Par Abdennour Abdesselam:
Chikh Mohand ne parlait jamais de sa famille At Belqacem. Il était solitaire au plan familial mais collectif au plan social. Il était intégré profondément à la vie quotidienne des citoyens. Il considérait que la société prévalait sur la famille, donc sur lui-même aussi. Nous noterons que du temps du Chikh, il y avait quelques familles kabyles puissantes et riches mais aucune n’avait un ascendant sur lui. Il n’a pas développé de relations exceptionnelles avec telle ou telle tribu de Kabylie ni favorisé personne. L’attitude non complaisante qu’il a eue face à Chikh Aheddad, alors maître suprême de la confrérie Rahmania est en soi déterminante du fait que Chikh Mohand Oulhoucine était peu ou pas du tout enclin à s’inféoder. Il refuse tout titre hiérarchique de pure forme. Ce qui explique sa sortie prématurée de cette confrérie à laquelle il avait pourtant appartenu. Le Chikh considérait la hiérarchie comme une forme de contrainte à la libre expression, à l’évolution, à l’innovation et à la contestation. La contestation est pour le Chikh justement un mode d’expression libre qui empêche l’instauration de toute autorité absolue. Pour lui, l’autorité ne devait ni suppléer, ni phagocyter un quelconque espace de liberté. Il ne conçoit aucun droit à l’exercice de l’autorité absolue de l’homme par l’homme et encore moins de l’homme sur le groupe. Pour lui, seul Dieu est suprême autorité. Il n’hésite pas à en convenir que lui aussi peut se tromper et donc peut être interpellé à tout moment. Il dira pour cela: « Nekwni nemmal, win yufan nmal a y-d-yefru awal skud mazal lhal ». Chikh Mohand savait que certains de ses dits lui survivront et que cependant d’autres seront oubliés ou tomberont en désuétude. Il constatait déjà que le monde était en mouvement continuel et que des transformations allaient être inévitables, peut être même cruelles. Vers la fin de sa vie, et comme pour faire le constat de toutes ses interventions, il s’adressera à son fidèle Waâba en lui disant : « A waâba, ayen nenna, kra i lebda, kra i temda » (ô mon fidèle Waâba de tous mes dits certains seront utiles, d’autres tomberont en désuétude.)
A. A. (kocilnour@yahoo.fr)
