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Akbou Virée au marché hebdomadaire de bétail : L’aliment hors de portée

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Akbou, deuxième plus grande commune après Béjaïa, est un grand centre d’affaires grâce, entre autres, à son marché hebdomadaire de bovins et ovins qui se tient chaque lundi. 

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Même durant le ramadhan, le marché a continué à recevoir vendeurs et acheteurs. Depuis quelques temps déjà il circule que les prix, des bovins notamment, connaissent une baisse sensible. Pour vérifier, nous nous sommes rendus, lundi dernier, au marché d’Akbou. Sachant qu’il s’ouvre de bon matin, à 4h nous étions déjà là pour observer cette procession de camions en file indienne se dirigeant vers le marché. Des camions immatriculés à Béjaia et dans toutes les wilayas limitrophes : Tizi-Ouzou, Bouira, M’sila, Bordj Bou Arreridj, Sétif et Jijel. Juste en rentrant, une place importante située à droite du marché accueille les vendeurs d’aliment du bétail. La surface était pleine à craquer avec deux files de camions alignés comme deux droites parallèles avec une allée au milieu, permettant aux acheteurs de faire des va et vient, comparer les prix et chercher la bonne affaire. Les prix affichés dépassent tout entendement. Une botte de paille proposée à 420 dinars, une botte de foin de vesce sans avoine à 820, le quintal d’orge à 3 200 et un sac de soja à 600. « C’est franchement aberrant. Pour le foin et la paille les prix ont doublé. Les éleveurs de bovins sont les seuls à supporter cette hausse car ils nourrissent leurs bêtes avec ces aliments. La perte est là et personne ne peut lui y échapper. Vendre ses animaux à bas prix sur le marché ou s’endetter pour continuer à garder son cheptel pour un avenir incertain car personne ne sait si les prix du cheptel vont reprendre leur ascension ou dégringoler et si les prix des aliments vont augmenter davantage ou chuter. Les éleveurs de cheptels ovins eux ne sont pas affectés par ces augmentations des aliments d’engraissement, du fait qu’ils ont la possibilité de faire paitre leurs bêtes dans les champs sans avoir besoin de les nourrir aux aliments », a expliqué un éleveur de bovins venu de Tizi-Ouzou. Celui-ci continua dans le même ordre d’idées : « J’ai appris qu’au marché d’Akbou il existe une diversité de prix des aliments du bétail. Et c’est pour cela que je suis là ce matin. A mon grand étonnement, les prix sont uniformes pour chaque variété. On dirait que les vendeurs se sont entendus pour fixer des prix uniques alors qu’ils sont venus de wilayas différentes ». Nous nous sommes rendus, ensuite, au marché des ovins et caprins. Plein à craquer avec peu de vendeurs locaux, le marché est dominé par des éleveurs des régions pastorales chargeant des camions de moutons. « Avant, nous nous approvisionnions en moutons chez des éleveurs de Tolga, de Boussaâda, de Barika ou de Mezloug pour les revendre dans les marchés de la vallée. Maintenant, leurs éleveurs viennent eux-mêmes investir nos marchés. Ils font leur diktat en imposant les prix qu’ils veulent. Le mouton a gardé sa valeur car il se vend bien à l’approche des retours des hadjis et l’arrivée du mois d’août avec le déroulement des mariages à cette période. Mais sinon les caprins sont frappés d’une légère baisse des prix habituelle survenant à cette période de l’année où l’herbe vert dans les champs se raréfie », confie un éleveur d’ovins. Nous continuons vers le marché du cheptel bovin dominé par la race locale venant de l’extrême Est, El Tarf, Skikda, etc.  « Le cheptel de race locale, notamment les femelles, se vend toujours avec des prix oscillant entre 35.000,00 et 80.000,00 dinars. Certains les préfèrent aux moutons pour les fêtes de mariages et autres car leur viande est moins chère. Pour le sacrifice de l’Aïd El-Kebir, beaucoup de pères de famille se constituent en groupe et achètent un veau qu’ils se partagent », a soutenu notre interlocuteur qui a aussi soulevé les causes de la mévente du cheptel bovin de race : 

« Vous voyez bien que le nombres de vaches et veaux de race se comptent sur les doigts d’une seule main dans ce marché. Les éleveurs ne se donnent même pas la peine de les ramener au marché de crainte de ne pas trouver d’acheteurs. Les rumeurs sur certaines maladies frappant le cheptel bovin freinent également les transactions. Les éleveurs ne cherchent plus à vendre au marché de crainte d’éventuelles contaminations qui décimeraient leurs étables. Les acheteurs temporisent, même si les prix sont bas. Rares sont ceux qui s’aventurent à acheter. Les autres craignent d’investir 300.000,00 dinars dans une vache ou 150.000,00 dinars dans un veau avec les risques encourus en cas de maladies », renchérit-il. Et il ajoutera, en mettant en exergue la cherté des aliments pour jeunes bovins et vaches laitières chez les fabricants d’aliments : « Chez les fabricants d’aliments, les produits aussi augmentent d’une semaine à une autre. L’aliment complet pour l’engraissement de jeunes bovins, composé de 8 matières essentielles, coûte 3 600,00 dinars. Le mélange comportant uniquement 4 produits coûte 3 200,00 dinars et l’orge coûte 3 600,00 dinars. L’aliment pour vaches laitières coûte 3 700,00 dinars et j’ai appris qu’une augmentation de 100,00 dinars pour chaque produits se dessine à l’horizon ». Pour tous ces paramètres, un marasme frappe l’élevage bovin et ovin. Les éleveurs sont désemparés face à une crise dont le dénouement n’est pas pour demain. Ils attendent un geste fort de l’Etat pour les sortir de l’ornière. L’importation des fourrages serait envisagée pour pallier le déficit engendré par la sécheresse qui a sévi à l’Est du pays. Au marché d’Akbou par exemple, les quantités de fourrage et de paille sont énormes et les ventes sont dérisoires. « J’ai du mal à vendre une quantité importante. D’habitude, j’arrive au marché et je négocie avec un fellah et parfois je vends le chargement complet. Aujourd’hui, rares sont les éleveurs qui constituent des stocks. La plupart achètent ce dont ils ont besoin pour la semaine tout en gardant l’espoir de voir les prix baisser », a expliqué un vendeur. Partant de tout ce notre virée au marché d’Akbou nous a dévoilé il est évident que la crise touche toute la filière.

L. Beddar

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