“Construire la paix dans l’esprit des hommes”

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La Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture se tient à une périodicité de deux ans. Celle qui vient de prendre fin à Paris a eu à plancher sur la convention sur la diversité culturelle. L’enjeu au cours de cette session était de donner un sens concret à la “déclaration universelle sur la diversité culturelle”, adoptée à l’unanimité au lendemain des attentats du septembre 2001.Ces événements qui ont pris — à tort ou à raison — une forte connotation culturelle et religieuse ont été exploités par différents acteurs (hommes politiques, idéologues, chercheurs) au point de jeter l’anathème et la suspicion sur l’ensemble des cultures de l’aire arabo-musulmane. La théorie des chocs des civilisations, prônée par Huttington et reprise par l’italienne Oriano Fellaci, ne peut à l’évidence expliquer un phénomène nourri par la géostratégie mondiale et les intérêts étroits de classes ou de pays.“Construire la paix dans l’esprit des hommes” : tel est l’idéal sur lequel sera fondée l’UNESCO six mois après la fin de la Seconde guerre mondiale. Ainsi, le 16 novembre 1945, son acte constitutif avait été élaboré et adopté lors de la conférence de Londres qui réunissait 44 gouvernements soucieux de “tuer la guerre à la racine”, comme le rappelle Jean-Michel Djian dans “Le Monde Diplomatique”, numéro d’octobre 2005.La diversité culturelle est considérée comme un patrimoine commun de l’humanité. Le directeur général de l’UNESCO déclare que la déclaration sur la diversité “oppose aux enfermements fondamentalistes la perspective d’un monde plus ouvert, plus créatif et plus démocratique”.La diversité culturelle est ici entendue dans le sens le plus large englobant les langues, les religions, les arts, la musique, les objets muséographiques. En somme les patrimoines matériel et immatériel de l’humanité. “Un vieux qui meurt est une bibliothèque qui brûle”, a-t-on l’habitude de dire. Outre les convoitises territoriales et la volonté d’expansion économique, les guerres ont aussi pour origine de lourds contentieux civilisationnels et des malentendus culturels. Et c’est à se servir de la culture comme moyen de dialogue, de communion et d’entente, dans la stricte préservation des identités et des spécificités de chaque peuple, que travaille l’UNESCO depuis sa fondation.L’ancien directeur de cette organisation (1987-1999) Frederico Mayor a eu cet amer constat : “Ces guerres et leur sinistre cortège d’atrocités constituent un échec pour l’UNESCO et pour toute l’humanité”.Il y a lieu de noter que la convention sur la diversité culturelle vient conforter les efforts de certains pays, comme la France, qui se sont battus au sein de l’OMC (plus précisément son ancêtre le GATT) pour ce qui était appelé alors “l’exception culturelle”. Le principe était que les produits culturels (livres, cinéma, musique) ne peuvent pas être considérés comme importe quelle marchandise. Ces produits expriment le génie spécifique, l’âme, l’altérité propre à chaque peuple. Par conséquent, ils ne peuvent subir la loi uniformisante de l’OMC.Mme Katerina Sténou, directrice des politique culturelles à l’UNESCO fait remarquer : “Le mot culture fait peur. Pour l’avoir “charcuté” pendant des mois, ou en est arrivé à oublier le sens de l’art et de la création. Mais nous devons nous battre politiquement pour protéger ensemble cette diversité”.L’avant-projet de la “Convention sur la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques”, décline son préambule en 21 points et met l’accent sur la protection de la diversité des expressions culturelles traditionnelles tout en soulignant que les activités, biens et services culturels ne doivent pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale.Les objectifs assignés à la convention visent principalement à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles, créer les conditions permettant aux cultures de s’épanouir et inter-agir librement de manière à s’enrichir mutuellement, encourager le dialogue entre les cultures, stimuler l’inter-culturalité, promouvoir le respect et la diversité des expression culturelles et la prise de conscience de sa valeur au niveau local, régional et national, réaffirmer l’importance du lien entre culture et développement pour tous les pays, en particulier ceux en développement.Le texte de la convention met aussi l’accent sur la nécessité de “reconnaître la nature spécifique des activités, biens et services culturels en tant que porteurs d’identité, de valeur et de sens”, comme il fait incomber aux “Etats” le droit souverain, de conserver, d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et mesures qu’ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité culturelle sur leur territoire.”Au moment où l’hégémonie culturelle occidentale, rendu possible par une avancée technologique extraordinaire particulièrement dans le secteur de la communication, tente d’imposer des modèles culturels uniformisants menaçant de mort certaine les cultures “minoritaires”, les préoccupations des instances de l’UNESCO paraissent des plus opportunes. Le “village planétaire”, tel que vu par Mc Luhan, ne sera fertile et joyeux que dans la diversité la plus complète possible.Restent les modalités et les moyen pratiques que doit déployer l’UNESCO pour une telle entreprise. Nous savons que son budget s’est réduit, au cours de ces dernières années, en peau de chagrin : 610 millions de dollars pour les deux années 2005 et 2006. “C’est deux fois moins que celui de la seule université de Toronto”, soulignera Pierre Sané, sous-directeur général de l’UNESCO pour les sciences sociale et humaines.

Amar Naït Messaoud

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