Les islamistes mettent en avant leurs convergences

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Dans la course qui se profile pour les élections législatives du mois de mai 2012, une sorte de cacophonie semble s’installer sur la scène politique, alimentée par trois grandes tendances qui ont mille difficultés à rendre clair leur démarche et leur discours. Ce qui prend l’allure d’une coalition islamiste commence à ne plus faire mystère. Le quotidien Echourouk vient même d’en révéler quelques ‘’sponsors’’ en les personnes de Ben Bella, ancien président de la République actuellement grabataire, et de Tahar Aït Aldjat, membre de l’association de Ulémas algériens. Ces ‘’pères spirituels’’ de la coalition travaillent pour obtenir des listes uniques du camp islamiste de façon à ne pas ‘’déroger’’ au vent du Printemps arabe qui a abouti à un vote…islamiste.

L’autre tendance est celle qui préfère appeler au report des élections législatives du fait de l’impréparation des formations politique pour cet important rendez-vous. Il est vrai que les choses se sont précipitées au cours de ces derniers mois- adoption de la nouvelle loi sur les partis dans une période qui nous rapproche trop rapidement de l’échéance du scrutin- au point où même le ministère de l’Intérieur a eu les ‘’pinceaux mêlés’’ ne sachant par quoi commencer : agrément des nouveaux partis, autorisation de tenir les congrès pour certains partis (au nombre de dix) qui ne sont pas encore agrées,…Dans la réalité l’on ignore exactement le nombre de formations qui seront ‘’qualifiées’’ pour participer aux élections législatives. Là surgit une autre tendance, celle qui se prépare à l’abstention en se livrant à un travail de ‘’disqualification’’ du scrutin à partir de Bruxelles de façon à amener l’Union européenne à ne pas cautionner les élections algériennes par la présence de ses observateurs.

Outre l’embarras, réel ou simulé du pouvoir politique face à la nouvelle donne islamiste- bien qu’il ait pris le soin d’exclure de la course l’aile radicale de l’ex-Fis-, un autre souci de ce même pouvoir demeure incontestablement la hantise de l’abstention. Sans doute plus que le scrutin de 2007, pendant lequel il est enregistré un taux record d’abstention, soit 65 %, les prochaines législatives ne bénéficient apparemment pas d’un engouement particulier de la population. En tout cas, cette dernière est plutôt dans la rue depuis janvier 2011. Sans discontinuer, les barricades et les émeutes ont émaillé sur les douze mois de l’année, l’ensemble du territoire national. Toutes les occasions- distribution de logements sociaux, immolation de jeunes, coupures d’électricité ou d’eau potable, accident de la circulation sur une portion de route non dotée de ralentisseurs,…-ont été les bienvenues pour l’expression de la colère populaire se matérialisant par des barricades, la fermeture du siège de mairie ou de daïra,…etc.

Incontestablement, aussi bien sur le plan social et économique que sur le plan politique, l’Algérie est sur le fil du rasoir. Ce qui est appelé croissance économique est tirée par la simple ‘’magie’’ des investissements publics permis par la rente pétrolière. La diversification des recettes de l’Etat demeure pour l’instant une Arlésienne dont on parle depuis presque deux décennies sans que l’on voie un soupçon de son ombre. Le bilan de l’accord d’association avec l’Union européenne n’est guère reluisant, presque sept ans après son entrée en vigueur. Les entreprises algériennes s’en trouvent de plus en plus fragilisées et les vrais investissements créateurs d’emplois et de richesses tardent à se mettre en place. Les augmentations de salaires de fonctionnaires n’ont eu pour effet palpable que le surplus d’inflation que les chiffres officiels (4,5 %) ne rendent pas fidèlement, selon les analystes de la scène économique nationale. Cet état stationnaire et précaire d’une économie qui s’englue davantage dans la logique rentière est naturellement aggravé par les incertitudes politiques. Si, pendant presque vingt ans, l’asphyxie et le ronronnement politiques n’avaient comme tableau de référence que l’échelle diachronique de l’Algérie, aujourd’hui cette référence accède à l’échelle synchronique de l’aire géographique arabe balayée par un vent de révolutions et de révoltes depuis plus d’une année.

Dans ce contexte, il serait sans doute indécent de parler de l’exception algérienne. Le sort peu enviable réservé à certaines insurrections populaires, saines et bien fondées à leur commencement, est sans doute de nature à tempérer les ardeurs de ceux qui seraient tentés de suivre machinalement ce mouvement des révolutions trahies. Cependant, pour échapper à un destin aussi peu souhaitable, l’Algérie, qui fête cette année les 50 ans de son indépendance, peut-elle se donner les moyens- volonté politique et sursaut d’une morale rédemptrice- de marquer définitivement son passage à la modernité politique et au développement économique ?

Amar Naït Messaoud

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