Par Abdennour Abdesselam:
Chez nous, Tasga, plus que sacralisé symbolise l’espace éclairé de l’intelligence et de la vie. C’est aussi l’espace réservé au développement de l’activité sociale. Saïd Iamrach a su choisir le titre de son unique ouvrage écrit qui étale au grand jour la contradiction dans l’engagement et la bêtise humaine. Une contradiction qui tente de transformer Tasga, cet espace fécond, en un lieu où se développent l’inculture, la haine et le mal. De sa belle plume d’expression kabyle, comme l’aurait fait le coup de pinceau du maître peintre, il dépeint la situation tragique et dramatique de la société kabyle des années 90, troublée, mais tout aussi troublante et surprenante. Cette Kabylie qui, même coincée dans les dédales des projets idéologiques qu’elle refuse et qu’elle réfute, donne, par moments, l’impression d’abdiquer face à l’obscurantisme qui lui est programmé. Un obscurantisme étrangement soutenu par ceux dont la mission, pour le moins déclarée, était d’être ses protecteurs, ses sauveurs. Ceux-là même qui s’annonçaient, qui se projetaient et qui s’autoproclamaient comme étant une alternative qui se voulait sur un espace encore plus vaste que celui de la Kabylie : l’Algérie. Mais Saïd assiste, impuissant, au déclin d’une génération délaissée et abandonnée par ses aînés, «wigad yafkan afus», qui la traitaient d’immature et d’égarée, écrit-il à la page 27. Impuissant, car ses appels et ses cris, lancés à la conscience de ceux qui, peu nombreux, ne sommeillaient pas encore, sont restés vains. L’écho de sa voix naïve s’est perdu sur les flancs des collines et des montagnes. Le roman de Saïd Iamrach, parsemé de franges de poésie de sa propre composition (il était aussi un poète), est une description de nombreuses situations bloquées sur lesquelles bute Mohand Akli, le personnage central du livre, mais se relevant, chaque fois avec encore plus de détermination, pour venir à bout de ce faux destin écrit d’avance. Mais y a-t-il vraiment un mal éternel ? Non ! Semble nous rassurer le romancier, le poète et le sculpteur. Il nous le dit avec des mots puissants et pleins d’espoir. Lorsque poésie, romance et sculpture (la couverture est un autoportrait en mouvement, sculpté par l’auteur lui-même) se côtoient, il y a comme une solidarité des arts à refuser la résignation. En prémonitoire, l’ouvrage «Tasga n Tlam» est paru le 20 avril 2000 et préfacé par Rezki Issiakhem, cet autre romancier et journaliste des Ath Djennad qui nous a malheureusement quitté prématurément.
Abdennour Abdesselam ([email protected])