C’est aussi une question de démocratie !

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L’un des cruciaux constats d’impuissance faits par le Ministre de l’Habitat, Nordine Moussa, lors de sa visite, mardi dernier, dans certains villages de Darguina (wilaya de Béjaïa), est sans aucun doute celui de la rareté du foncier dans ces régions de montagne. Interpellé pour que les pouvoirs publics trouvent une solution aux glissements de terrain qui affectent ces cantons ruraux, le représentant du gouvernement a montré la disponibilité de son département ministériel à mobiliser les ressources financières nécessaires pour un programme de logements sociaux, à condition qu’on ‘’lui trouve des assiettes foncières’’. N’est-ce pas que ce constat d’impasse, où l’on est réduit quelque part à se mordre la queue, rappelle d’une façon dramatique une réalité complexe, celle de l’intervention de l’Etat dans les territoires ruraux, et plus spécifiquement dans les zones de montagne. Les différents blocages qui grèvent les programmes de développement publics dans certaines régions de Kabylie ont duré des années, et le cas le plus illustratif est sans aucun doute l’actuel programme de raccordement au gaz de ville de plusieurs communes de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira. Les oppositions intempestives ont pénalisé non seulement les populations et les ménages ciblés, mais également les entreprises de réalisation (détentrices de marchés ou sous-traitantes). La coopération entre les populations, par le truchement des comités de villages et des associations, et les services de l’administration est une impérative nécessité pour espérer dépasser ce genre d’obstacle qui, en définitive ne profite à personne. Les mêmes comportements sont à l’origine des retards enregistrés également dans le raccordement au réseau d’assainissement dans certaines communes et dans la mise en place de décharges contrôlées ou de centres d’enfouissement technique des déchets ménagers ou industriels. Si des problèmes du même genre son signalés un peu partout sur le territoire national, ils prennent néanmoins plus de relief dans les régions à…relief accidenté où les arpents et les lopins de terre viables pour la construction et pour l’agriculture sont trop mesurés. En plus de la compréhension et de coopération qui sont logiquement attendues de la part des citoyens habitant ces régions, les pouvoirs publics (décideurs politiques et responsables techniques) sont, de leur côté interpellés pour mettre en place des politiques novatrices, imaginatives et techniquement plus adaptées à la situation du terrain, à l’image de ce qui se fait dans les pays développés. Ce ne sont pas les fonds qui font défaut. Les montants des plans quinquennaux en Algérie sont exprimés en centaines de milliards de dollars. Pour que cet argent de la rente pétrolière soit utilisé à bon escient, il importe que des études sérieuses soient engagées bien avant le lancement des travaux. Ces études ne devraient pas se limiter à l’aspect technique, mais embrasser les volets humain et sociologique pour anticiper les problèmes et leur prévoir des solutions adaptées. Au moment où les pouvoirs publics s’attèlent à établir des programmes de développement pour les zones de montagne, les études confiées dans ce sens au bureau d’études CENEAP par le ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement en 2009 ne sont pas encore finalisées. Lors de la restitution d’une partie de ces études-portant sur le massif du Djurdjura- au siège de la wilaya de Tizi Ouzou en novembre 2009, les autorités locales (élus et administration) ont eu à apprécier un tel travail de classement des communes de montagne par degré de difficulté et cela, en fonction des facteurs de pente, d’altitude, d’érosion, de la nature juridique du foncier, des précipitations, de la densité démographique, des infrastructures,…etc. De ce classement, sont censées découler des politiques publiques appropriées et des mobilisations de fonds pour les programmes de développement. En dehors de ces outils rationnels, basés sur une approche scientifique éprouvée et une vision moderniste de l’aménagement du territoire, on risquerait de continuer les errements dans la politique de développement de façon à prolonger les déséquilibres régionaux et à tourner le dos aux canons du développement durable. Du même coup, les interjections, comme celle du ministre de l’Habitat (« donnez-moi des terrains, je vous construirai des logements » !), ou celle d’Issaâd Rabrab (« je ne peux pas construire une usine en l’air ») pourraient signifier, pour un pays vaste de ses 2,4 millions de KM2, l’éloignement ou la mise à mort de toute nouvelle perspective sociale et économique. Outre une politique réfléchie de l’aménagement du territoire, la gestion rationnelle des ressources naturelles, à commencer par le foncier, et les nouveaux impératifs du développement humain, exigent des choix hardis en matière de décentralisation (territoire et institutions) de façon à ce que les élus locaux et la société civile soient complètement impliqués dans la politique de développement et dans la vie citoyenne. Depuis plusieurs années, de tels idéaux, qui font partie de la démocratie participative, figurent dans les programmes de certains partis politiques du camp démocrate et républicain. Dans quelle mesure les prochaines élections législatives pourront-elles apporter leur pierre à ce bel idéal sans lequel la démocratie risquerait de demeurer un vain mot ?

Amar Naït Messaoud

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