Auteur compositeur, Madjid Soula est l’une des figures célèbres de la chanson kabyle des années 80.
Sa voix, son verbe et ses mélodies savoureuses ont fait de lui un artiste complet ! C’est un fervent amoureux de son identité et de sa culture ! D’ailleurs, Ses premières chansons en témoignent. Et à côté des grands artistes, il signe sa présence. Ses textes évoquent la femme, la liberté l’amour, tout simplement la vie ! Quels que soient les obstacles que rencontre la chanson kabyle, l’artiste a pris le serment de ne pas baisser les bras, il continue de nous faire partager ses émotions, ses visions et ses soucis ! En ce moment même, il prépare la sortie de ses deux albums. Sans un mot de plus, Madjid nous promet le verbe et la mélodie ! Entretien.
La Dépêche de Kabylie : Comment furent les débuts de Madjid ? Quels étaient les moyens que vous vous êtes donnés afin d’arracher une place importante dans le milieu artistique ?
Madjid Soula : Le seul moyen pour s’y imposer était la qualité musicale et vocale, associé au verbe, qui joue un grand rôle dans la composition de la chanson Kabyle. Sinon, les arrangements ne s’effectuaient pas avec de grands moyens, par exemple, pour réaliser un enregistrement en studio, on disposait de deux microphones seulement, un pour le chanteur et l’autre pour toute l’équipe musicale. Les moyens étaient rudimentaires, mais la recherche de la mélodie et de la poésie était profonde.
Etant l’une des références de la chanson kabyle des années 80 et d’aujourd’hui, votre adhésion à la chanson engagée était-elle un choix, une nécessité ou une forme patriotique de résister au pouvoir de l’époque ?
C’est ma destinée ! J’ai compris une chose : personne n’a le pouvoir de changer la volonté de Dieu. Mon inclinaison à la chanson était donc naturelle.
La chanson des années 80 est la seule forme d’expression, de liberté et de l’art pour les kabyles, à votre avis, avez-vous réussi votre combat ?
Par exemple la reconnaissance de Tamazight en tant que langue nationale, est-elle une réussite ? En général, quel constat en faites-vous ?
La chanson des années 80 est une expression forte qui portait les revendications du peuple ! Une arme redoutable, Elle n’avait jamais tué quelqu’un, mais elle faisait avancer les choses et éclairait le long chemin pour la culture amazighe. Maintenant, le contexte est différent ! Notre chanson devient commerciale. La vraie chanson engagée est détruite ! La revendication culturelle est de plus en plus timide. Qui est responsable ! ? Je pense que tout le monde est complice, nous avons tous une part de responsabilité ! La Kabylie a sombré dans le chaos, l’identité se perd et la langue n’est pas encore reconnue officiellement. Il faut prendre les choses au sérieux et sauver ce qui reste à sauver.
Un recul énorme de la chanson kabyle, elle qui était l’expression d’un peuple dans des années précédentes ; elle perd aujourd’hui ses repères, ….à votre avis, où se situe le problème ?
C’est très simple, nous sommes orientés vers d’autres cultures et nous oublions la nôtre. Nous brisons ce qui nous appartient et nous payons cher ce qui ne nous appartient pas. La chanson kabyle n’a pas les moyens pour s’imposer universellement. La technologie, les publicités et les medias ne sont pas à son service !
Que deviendra donc la chanson Kabyle face à cette invasion culturelle étrangère?
La place de la chanson Kabyle est compromise. On veut qu’elle reste celle des mariages et de danse ! J’ai été contacté à maintes reprises par les Associations Canadienne. A chaque fois, faute du budget, elles (les associations) exigent de moi d’y aller seul, sans mes musiciens. Ce n’est pas le cas de tout le monde, les autres artistes ont le droit d’être bien accompagnés. La raison n’est donc pas celle de moyens, c’est simplement dû à cette place modeste réservée à la chanson kabyle dans le milieu artistique universel.
La chanson kabyle vient de perdre l’un de ses grands monuments, en l’occurrence « Cherif Kheddam », vous aviez participé à son gala de 1996, quel souvenir en gardez-vous ?
Dda Chrif est un grand monument de notre culture. Il a une grande place dans nos cœurs. Je me souviens de mon passage à son émission « Ichennayen uzekka ». Je retiendrai à vie ses belles phrases : ne reviens plus ici Madjid, tu as tout ! Tu as la voix la musique et le texte et tu n’as pas besoin de nous. Ces mots sont gravés dans ma tête, ils m’ont servi pour la fabrication de mon identité artistique… ! Sincèrement, j’ai eu l’immense fierté de rencontrer un grand homme d’une grande sincérité et générosité. Que Dieu protège son âme. A l’occasion, j’en profite pour rendre un grand un hommage particulier à Mhenni At Wamiruc.
Avez-vous des projets pour l’avenir ?
Pouvez-vous nous en parler ?
Pour le moment, je prépare deux albums et je suis à la recherche d’un producteur. Ce n’est pas facile car je n’ai pas trouvé d’aide pour promouvoir le produit. Les associations n’aident pas vraiment les chanteurs kabyles à organiser leurs spectacles, alors, il ne reste qu’à mener un combat individuel.
Entretien réalisé par Hachemi Boukider