé en 2005, une pétition adressée à tous les niveaux de la hiérarchie de l’administration, réclamant le gaz naturel, mais en vain. Tout indique, aujourd’hui, qu’ils seront les derniers à en être servis, l’APC en a décidé ainsi en s’obstinant à établir un plan de masse indispensable pour l’alimentation de ses quatre villages en gaz, on ne sait pour quel desseins…

L. Beddar

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