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Un dictionnaire de curiosités linguistiques offre un mot pour toute occasion

Comment décrire en un seul mot la peur de manquer de bière? Comment qualifier une femme séduisante vue de dos mais pas de face ? Un nouveau dictionnaire piochant avec délectation dans des dizaines de langues vient enfin répondre à ces questions et à bien d’autres.The Meaning of Tingo (« le sens de tingo », éd. Penguin), oeuvre publiée cette semaine du Britannique Adam Jacot de Boinod, est le fruit d’un an de plongée de son auteur dans 280 dictionnaires et des centaines de sites web. Le livre est un lexique de curiosités souvent intraduisibles, piochées dans des dizaines de langues. Chacun de ces mots aide à se faire une idée de la culture qui les a fait naître. Il est titré d’après un mot de la langue parlée sur l’île de Pâques, et qui signifie emprunter des objets dans la maison d’un ami, un par un jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. L’auteur était employé à rédiger des questions de jeux radiophoniques pour la BBC quand l’idée du dictionnaire lui est apparue. « Je feuilletais un dictionnaire albanais-anglais, comme n’importe qui le ferait, ou plutôt comme personne ne le fait, et j’ai remarqué qu’il y avait 27 mots pour dire « moustache » en albanais », raconte-t-il à l’AFP. « Cela m’a fait réfléchir ». Après toutes ses recherches, Adam Jacot de Boinod se dit persuadé que « c’est par les mots intraduisibles que l’on peut le mieux résumer la culture d’un pays ». Et l’auteur de souligner que les Hawaïens, par exemple, disposent de 47 termes signifiant « banane », 65 pour « filet de pêche » ou encore 108 pour « patate douce ». Quant au vocabulaire de la moustache en albanais, il comprend par exemple « madh », désignant des bacchantes broussailleuses, « posht » pour une variante aux bords retombants, ou encore « fshes » pour une large moustache évoquant un balai. Chez les Inuits, l' »igunaujannguaq » (littéralement « carcasse de morse gelée ») est l’un des jeux préférés. Il consiste à tenir tout son corps aussi raide que possible tandis que l’on est passé de bras en bras dans un cercle de personnes. D’aucuns pourraient trouver le concept de cette distraction un peu hermétique. « Areodjarekput », un autre mot inuit, suscitera peut-être plus d’intérêt – ou de protestations. Il désigne la pratique des habitants de s’échanger leurs épouses pendant quelques jours, pour aider à passer le temps pendant les longues soirées de l’hiver arctique. D’autres mots paraissent encore plus obscurs, comme « koshatnik », qui décrit en russe un vendeur de chats volés, ou « fyrassistent », qui veut dire aide-gardien de phare en langue danoise. Le danois propose au monde une notion bien plus universelle avec « olfrygt », qui décrit l’angoisse du buveur de bière quand le précieux liquide vient à manquer. Dans cette catégorie des mots permettant de rassembler en un seul vocable une idée très précise, on peut encore ranger le japonais « bakku-shan » (femme belle vue de dos mais pas de face). L’allemand, réputé pour ses combinaisons, a constitué une source fructueuse pour l’auteur, avec par exemple « scheissenbedauern », qui signifie être déçu que les choses se soient passées mieux que ce que l’on attendait. Dans la même langue, « kummerspeck » (« lard de chagrin ») décrit le surpoids acquis en mangeant pour oublier ses soucis. Adam Jacot de Boinod n’a repris dans son ouvrage que des mots présents dans des lexiques officiels, appelant même des ambassades pour vérifier l’emploi précis d’un terme. Certains sont ainsi restés au seuil de son dictionnaire parce que leur authenticité était douteuse. C’est le cas du présumé japonais « age-otori » (être plus mal coiffé après une visite chez le coiffeur).

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