Bouzelouf traité au… chalumeau

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C’est une pure invention des bouchers pour valoriser bouzelouf qui est la partie de la carcasse du bœuf ou mouton qui se vend mal. Ces derniers pour attirer la clientèle, l’allèchent en procédant à une opération de décoration des têtes en usant du chalumeau pour les débarrasser des poils et dévoiler leur chair appétissante. Une technique qui a fini par atterrir dans les foyers reprise par les ménagères en raison d’abord, de la forme que prend bouzelouf passé au chalumeau et qui suscite la gourmandise, ensuite, elle est moins pénible que l’ancienne manière qui consiste à dépoiler le crâne à l’aide, par exemple, d’une machine à raser tout comme le barbier, avec le savon en moins. Cependant, le procédé courant et le plus utilisé depuis la nuit des temps car comportant son côté charme, pour ne pas dire rituel, consiste à allumer un bon feu de bois dans la cour à l’air libre, pour éviter les désagréments de la fumée qui se dégage des poils consumées par les flammes, ensuite, c’est au tour d’un même feu que se réunissent plusieurs ménagères voisines, entourées de leurs enfants, pour dégarnir bouzelouf créant une ambiance des grands jours tout en embaumant l’atmosphère de la bonne odeur qui s’élève du kanoun. Cela, pendant que les hommes se déplacent en groupe d’une carcasse du mouton de l’Aïd à une autre pour soupeser et admirer les belles pièces suspendues pour sécher, partageant mutuellement le plaisir. C’est durant ces moments que les rancunes accumulées durant toute l’année tombent et marquent le départ d’un nouveau bon voisinage débarrassé des mauvais souvenirs. Hélas ! Cette année, cette nouvelle technique de traiter bouzelouf au chalumeau qui commence à se généraliser, a éliminé ces moments de vrai bonheur.

La chaleur puissante qui sort compressée du bec du chalumeau alimenté à partir d’une bonbonne de gaz butane brûle non seulement les poils, mais pénètre aussi profondément dans la chaire et rend la peau à l’état de charbon qui dégage une désagréable odeur de brûlé qui irrite narines et gorges.

De plus, le matériel utilisé dans cette nouvelle technique comportant des risques, la tâche n’est plus laissée aux femmes ; ce sont les hommes qui s’en occupent après avoir éloigné les enfants, une tâche considérée désormais comme une corvée, sans ambiance ni charme, et cela en plus de faire perdre à la tête du mouton toute sa saveur et son goût caractéristique exceptionnel. A propos de saveur et de goût, même les abats (douara) les ont perdus, après que de nombreuses ménagères ajoutent à la marmite une pincée de bicarbonate pour obtenir une cuisson rapide, un produit chimique disponible dans tous les magasins d’alimentation générale et utilisé à grande échelle. Reste à savoir si l’abus de ce produit chimique dans la préparation des aliments ne comporte pas de risques sur la santé.

Il est bien loin le temps où les enfants raffolent des intestins qu’ils cuisent en les déposant directement sur les braises du kanoun. Hélas, à l’heure actuelle, c’est dans des fours sans… âmes que ces intestins se tortillent et ne tentent plus beaucoup de monde.

Oulaid Soualah

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