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«Je chante ce que je ressens»

Malgré son handicap, étant non-voyante, Djidji voit la vie d’un autre œil. Pour elle, cet handicap n’est pas un obstacle pour percer et aller de l’avant dans son domaine de prédilection qu’est la chanson, surtout avec son principal atout, une voix sublime qui ne cesse d’émerveiller. Dans cet entretien qu’elle nous a accordé chez elle, Djidji évoque la chanson kabyle, ses projets et sa vision du monde artistique.

La Dépêche de Kabylie : comment êtes vous venue au monde de la chanson ?

Djidji : Avant de me lancer dans ce domaine, je dois souligner que je chantais même étant collégienne à Alger, ceci dans les différentes chorales des établissements où je suivais mes études. Après la période d’études, j’ai senti que quelque chose était « bloquée » en moi et qu’il fallait la faire sortir. Cette idée de reprendre la chanson me taraudait l’esprit durant une bonne période. En 1998, je me suis inscrite à la maison de jeunes, chez moi à Tazmalt, pour apprendre à jouer sur des instruments. Là j’ai rencontré un groupe de musiciens qui m’avaient proposé de travailler avec eux. Chose que j’ai acceptée sur le champ. Mon premier gala fut, ainsi, programmé le 1ernovembre de cette même année.

Depuis, j’avais créé mon propre groupe avec plus de 12 musiciens qui y jouaient. On a travaillé pendant une longue période et on a participé à des concours, galas&hellip,; mais sans pour autant produire. En 2003, j’ai décidé d’enregistrer mon premier album qui sera commercialisé en mars 2004. en 2006, deux ans après, j’ai produit mon 2e CD.

D’aucuns estiment que votre voix et très ressemblante à celle de Nouara qui continue de nous bercer, est-elle parmi vos artistes favoris ?

J’aime beaucoup d’artistes, qu’ils soient femmes ou hommes. Hormis Nouara, que j’apprécie beaucoup, j’aime écouter Cherif Kheddam, Zohra et beaucoup d’autres artistes kabyles. J’aime aussi écouter de l’oriental, c’est une musique sublime pour moi. De plus, j’ai en plusieurs reprises, chanté les œuvres de Kamel Messaoudi ainsi que d’autres chansons d’artistes que j’apprécie.

Pour revenir à Nouara, je dirai plutôt que le public a toujours relevé cette ressemblance de ma voix avec celle de Nouara et, depuis, je chante ses chansons pour faire plaisir à mes fans, d’autant plus que Nouara est une grande dame de notre chanson.

Votre chanson s’inscrit-elle dans celle des femmes. Chez nous, on a tendance à parler de la chanson féminine, alors qu’ailleurs, on ne parle que de chanson ?

Je ne chante que ce que je ressens. Je ne peux pas m’enfermer et ne chanter que la misère ou un autre sujet, mais je chante ce que je ressens dans la vie de tous les jours. Je n’aime pas me cloîtrer, dans mes chansons, que dans la tristesse et la mélancolie, comme je ne peux pas ne chanter que la joie, alors qu’en réalité la vie est très dure ! Je traite des thèmes sociaux dont la condition de la femme occupe une grande place.

Comment voyez-vous la chanson kabyle, avec ses nouveaux styles, ses nouveaux artistes ?

Pour tout vous dire, je dirai que je suis plutôt déçue par ce qui se fait actuellement. Cela est décourageant. D’ailleurs, c’est pour cela que j’ai mis beaucoup de temps pour produire, mon dernier album date de 2006. Tantôt je me disais que c’est le public qui a perdu les repères et tantôt ce les artistes. Je ne veux pas m’aventurer là où je pourrais décevoir, et je ne veux pas aussi rester figée dans mon petit coin.

Vous avez aidé beaucoup d’artistes en leur prêtant votre voix, à travers des duos, à l’image du jeune Djafar…

En ce qui concerne Djafar Ali Mamar, je dirai que ce jeune est un artiste né. C’était moi et Bouzid Ouhamou qui l’avons incité à chanter, et depuis, il est devenu ce qu’il est aujourd’hui. C’est un jeune qui a beaucoup de talent et c’est pour cette raison que je l’aide comme je peux. J’ai décelé en lui un artiste plein de talent et le temps m’a donné raison. J’ai fait beaucoup de duos, même des chansons complètes pour certains artistes, mais sans être citée. Je travaille pour la chanson, pas pour un nom !

Sinon, quand sortira votre nouvel album ?

J’ai un travail inédit, mais je n’arrive pas à choisir les chansons à mettre sur l’album. Les projets ne manquent pas, mais le choix à porter sur une partie de ce travail me rend incapable de décider. Une autre chose qui me bloque, celle liée à la perfection, je ne veux pas être déçue par un quelconque travail alors que mes deux premiers albums ont été de grandes réussites. Pour résumer, je ne veux pas faire du non-stop et risquer de perdre ainsi mon public.

Pourtant, vos deux albums vous ont propulsée au devant du grand public, pourquoi ne pas continuer sur cette lancée.

C’est tout le problème qui se pose. Je ne sais quoi donner au public. Je suis entre le marteau et l’enclume. Je ferai, sinon, un douze titres, afin d’assouvir la soif de tout un chacun.

Puisque vous évoquez le spécial fête, quel est votre regard sur cette musique qui a envahi la chanson kabyle ?

Il faut d’abord souligner que le spécial fête est une chanson commerciale. C’est un style qui n’a rien d’artistique.

Comment voyez-vous la situation de l’artiste dans notre pays ?

(Rire)… Comme tout le monde le sait notre situation est exécrable.

Vous êtes entourée de votre famille, un mot sur cet aspect ?

C’est une fierté pour moi d’être entourée de membres de ma famille. Ils m’aiment et moi autant. Ils m’ont beaucoup aidée dans mon travail. Au début, ils étaient hésitants, car, le monde de l’art est difficile, surtout pour une femme de surcroît non-voyante, mais ils ont fini par céder et m’encourager.

Propos recueillis par M. Mouloudj

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