Oued Sahel dans une situation lamentable

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L’Oued Sahel, même après avoir été débarrassé de ses deux sablières suite à une décision salutaire du wali de Bouira, n’en demeure pas moins dans une situation lamentable, à cause des décharges sauvages et des rejets d’assainissements dont il est le réceptacle pour les agglomérations qui l’entourent, et cela depuis oued Dhous (l’un des ses affluents) jusqu’à sa ++jonction avec l’oued Soummam, dans la wilaya de Béjaïa.

En effet, du côté sud, les eaux qui se déversent de Djebel Dirah, collectées par les oueds Guergour et Medjaber, passent par l’oued Lahdjar, convergent vers l’oued Lakhal à Sour El Ghozlane, qui à son tour rejoint les oueds Sbisseb d’El Hachimia et Sidi Okba, entre Ain Turk et Ain Lahdjar, pour déboucher sur Oued Edhous à Bouira. Oued Zerrouk, de Bordj Okhriss conflue dans oued Ziane de Ahl El Ksar, qui va rejoindre également le Sahel, entre El Esnam et Bechloul. Les monts de Tamellaht, Ath Mansour et Beni Ouaggag y évacuent également leurs eaux superficielles par les rivières de Sebkha et Sidi Aissa. Quant à sa rive nord, les affluents qui acheminent les eaux du versant sud du Djurdjura depuis Haizer jusqu’à Tazmalt, sont oued Lakhmis, Assif Boumsaâdane, Tessala, Assif Boudrar, Oued Baghbar, Assif Assemadh, Assif Rana et Ighzer Ouakour. Telle une cuvette remplie par tant d’artères, son débit hydrique ne pouvait qu’être important. Une partie, soit 170 millions de mètres cubes, est retenue par le barrage de Tilesdit, depuis sa réalisation en 2005 dans la commune de Bechloul. Malheureusement, les nuisances humaines ont un effet néfaste sur ces dons de la nature. Et bien que, depuis longtemps, dénoncées par les écologistes à coups d’articles dans la presse, elles continuent ses dégradations sans qu’aucune solution ne se dessine pour les réduire un tant soit peu et en atténuer les effets, faute de pouvoir les supprimer par la mise en place de décharges contrôlées au niveau des communes que l’oued traverse, ou de stations de traitement des eaux usées dont il est le déversoir. Même si les transfigurations environnementales sont moins prononcées suite au démantèlement des sablières de M’chedallah et d’El Adjiba, à l’utilisation du sable de carrière dans la construction et au retour du ruissellement estival depuis le remplissage du barrage en amont de Tilesdit, la plaie demeure ouverte.

Il était une fois… un haut lieu de baignade

Elle le restera aussi longtemps qu’une médication appropriée n’est pas mise en application, comme l’éradication des décharges publiques telles que celle de M’chedallah, néfaste pour la nappe phréatique, qui alimente en eau potable le chef-lieu de la commune d’Ahnif et nuisible à la vie des riverains dont le mécontentement ne cesse de se manifester à cause des fumées de l’incinération des déchets. Les asthmatiques et autres insuffisants respiratoires, autant chez les habitants que chez les automobilistes de la RN 5 et de RN 26 continuent de souffrir de ces fumées, traînées par les vents à des kilomètres à la ronde, surtout par ces temps caniculaires. La pollution n’épargne pas les affluents oued Ouakour, à proximité de Raffour et de oued Rana, du côté de Beni Ikhlel. Dans ses belles années, oued Sahel ruisselait à longueur d’années, été comme hiver, il servait de lieu de baignade à moindres frais et d’école de natation ouverte à toutes les catégories. On venait s’y adonner à la plongée du haut des falaises, tant l’eau était profonde. Les adeptes de la pêche n’étaient pas en reste, avec des prises en poissons et anguilles qui feraient rougir de plaisir n’importe quel amateur. Tout cela fait partie du passé de la mémoire de toute une génération comme la crue de 1974, qui fut telle que le pont du oued Sahel a rompu sous la furie des eaux, obligeant les populations de sa partie sud (El Esnam, Bechloul, Laksar, El Adjiba, Ighrem, Ahnif, Ath Mansour) à joindre M’chedallah par Allaghane, une commune à l’est de Tazmalt, dans la wilaya de Bejaia. Aujourd’hui, sa déchéance n’est plus à démontrer, elle a eu lieu insidieusement, avec la mise à sec de la rivière par le pompage excessif de ses eaux par les premières exploitations de pastèques qui firent leur apparition au détriment des céréales, et l’envasement du barrage de son affluent oued El Bared. Un barrage complètement disparu, mettant à l’arrêt tous le réseau d’irrigation de la plaine de M’chedallah. L’ouvrage descend du flanc sud de Djurdjura et fait jonction avec Sahel du côté sud du village Ighrem. C’est également la disparition de la retenue de fortune (essed, en kabyle), et du canal d’irrigation, dont les villageois d’Ighrem se servaient pour irriguer leurs vergers, qui regorgeaient de pêches, nèfles, grenades, pommes et prunes … et qui sont devenus des champs de désolation, certains carrément transformés en plates-formes de productions de parpaings. «Autre temps, autres oued», pour paraphraser la célèbre maxime. Beaucoup d’ordures se sont accumulées sous les ponts, dans des oueds asséchés par de longues sécheresses, un réchauffement progressif et des habitants agressifs envers leur environnement. Toutes ces décharges, dont on se plaint tant, pourraient pourtant être des sources d’activités, de récupérations et de transformations de produits industriels ou de fabrication de fertilisants, comme cela se fait dans les pays qui s’appliquent à en tirer profit : rien ne se perd et tout se transforme, n’est-il pas vrai ?!

Mohand Meghellet

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