Ce sont de malheureuses scènes qui nous renvoient aux années…1940, période durant laquelle a sévi la grande famine dont se rappelle avec une profonde tristesse la génération du 3e âge. Ces nuées de femmes et enfants qui prennent d’assaut les champs autour des agglomérations depuis les débuts de mois de mars. Ces citoyens ne vont pas cueillir des fleurs ou respirer un bol d’air frais, ils partent chaque matin à la recherche de la carde sauvage pour garnir le fond de leurs marmites et remplacer ainsi les légumes hors de portée des petites et moyennes bourses avec des prix qui défient…toute logique que personne n’arrive à s’expliquer avec la pomme de terre à 100 DA, les fèves vertes à 90 DA, l’oignon à 70 DA, le piment vert à 120 DA et la tomate à 80 DA. D’où ce recours de la plupart des ménages des zones rurales aux…herbes sauvages comestibles notamment la carde «Thaghediouth» et le persil sauvage «vouchkel», cette dernière plante étant fortement aromatisée avec un arrière goût d’ail est aussi très recherchée pour donner du goût à la pauvre (dans tous les sens) sauce. A Bechloul, Ahnif, Ath Mansour, Aghbalou ou Saharidj, on rencontre ces groupes de femmes en majorité âgées accompagnées quelquefois d’enfants dans les champs tout autour des agglomérations. Equipées de couffins, sacs de jute, des binettes ou couteaux de cuisine, ces femmes s’attèlent a déterrer la carde sauvage dont les dernières pluies ont été a l’origine d’une croissance rapide de cette plante riche en azote et en fer par conséquent nutritive, de plus mélangée à une poignée de fèves vertes sa sauce est d’une saveur exceptionnelle, notamment pour le plat de couscous bien arrosé d’huile d’olive. Une fois la quantité voulue cueillie, ces braves mères de famille se retrouvent dans un coin discret et s’assoient en cercle pour la débarrasser de ses pétales et ne garder que les tiges tendres, cela pour réduire le volume à emporter. De plus, il suffirait d’une dernière opération qui consiste en l’essorage et elle est fin prête pour aller droit dans la marmite. Tout en s’échangeant des nouvelles, ces ménagères gagnent du temps en traitant la carde sur place, ce qui leur permet une fois rentrées de préparer rapidement le repas à leur progéniture. Avec les moyens de conservation actuels (frigidaire), la majorité de ces femmes consacrent une demi-journée pour cueillir la provision d’une semaine. Les nostalgiques des plats d’antan dans ces régions du pays profond, achètent un paquet de couscous d’orge pour s’offrir un repas des plus originaux, arrosé d’une sauce à la carde, de l’huile d’olive fraîche qu’on accompagne d’une cruche de petit lait ou du lait caillé ne manquait au menu que la viande sèche (Achedhlouh) qui a disparu de nos menu, il y a bien longtemps.
Toujour s est-il que le cas de ces ménages qui puisent dans l’herbe sauvage pour manger doit donner à réfléchir à ceux qui nous agacent avec leurs milliards de dollars engrangés dans les caisses de l’Etat et qui ne semblent pas profiter à tout le monde.
Oulaid Soualah
