Un géant de grand talent

Partager

Contrairement à son talent, Mustapha Skandrani est mortel. Virtuose du piano, il a dominé, du haut de sa petite taille, cet instrument durant non pas des années, mais des décennies, tout comme il a dominé les orchestres de chaâbi qu’il a dirigés un demi-siècle durant. Avec son départ, c’est réellement une page de la musique algérienne et une image qui auréolait ce monde où trône la voix et le mandole, qui se tournent, pour ne pas dire qui se déchirent. Même si Skandrani est venu après eux, son nom évoque avec un effet rétroactif ceux de Sfindja, Edmond Yafil, cheikh Nador, les cheikhates Yamma et Tetma et, plus proche de nous, Fadila Dziria, El Anka, Dahmane Ben Achour, El Hadj Menouer, El Hadj Mahfoudh. Son nom évoque aussi les membres de l’orchestre chaâbi, avec cheikh Medjber, Benchoubane Rachid, Papou, Bestandji et des dizaines d’autres musiciens qui lui obéissaient au droit et à l’œil, surtout à l’œil. Avec sa mort, c’est un visage coutumier, proche de tous, comme un oncle pour toute la famille, qui s’en va, entraînant dans son départ la fermeture de tout un pan de la musique chaâbie, hawzi et andalouse. Bien sûr qu’il nous reste Guerouabi, Bouadjadj, Ezzahi, Lankis, Guessoum, Chercham, Kobbi, H’sen Saïd et des dizaines d’autres maîtres pour injecter amour et mélancolie dans les qacidates et insufler une brise de bonheur auditif aux mélomanes. Mais tout comme un certain décembre 1977, avec la perte d’El Anka, octobre 2005 marquera pour l’avenir une date pour signifier qu’en matière de chaâbi, il y a un “avant” et un “après” Skandrani. Si tant est qu’il puisse y avoir un “après”…

Nadjib Stambouli

Partager