Ihdaden, un village aux multiples carences

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Maâtkas est une commune déshéritée et qui ne fonctionne que grâce aux subventions accordées par l’Etat.

Cette municipalité qui totalise 45 villages et hameaux pour plus de 35 000 âmes veut bien sortir la tête de l’eau mais la légèreté des subventions allouées ne le permet pas. A l’occasion du nouvel an berbère, nous avons visité Ihdaden, un des villages du versant est de la localité situé à moins de 5 kilomètres du chef-lieu. Sur les lieux, les paysages sont beaux et sublimes, grâce seulement et malheureusement à la générosité de la nature, mais les hommes et les pouvoirs concernés n’ont pratiquement rien fait pour les 2 000 habitants que compte ce village. Le président du comité de village qui nous a invité à constater de visu le déplorable état des lieux notera avec une note de déception : «Notre village vit comme à l’ère du colonialisme, nous ne disposons de trop peu de commodités pour ne pas dire de rien du tout. Nous n’avons rien eu de la manne financière du pays. Nous continuons toutefois à espérer que les autorités concernées daignent enfin regarder du côté de notre village et de notre commune en général. Nous gardons toujours l’espoir».

Routes défoncées, assainissement non généralisé…

La seule satisfaction enregistrée est la disponibilité de l’eau potable malgré que le réseau ne soit pas rénové et des fuites sont signalées ça et là. Le village ne connaît pas de pénurie d’eau comme c’est le cas de plusieurs autres hameaux. Signalons tout de même que la fontaine publique du village est aujourd’hui dans un piteux état. Son eau n’est plus potable. Les ordures commencent à l’envahir et des dépotoirs se forment déjà. La collecte des ordures ménagères n’est pas assurée par les services de l’APC. Le réseau électrique est disponible et la plupart des foyers sont branchés. Mais l’éclairage public n’existe pas. Concernant le réseau routier, son état est peu reluisant. L’axe menant de la CW147 vers le village est truffé de nid de poule, de crevasses et de sillons rendant la circulation très difficile. D’ailleurs, notre accompagnateur un des membres du comité du village, M. Sam reconnaîtra : «L’état de cette route d’à peine 2 kilomètres est dégradée. En me rendant au travail, je n’utilise pas ma voiture. Je préfère faire ce chemin à pied et ensuite prendre le fourgon. En période de pluie, les automobilistes garent leurs véhicules à la pompe à essence du coin pour enfin se rendre chez eux à pied. La route devient non carrossable». Quant aux ruelles du village, elles ne sont pas bétonnées pour la plupart. Notre interlocuteur indiquera à ce sujet : «Depuis le début de ce mandat, l’APC ne nous a accordé que 400m/l de dallage dont 260m/l ne sont toujours pas réalisés. La direction des services de l’agriculture nous a accordé l’ouverture d’une piste de 6 kilomètres en 2005. Les importantes intempéries de 2006 ont été à l’origine d’éboulements et d’affaissements qui l’ont rendue inaccessible. Nous avons saisi toutes les autorités en vue d’effectuer des travaux de réparation en vain. L’ex-wali avait donné son accord, une fiche technique de l’ordre de 230 millions de centimes a été établie mais les travaux ne sont toujours pas lancés. Nous demandons aussi l’ouverture d’une autre piste vers le cimetière». Rappelons aussi que les caniveaux et le drainage des eaux pluviales n’existent pas. Sur un autre registre à savoir celui de l’assainissement, on nous a signalé que des points noirs existent notamment au bas du village. Le président du comité signalera : «Un réseau d’assainissement existe mais il n’est pas total. Les services de l’hydraulique viennent de nous réaliser un réseau d’un kilomètre. Pour atteindre le taux de 100%, nous avons encore besoin d’un tronçon de 1,5 kilomètre». Concernant le gaz naturel, les travaux ne sont pas lancés, même si les autorités concernées ont inscrit ce village pour en bénéficier. Quant au réseau de la téléphonie fixe et à l’Internet, M. Lani indiquera : «Nos jeunes n’en rêvent même pas. Nous ne disposons pas encore des moyens les plus rudimentaires, comment demander l’Internet et le haut débit ?»

Edifices publics, c’est le désert

Dans ce village, les jeunes n’ont aucun espace où passer leurs journées creuses. Nos interlocuteurs disent d’une même voix : «Nous n’avons ni aire de jeu, ni foyer de jeunes ni un quelconque espace pour nos jeunes». Même les écoliers ne disposent pas d’école dans leur village. Les élèves du côté haut du village fréquentent l’école de Ghendoussa et ceux de la partie basse se rendent à l’école Igariden distante de plus d’un kilomètre. Les collégiens quant à eux sont scolarisés à Ghendoussa et les lycéens poursuivent leur scolarité au chef-lieu communal. Le ramassage scolaire n’est assuré qu’aux filles. Signalons également que dans ce village il n’y a ni salle de soin, ni antenne de mairie et encore moins de bureau de poste. Pour se soigner, se faire établir des papiers administratifs et retirer leurs salaires, il faut effectuer le déplacement jusqu’au chef-lieu de Maâtkas. C’est dire que ce village n’a pas beaucoup changé depuis l’indépendance du pays en 1962. Toutefois, le village est calme et paisible. Par ici, on n’enregistre aucun débit de boisson alcoolisée et aucune activité frauduleuse. Le comité de village tient bien les rênes et ne tolère aucune infraction. Signalons que même la réfection de la peinture du siége du comité de village est prise en charge par une vieille dame, Nna El Djouher. En final, l’état des lieux à Ihdaden n’est pas à la hauteur des espoirs nourris par les habitants et spécialement les jeunes. Un d’entre eux indiquera : «Chez nous, c’est le désert culturel et sportif. Nous ne disposons d’aucun espace propre à nous. Pour pratiquer une activité sportive ou culturelle, il faut se rendre ailleurs. Pour se connecter au réseau net, il faut également aller plus loin et même pour étudier il faut encore aller ailleurs. Nous sommes vraiment lésés dans tous les domaines. Nous demandons aux autorités de regarder pour une fois dans notre direction». Les manques sont nombreux. Les comités de village et les autorités compétentes sont sommés de conjuguer leurs efforts et de prendre les mesures efficientes en vue de redorer le blason des Ihdaden et de viabiliser davantage ce village de Kabylie profonde.

Hocine T.

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