Mouammar Kadhafi relève désormais du passé. Le guide libyen a été tué jeudi dernier à Syrte, sa région natale, suite à un assaut des combattants révolutionnaires. La nouvelle a vite fait le tour du monde.
Des réactions ne se sont pas faites attendre, saluant presque unanimement l’élimination du « tyran ». En Libye, des scènes de liesse ont aussitôt éclaté aux quatre coins du pays. Pour eux, c’est une page de l’histoire du pays qui s’est fermé laissant place à une nouvelle ère. Une ère qui ne s’annonce cependant pas tout à fait reluisante, si l’on prend compte non seulement la situation actuelle du pays, mais aussi celle qui caractérise le Conseil national de transition (CNT). Il n’est un secret pour personne que les armes « courent les rue » du coté de la Libye, après le soulèvement populaire contre Kadhafi. Aussi, au sein du CNT, il règne une atmosphère qui ne prête pas à la quiétude. Des tiraillements sont déjà signalés. Des voix se sont élevés pour réclamer la démission de Mustapha Abdeldjalil de la tête de ce conseil, installé faut-il le rappeler, pour canaliser la révolte du 17 février, date de la première manifestation contre le désormais ex-zaïm de la Libye. En effet, bien que le CNT tente d’afficher une sérénité indéfectible, il n’en demeure pas moins que ce dernier montre des signes de faiblesse. Pour certains, la fin de Kadhafi peut constituer inéluctablement l’éclatement du conseil. Un conseil constitué d’un « tout venant » politique où l’on trouve des islamistes radicaux, des conservateurs, des démocrates, des laïcs… en somme, les observateurs craignent que la Libye ne connaisse la même expérience que celle du Liban qui a été longtemps meurtrie par une guerre fratricide. Certains encore voient la Libye basculer dans l’islamisme, avec la prise du pouvoir par le clan islamo baâthiste, sachant que le même CNT qui dirige actuellement le pays renferme en son sein des personnalités qui attendent ce moment depuis longtemps. Il s’agit notamment de Ismaïl Sallabi et Abdelhakim Belhadj, opposants historiques au colonel Kadhafi. Pour ceux qui ne le savent pas, Abdelhakim Belhadj, l’un des chefs militaires rebelles et à présent gouverneur militaire élu de Tripoli, est en effet bien connu des services secrets américains, c’est l’un des fondateurs et le chef du Groupe Islamique Combattant (GIC), groupuscule djihadiste ayant eu, avant le 11 septembre, des camps d’entraînement en Afghanistan. Ironie de l’histoire, Belhadj, héros de la libération de Tripoli, avait été il y a quelques années, arrêté et livré au colonel Kadhafi par la CIA. Ismaïl Sallabi, libérateur autoproclamé de Benghazi, est un autre extrémiste également héros de la révolution. Le chef de la Brigade des martyrs du 17 février, héritière du Groupe de Combattants Islamique Libyen, ayant combattu Kadhafi pendant de longues années, a appelé les principaux dirigeants du CNT à démissionner, accusant ses dirigeants d’être “réminiscences de l’ère Kadhafi et des progressistes”.
Des lendemains incertains
L’on craint, en somme, pour l’avenir de la Libye, estimant que ce pays, tyrannisé 42 ans par Kadhafi, ne connaît pas grand-chose en démocratie. « Nous ne pouvons construire une démocratie à nous seuls, on compte sur l’aide de nos amis des autres pays », a reconnu d’ailleurs un responsable au sein du CNT. À vrai dire, l’après Kadhafi ne semble pas constituer un souci pour la population locale qui savoure sa victoire. « L’essentiel est la libération de la Libye », clament les libyens unanimement. Il faut dire que ce peuple a souffert le martyr de la gouvernance de ce président, unique en son genre et parfois extravagant. 42 ans durant, c’était lui la libye. Une Libye dont il a pris les rênes en 1969 après un coup d’état mené contre le roi Sennouci. Se comparant à Djamel Abdenasser, il a tenté de porter le flambeau de la lutte arabe. Ayant échoué dans sa tentative « d’unir » les pays Arabes à sa guise, l’auteur du livre vert, édité en 1976, où il a exposé sa théorie nommée « la troisième voix », s’est retourné vers les pays africains avec lesquels il a également tenté des rapprochements, mais en vain. Kadhafi restera dans sa coquille en opprimant toutefois son peuple. Un peuple qui a « osé » sortir dans la rue un certain 17 février 2011 pour réclamer le changement, avant de placer la barre haute en réclamant tout simplement le départ de son guide autoproclamé. Un guide qui ne voulait rien savoir. Il s’est accroché au pouvoir, et pour ce faire, il a fait appel à tout les moyens humains et matériels militaires. Son obstination n’a pas été faite pour dissuader les jeunes libyens qui se sont donnés le mot d’ordre d’en finir avec lui. Chose désormais faite, depuis jeudi dernier. Kadhafi a été en effet tué. Comment ? Si pour le CNT la question ne devrait pas être posée dans la mesure, estime t-il, l’essentiel reste que Kadhafi est bel et bien fini, le monde entier se le demande. En effet, les circonstances exactes de la mort du guide restent obscures et plusieurs versions sont rapportées. La plus plausible reste, peut-être, celle qui dit que le colonel a été achevé par les révolutionnaires, après avoir été capturé vivant. Des voix, au sein de l’ONU, appellent d’ailleurs à ouvrir une enquête pour déterminer ces circonstances. Le CNT, lui, affirme qu’il n’a pas donné ordre de tuer Kadhafi qui a été arrêté selon des sources concordantes, dans « un trou », une canalisation d’eaux usées en somme. Pour certain, si l’on a tué Kadhafi, c’est surtout pour épargner le pays de vivre la même situation que celle vécue par l’Iraq après l’arrestation de Sadam Hussein. Autre énigme qui entoure cette affaire, c’est la date et le lieu de son enterrement tenus secrets par les instances officielles de la Libye. « On devrait l’enterrer plutôt hors du pays », ironisa un imam intervenant sur la chaîne satellitaire El Arabiya. Par ailleurs, il est à noter que l’un des fils de Kadhafi, Moutassem a été tué le même jour, soit jeudi alors qu’aucune information n’a filtré jusqu’à la fin de la journée d’hier sur le sort de Seif El Islam, son autre fils.
M.O. Benmokhtar