L’Aïd de plus en plus cher !

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Des moutons à 30 000 ou 40 000 dinars, de quoi donner le tournis aux ménages qui, face à une inflation de plus en plus galopante, sont contraints à composer avec une rente limitée et des dépenses onéreuses.

Si pour les bambins, l’avènement de l’Aïd El Adha, l’une des fêtes incontournables de l’agenda des familles musulmanes, est synonyme de gaieté et de joie, ce n’est guère le cas pour les pères de famille contraints à mettre, de nouveau, la main à une poche sensiblement touchée par une terrible érosion du pouvoir d’achat. Incontournable rituel, le sacrifice est le volet le plus appréhendé car il impose généralement une dépense de plus en plus onéreuse. Une virée, effectuée ce week-end dans certains marchés à bestiaux de la wilaya de Tizi-Ouzou, nous permet de prendre la température d’un marché visiblement très « chaud ». C’est dire qu’à « J-8 » de la fête de l’Aïd El Adha, c’est la folie qui s’empare des prix des moutons et qui ne semble pas prête à prendre un courbe descendante. Pour satisfaire au rituel, il faudra donc régler une « facture » de plus de 30 000 dinars. Malgré l’abondance de l’élevage, comme le souligne Belaïd, un maquignon originaire de la région de Ouadhias, la frénésie des prix ne connaît pas de répit, et tout porte à croire que cette tendance ira crescendo. Dans ce sillage, notre interlocuteur nous apprendra que les prix oscillent, en ce moment, entre 30 000 et 45 000 dinars pour une bête dont la taille est relativement « valable » pour le sacrifice. Ces prix, ajoute Belaïd, peuvent atteindre, d’ici jeudi prochain, la barre des 55 000 dinars pour un mouton convenable pour l’Aïd. « Pour cette année, j’ai préféré m’approvisionner des maquignons de la région des hauts plateaux et de la steppe, comme Laghouat ou Djelfa. Cela me permet d’éviter les dépenses de l’élevage qui me reviennent très cher », nous fera savoir Belaïd. A Aïn El Hammam, par exemple, la fourchette des prix oscille entre 22000 et 40 000 dinars le mouton de taille moyenne, alors qu’au marché à bestiaux de Souk El Tenine, la tendance des prix varie de 30000 à 50000 dinars. Des moutons à plus de 30 000 DA, c’est ce qu’on peut trouver au niveau des différents marchés à bestiaux de la wilaya de Tizi-Ouzou. À Souk El Tenine, dans la daïra de Maâtkas, au marché de Boghni ou encore à Azazga, Aïn El Hammam et Tizi-Ouzou, pour ne citer que les plus connus des points de vente, les prix semblent ne répondre à aucune logique, si ce n’est celle de la spéculation. Cependant, selon des échos parvenus à travers nos différents correspondants au quatre coins de la wilaya de Tizi-Ouzou, la hausse des prix des moutons n’est pas accompagnée par une frénésie des achats, bien au contraire, les citoyens temporisent et guettent les bonnes occasions. Certains optent pour un sacrifice collectif, ce que permet la religion musulmane. Ceci dit , il y’a lieu de souligner, qu’au vu de l’évolution de la situation, le sacrifice devient, indéniablement, un luxe que ne s’offrent plus les familles dites de la classe moyenne.

Le sacrifice « sacrifié » !

Si, jadis, on n’osait pas faire l’impasse sur le sacrifice, rituel incontournable pour l’Aïd El Adha, ce n’est guère la même configuration, dans un contexte social qui voit de grandes mutations traverser le corps sociétal, sur le plan économique notamment. Ainsi, ne pas sacrifier durant cette occasion religieuse n’est plus vécu comme un complexe, mais bien au contraire, les choses se normalisent et la société s’adapte de plus en plus à cette nouvelle donne. Pour Salim, fonctionnaire, originaire de la haute ville de Tizi-Ouzou, le rituel n’est plus vécu comme une gêne, « pour cette année, j’ai décidé de faire l’impasse sur le sacrifice car mon budget ne me permet pas d’autres dépenses. Certes, j’aurais aimé faire plaisir à la famille, notamment mes trois enfants, mais j’avoue que ma situation et la cherté de la vie m’obligent à faire des restrictions pour boucler le mois et garantir le minimum », nous dira-t-il. Pour Saïd, un autre fonctionnaire exerçant au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou, la spéculation qui s’empare du marché et qui provoque une importante flambée des prix des moutons est derrière cette transformation, car, même pour les familles qui demeurent attachées aux traditions religieuses, cela ne les empêche pas de rationaliser leurs dépenses en évitant des frais supplémentaires qui peuvent déséquilibrer leurs budgets. « Nous sommes cinq frères et nous avons décidé avec quatre de nos voisins du quartier, de cotiser pour l’achat d’un petit veau pour le sacrifice de l’Aïd. Cela, nous reviendra beaucoup moins cher », ajoutera-t-il. Ce n’est pas, cependant, le cas de Yazid, travailleur dans le cadre du filet social à l’APC de Tizi Ntleta, qui n’accomplira pas ce rituel cet Aïd, « je touche une modique somme de trois mille dinars par mois. Je ne peux pas me permettre un mouton à 30 000 dinars. C’est un rêve lointain. Parfois, j’ai du mal à répondre à mon enfant qui me demande pourquoi nous n’achetons pas un mouton pour l’Aïd, car il voit autour de lui d’autres enfants jubiler. Ça me fait mal, mais que voulez-vous que je fasse ? », regrette notre interlocuteur.

A. Z.

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