A 37 ans, Tarik Djerroud, connu et reconnu pour sa belle plume, conserve toujours cette hargne d’écrire, avec amour, des sujets brûlants et de haute facture.
Il se consacre à l’écriture romanesque qui lui sied à merveille, grâce à un talent maintes fois prouvé. Quatre romans, et non des moindres, en quatre ans, il faut vraiment avoir une inspiration à toute épreuve pour réussir un tel pari. Tous ces romans traitent des rivalités et, parfois, de l’amour retrouvé entre deux pays des deux rives de la méditerranée qui gardent des liens ancestraux, parfois dans la douleur, l’Algérie et la France. Hier, c’était l’invasion massive des colons, une présence assez longue qui a fait d’eux des nostalgiques pieds noirs qui ont bien quitté un pays qu’ils pensaient être le leur. La réplique : aujourd’hui, une émigration à outrance des Algériens vers ce pays de l’hexagone. Partis juste pour travailler et revenir, un jour, une fois la retraite acquise. Mais force est de constater qu’après s’être enracinés, ils ne trouvent plus ce goût de revenir à leur pays d’origine. Ce destin commun et tumultueux de deux peuples qui s’aiment et qui se haïssent à la fois est traité intelligemment par Tarik Djerroud, qui revient avec un nouveau roman traitant du coup de force utilisé par l’autorité française pour déloger les turcs et s’installer, par la force, dans un pays qu’ils domineront un siècle et demi durant. Un très beau livre, où le présent interpelle le passé qui fera inexorablement grand plaisir aux lecteurs avides de connaître une épopée racontée par un auteur qui écrit ce qui lui a toujours tenu à cœur. Né dans un village perché sur les monts de l’Akfadou, Tarik Djerroud est un écrivain doué qui sait donner le fond et la forme à ses romans, ce qui révèle en lui un auteur au talent indiscutablement génial. Son dernier roman Hold-up à la casbah qui paraîtra au début de l’année prochaine, se veut une chronique qui retrace les faits marquants de l’histoire d’un peuple colonisée par la France. Comme une abeille qui butine dans plusieurs champs de fleurs pour produire du miel, l’auteur, après avoir lu plusieurs livres traitant du sujet, s’efforce de raconter comment Napoléon, de son salon parisien, ne pouvant régler les factures des céréales dont il était redevable, rêvait de mettre main basse sur l’Algérie, convoitant bien évidemment ses richesses. Un pays déjà occupé par les turcs depuis plus de trois siècles. Le complot d’invasion fomenté n’a donc rien avoir avec le coup d’éventail prétexté. Le coup de force a été mis en œuvre le 14 juin 1830, quand ses troupes débarquèrent au port de Sidi Fredj à la cote ouest algéroise. Accueilli par une mobilisation d’algériens, venus de l’ouest, de l’Est, du Titteri et de la Kabylie et formant une force avoisinant les 50 000 hommes qui ont tenté de repousser une armée coloniale, forte en effectifs, en armement et en munitions, décidée plus que jamais à occuper notre pays quelqu’en soit le prix à payer. Les combats qui s’en suivront feront rage durant des jours. Le Dey Hussein vaincu, il capitule le 5 juillet. Issu d’une famille révolutionnaire bien connue, l’auteur a un penchant épidermique pour tous ce qui touche à la connaissance de l’histoire. “Se connaître, s’assumer et s’émanciper», telle est sa devise qui résonne comme un rapprochement de l’algérien à son Identité. Ecrit avec une précision chirurgicale et très documentée, Hold-up à la Casbah est un opus à mi-chemin entre le roman et l’enquête; il braque les lumières sur les dessous d’une invasion, les remous diplomatiques entre la France et la Régence d’Alger, démystifie la ruse colonialiste et tord le cou à une supercherie historique que certains esprits maléfiques qualifient encore d’entreprise civilisatrice. Gageons qu’à l’approche des cinquante ans de l’Indépendance de notre pays, ce roman sera une attraction particulière pour tous ceux qui cherchent à replonger l’esprit dans une période phare de notre histoire. D’ailleurs, cet opus débute par une épigraphe fort éloquente : “Misérable est la maison abandonnée par les siens” ; une complainte berbère on ne peut mieux incitatrice à prendre soin de notre chère l’Algérie. Salutaire !
Larbi Beddar

