Il y a exactement cinquante trois ans jour pour jour, la région d’Aït Yahia Moussa avait vécu l’une des grandes batailles, un certain six janvier 1959.
Avant-hier, les moudjahidine, les enfants de Chahid, les autorités locales et les citoyens de la localité ont revisité le lieu, plus précisément Ighil Naâli Ouramdane et Bougarfène. Deux gerbes de fleurs, l’une par les fils de Chahid et l’autre par l’organisation des moudjahidine ont été déposées à la mémoire des martyrs. Dda l’Hocine Chettabi, le premier responsable de la Kasma des moudjahidine d’Aït Yahia Moussa, a fait la lecture de la fatha et une minute de silence a été observée à la mémoire des martyrs en général et ceux de cette bataille en particulier. Dans son intervention, le maire a tenu à rendre un vibrant hommage à ces hommes qui ont marqué l’histoire en évoquant même le nom d’un autre moudjahid, M. Oudni Amar dit Si Amar Nachid, le maire de cette municipalité entre 1971 et 1987, qui a quitté ce bas monde en décembre dernier. D’autres témoins de cette géhenne ont rappelé aux jeunes les affres subies par la population avant et après cette grande bataille. Mais, le témoignage le plus poignant est l’un de ces rescapés. D’une voix encore vibrante en dépit du poids des années Dda Amar a relaté exactement cette journée apocalyptique. « C’est à l’aube que nous avons entendu de gros bruits. C’étaient les camions militaires. Une réunion était prévue à Ait Yahia Moussa où la présence du colonel Amirouche était possible. D’autres disaient que c’était le commandant Azzedine qui allait traverser la région pour rejoindre la wilaya 4 historique. Mais, à vrai dire, personne ne connaissait la vérité », a-t-il dit au début. « Quand les combats avaient commencé à faire rage, les renforts ont été appelés par les dirigeants de cette opération où les nôtres étaient plus combatifs et victorieux. Mais, c’était au moment où le capitaine Grazziani et le lieutenant Chassin étaient capturés que les soldats français étaient enragés. Les combats ont continué au corps à corps dans tous les champs. Il y avait des centaines de morts des deux côtés. Du sang coulait à flots ». Dda Amar s’est arrêté quelque temps pour se ressaisir car il ne pouvait plus retenir ses larmes. « Du napalm a été utilisé. Toutes les maisons étaient brûlées et toutes les réserves d’huile, de blé de figues sèches étaient saccagées. Même les bêtes n’avaient pas échappé à cette rage ». S’il y a quelques années, ce carré des martyrs baptisé » bataille du six janvier 1959″ était quelque peu à l’abandon, aujourd’hui, il a été restauré et ceux qui ont découvert ce lieu ont vivement remercié les autorités pour les travaux réalisés à ce niveau. Lors de cette bataille, nous avons appris que la force coloniale a mobilisé plus de trente deux mille hommes armés jusqu’aux dents, trente deux avions militaires et une importante flotte de camions. Plus de trois cents morts du côté des moudjahidine et un grand nombre de militaires tués. Depuis cette date, la région d’Ait Yahia Moussa a été cernée de toutes parts de campements militaires et elle est devenue sous contrôle militaire très sévère jusqu’au point où elle est dénommée zone interdite. En dépit de tout ce contrôle, d’autres batailles ont eu lieu à Tachtiouine, à Tafoughalt, à Ath Rahmoune. Au lendemain de l’indépendance, la région d’Ait Yahia Moussa est l’une des premières régions d’Algérie où l’on comptait plus d’un millier de veuves et autant de martyrs et l’histoire retiendra que c’est un enfant de ce douar natif de Tizra Aissa, le colonel Krim Belkacem, qui négociera le cessez-le feu à Evian devant Louis Joxe et les autres, tout comme il avait signé l’acte de naissance de cette guerre qui allait mettre l’occupant et la communauté internationale devant le fait accompli. Mais, malheureusement, à la veille du cinquantième anniversaire de cette indépendance chèrement payée par cette population, la région est toujours pauvre et elle est en marge du développement, même si une avancée a été enregistrée ces dernières années en matière de constructions scolaires, d’alimentation en eau potable et sans qu’aucun village et même le chef-lieu ne soit alimenté en gaz naturel. Les autorités actuelles souhaitent que les quatre-vingts kilomètres qui leur sont accordés soient lancés incessamment.
Amar Ouramdane

