Nounou le clown a émerveillé et enjoué petits et grands lors d’un spectacle animé vendredi dernier à la petite salle du théâtre régional de Béjaïa.
Emmitouflé dans son costume bigarré à l’Arlequin, pantoufles multicolores, perruque aux couleurs tout aussi chatoyantes, et le ventre naturellement pansu, Nounou a «mis le feu» dans la salle de spectacle qui s’avéra exiguë pour contenir les têtes blondes maquillées par le soin de leur clown préféré. Chants, danses, jeux ont fait le bonheur des enfants qui ont volontiers pris part à l’animation. D’entrée de «jeu», des numéros leur sont distribués. Au fur et à mesure, les enfants-comédiens investissent la scène pour exécuter les «numéros» qui leur sont demandés ; une piñata à briser de laquelle tombent des jouets, si chanceux l’enfant aux yeux bandés réussit «l’exploit» de la casser à temps. Une autre activité «la maison du clown» (faite de longs rubans au milieu de la scène), là il s’agit de l’investir à temps, une fois la musique coupée. Plein d’autres amusements ont révélé des graines de comédiens (Mahyedine, Rayan, Nihad…) de chanteurs et de danseurs. La joie et le bonheur se lisaient dans leurs yeux. Les plus chanceux se sont vu remettre de petits cadeaux symboliques. Le spectacle a néanmoins fait des frustrés. En plus de ceux qui n’ont pas eu la chance de monter sur scène et de partager ainsi leur talent, l’émerveillement était tel qu’ils ne voulaient plus quitter la salle, et ce, après une heure d’animation ! Mais qui se cache derrière le Peter Pan du TRB ?
Son nom, Khima Yacine, 38 ans, natif de la ville de Béjaïa, ses débuts dans le monde du spectacle, il les fait en 1989, au sein de la troupe amateur «Imouzar» (les enchaînés), encouragé pour cela par feu Abdelmalek Bouguermouh, directeur du TR Béjaïa à l’époque. Ce n’est pas sans émotion qu’il se souvient de la première pièce dans laquelle il a joué «lmuth n tlissa» (la mort des limites). «C’est Bouguermouh qui nous a aidés pour le travail de la mise en scène, car nous étions une troupe d’amateurs, la seule chose qui nous motivait, c’était l’amour du métier. Nous travaillions de manière bénévole, et c’est grâce à Bouguermouh, paix à son âme, que nous avions pu nous produire dans différentes localités de la wilaya, mais aussi à travers les universités telle celle de Bouzerhéa … ». Après un break de quelques années, il renoue, en 1993, avec sa passion de toujours en faisant du théâtre de rue, à la Kateb. L’engouement de la population n’a fait qu’accroitre sa détermination à se surpasser et aller de l’avant. Nounou est issu d’une famille d’artistes et a été encouragé surtout par sa sœur aînée, Naima, qui a arpenté les planches du théâtre de Béjaïa pendant près de vingt ans, avant de s’installer en France et de fonder sa propre compagnie. Après avoir joué dans des pièces théâtrales montées par le TRB, en campant entre autres le rôle du mouchard dans la pièce «Fatma n’Soumer», avec le défunt Kheiri, «Léonardo», «Fibonacci», «Sinistri» avec Mouhoub Latrech, «Mechdelli», son envie de donner de la joie et de faire rêver les enfants le rattrape. Instruire, éduquer, transmettre des valeurs nobles sont ses motivations première. «J’ai monté un spectacle l’année dernière intitulé Imdukal n lghaba (les amis de la nature)». C’est avec une grande émotion qu’il explique la thématique traitée dans cette représentation, les méfaits de l’homme sur son environnement, une façon de sensibiliser les plus jeunes au respect de la nature. «J’ai joué dit-il, le spectacle dans les plages, j’ai pu amener les enfants à les nettoyer. Il s’agit dans ce spectacle, d’animaux qui se plaignent des déchets que déversent les adultes. Nous avions mis les adultes devant leur responsabilité nous nous moquions de ceux qui, après le bain de soleil, partent sans regarder derrière, et je puis vous dire qu’ils ont ri jaune (…) Les enfants ont besoin de nous, adultes. Les espaces où ils pourront s’épanouir font cruellement défaut, ils ont besoin aussi et surtout de beaucoup d’amour, ils sont beaucoup plus intelligents et éveillés que nous le pensons !» Engagé corps et âme dans son travail, il nous confie sans fausse modestie avoir collaboré avec les écoles, les associations ainsi que les maisons de culture, les hôpitaux, les enfants abandonnés, mais, regrette-t-il, «beaucoup de choses restent à faire en faveur des enfants, l’adulte de demain, pourvu qu’il y ait une volonté de la part des pouvoirs en place». Interrogé sur sa condition d’artiste, il esquisse un sourire amer, mais reste digne : «Cela fait plus de cinq mois que je suis sans contrat, ce qui m’a valu beaucoup de déboires financiers. J’ai des bouches à nourrir, j’aurais difficilement tenu sans le soutien de mes proches, je me sens enfant et ma mission ici-bas, c’est de leur procurer de l’amour et les accompagner dans le cheminement de leur vie. C’est mon pari et je vais le gagner malgré les difficultés. Je suis fier de mon fils Rayan, il a 11 ans et a déjà l’amour des planches, il marche sur les pas de son père et c’est pour moi un motif d’encouragement». Sur ses projets, Nounou nous confie en avoir plein : «Le théâtre et le jeu magique», entre autres. C’est une sorte de chasse aux trésors dans les dédales de notre beau théâtre. Confiant en l’avenir, il tient vivement à remercier ceux qui ont cru en lui et l’ont encouragé M. Fetmouche, « qui, nous confie-t-il, m’a donné carte blanche et le staff technique avec qui j’ai pris un malin plaisir à monter ce spectacle … »
N. Guemghar