Là où le développement se conjugue à l’environnement

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Aux abords du CW97, en direction de Bordj Khriss, une localité située au sud de la wilaya de Bouira, ce qui s’offre au regard du visiteur, notamment en traversant la commune voisine d’El-Hachimia, n’est, à première vue, pas beau à voir.

Les nombreuses carrières de granulats en activité, sur la crête gâchent l’entrée en matière. Plus loin, c’est le CW24 qui prend le relai pour vous conduire jusqu’à la ville de Bordj Khriss lointaine de 29 km à partir du premier rond-point qui se trouve à trois km à l’Est d’El Hachimia. Le CW97 relie donc trois localités : Aïn Bessem, Hammam Ksena et Taghdit. Le second rond-point, à quatre ou cinq km plus loin sur le CW127 qui relie Bouira à Sour El Ghozlane en passant par El Hachimia, nous aurait permis de prendre le CW20 qui va d’El Hachimia à Bordj Khriss et de gagner cinq ou six km sur notre trajet. Mais nous aurions ignoré ce côté d’une daïra, qui, comme la lune, nous a habitués à ne considérer qu’un seul aspect de sa forme. La vallée où nous nous enfoncions est profonde et sur notre droite court un oued. Impossible de dire s’il est à sec ou non, car la rive gauche nous cache le lit. Cependant, la forêt de pins d’Alep est là et est dense. Elle couvre jusqu’aux crêtes de la montagne qui n’en parait que plus majestueuse. Le ciel lui-même a changé de couleur. Il est comme lavé par un souffle imperceptible. Aucun point commun avec cette teinte plombée qui couvrait le ciel tout le long du CW97 et qui n’est que le résultat des émanations des carrières. Le silence qui enveloppait ces lieux tranquilles n’était rompu que par le ronronnement régulier de notre véhicule. Trop peu pour en troubler leur quiétude. La route est bonne. À part quelques petits glissements de terrain au début, elle se déroulait devant nous comme un tapis de velours. Jusqu’à Bordj Khriss, nous n’avions pas croisé plus de trois voitures. Sur place, on réalise qu’une vraie révolution urbaine est passée par là car nous avions devant nous une vraie petite ville sous les yeux. Le chef de daïra, Ahmed Abdi, et le P/APC, Ali Daouadji, de Bordj Khriss, avec lesquels nous avions rendez-vous au siège, en parlaient avec fierté. De leur bouche, nous apprenions que la superficie totale de cette daïra est de 705 km et que la population se concentre essentiellement dans les quatre communes. Un détail saisissant : l’une des quatre qui est à une dizaine de km plus au sud encore, s’étend sur 261 km soit 113 km de plus que le chef-lieu de daïra lui-même. Le reste de la superficie issue du découpage administratif de 1991 se partage entre Hadjra Zerga, plus à l’ouest, et Tagdit. Sur cette zone agro-pastorale vit une population dont nos deux interlocuteurs estiment le nombre à 12 800 habitants.

Lieux de solitude inviolables

Commune en 1956, ce qui montre pour l’administration française à quel point ce territoire, fortement boisé, avait d’importance pour elle, son histoire remonterait à l’époque romaine, selon le P/APC qui est originaire de l’endroit. Mais il existe une autre version qui veut, selon la même source, que le chef-lieu de daïra tire son nom de roseaux «Kharasa». On aurait alors Bordj et Kharsa, ce qui donne en bon français Palais de roseaux. La daïra compte donc quatre communes où sont éparpillés 25 villages. Par Tagdit et Hadjra Zerga, elle touche à la wilaya de M’Sila, alors que par El Mesdour et Tagdit, elle touche à la wilaya de Bordj Bou-Arreridj. Un réseau de routes bien entretenu la met en communication avec ces deux wilayas, au sud et à l’est, alors qu’au nord, il la relie à El Hachimia et à l’ouest à Sour El Ghozlane. À l’intérieur, un important programme de désenclavement a été mis en place avec des ouvertures de pistes à Bordj Khriss (26 km), à Mesdour (22 km), et à Hadjra Zerga et Tagdit (26 km). Au total, c’est 70 km d’ouvertures de pistes qui ont été réalisés pour désenclaver certaines localités difficiles d’accès en raison du relief boisé. Aujourd’hui, la population a bénéficié d’importants programmes avec le logement, l’eau, l’électricité, le gaz et tous les équipements qui vont avec. Il y a une polyclinique dans chaque commune, des salles de soins dans les villages où la concentration démographique rend ces structures indispensables et un projet d’hôpital qui est à un taux d’avancement de 26%, mais qui est déjà à l’arrêt depuis un mois et demi; Il y a trois lycées pour les trois grandes communes : Bordj Khriss, Mesdour et Tagdit; Il y a sept CEM, deux dans chacune de ces trois communes et un pour Hadjra Zerga et 45 écoles primaires toutes dotées d’une cantine scolaire, alors que la demie pension existe au niveau des CEM. Ce qui porte le total à 55 établissements scolaires. Le transport scolaire est assuré à 100%, selon nos interlocuteurs. Un alléchant programme de logements sociaux est lancé. On a en distribué déjà 330 à Bordj Khriss, 230 à Mesdour, 80 à Tagdit. «La demande est de 1 300», affirment les deux responsables. Le programme d’habitat rural s’est concrétisé à hauteur de 4 300 aides contre 5 149 dossiers déposés. D’autre part, la daïra a vaincu le problème de l’eau grâce à ses réseaux alimentés à partir du barrage de Tilesdit, dans la commune de Bechloul. Lorsque l’alimentation se fera à partir des grands transports opérés sur le barrage de Koudiet Acerdoune, toute la daïra sera couverte en matière d’AEP. Restent en attendant quelques villages qui n’ont pas l’eau courante et qui sont alimentés par forage ou citernes, comme dans certains villages, tel Meghnine où un projet de réalisation d’un réservoir d’AEP est retenu, en attendant le raccordement au grand transfert d’eau de Koudiet Acerdoune. Pour le gaz, la situation incite également à l’optimisme des deux responsables. «Quand les villages de Meghnine, de Erouab&auml,; d’El Houachria, d’El Houmed (Bordj Khiss), d’Ouled El Alem, d’Ouled Moussa (Tagdit), d’Ouled Aanane, d’Ouled Slami (Mesdour) et de Hadjra Zerga seront approvisionnés en gaz, cela portera le taux de couverture à 90%», assure le P/APC. Tout est donc parfait dans cette daïra qui a longuement souffert du terrorisme ? Non, bien sûr. Dans cette contrée où même l’agriculture reste timide sauf peut-être pour l’élevage ovin, où la présence de l’alfa est signalée en abondance à Tagdit, et nécessite par conséquent de gros moyens pour la mise en valeur des terres agricoles, le chômage prend une allure galopante. Le P/APC le situe à un taux effarant (90%). Même s’il y a ce stade et cette piscine semi-olympique qui sont deux joyaux de la ville, même s’il y a une bibliothèque dans chaque commune et que cela seul doit donner des occupations, la jeunesse reste un peu déboussolée face à la dureté de la vie.

Le progrès est passé par là

Leur nombre avoisinerait les 2000 jeunes, selon le même responsable. La solution qu’il propose est qu’on pense à promouvoir le tourisme par la construction d’un hôtel et de restaurants dans les quatre communes. Pour montrer que cette daïra est attractive, il fait remarquer que la perdrix y est abondante et qu’elle est bel et bien un animal de chez nous. C’est parce qu’elle existe en si grand nombre et que la chasse reste un plaisir cynégétique réglementée, qu’une association, «Association de la perdrix» a été fondée. Mais le lieu témoigne d’autres ressources d’ordre faunique. Par exemple, la présence de l’hyène rayée y a été attestée par deux fois en deux endroits et deux dates différentes. Une fois à Hadjra Zerga sur le CW97, le plus charognard des charognards a été fauché par une voiture. L’autre fois, c’est sur le CW24. Cette fois, le P/APC était présent sur les lieux lorsque la bête mourait dans des conditions similaires. Au retour vers Bouira, nous empruntons cette fois le CW20. À hauteur de Tirzine, un village à six ou sept km, nous remarquons quelques belles demeures, un bureau de poste élégant et un barrage de gendarmerie qui, faute d’une plaque, nous renseigne sur son appellation. Mais à une dizaine de kilomètres, c’est une plaque qui indique que le village de Meghnine est sur notre gauche, caché derrière une colline. Des souvenirs se lèvent à cet endroit. Beaucoup de moudjahidine ont trouvé la mort dans ce secteur où est érigé un cimetière des chouhada. Des massacres ont été aussi perpétrés par les terroristes, à l’instar de l’attaque du cantonnement de la garde communale de Mesdour en 1994 qui fit 15 victimes dans les rangs de ce corps. Et également le massacre d’Oued Gamra sur le CW20 qui coûta la vie à une quinzaine de civils. C’était à hauteur du pont qu’avait été dressé le faux barrage en plein mois de Ramadhan. Après le pont, nous sommes sur le territoire d’El Hachimia. Une région où un faux barrage avait été érigé sur le même CW20, mais au lieu-dit D’hous Bnedhele, où périrent 15 soldats.

Aziz Bey.

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