L’astre éclairé par Nedjma

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Elève au lycée de Sétif, le 8 mai 1945, il participe aux manifestations.Sa mère le croyant mort (fusillé) devient folle. Renvoyé du collège en 1946, il publie à Bône (Annaba) son premier recueil de poèmes “Soliloques”. 1946-1947 il milite dans les rangs du PPA. Ce jeune homme de 17 ans peu connu encore (il n’a publié qu’un recueil de poèmes), prononce à Paris une conférence “Abdelkader et l’indépendance algérienne”.La conclusion du texte de cette conférence ne laisse aucun doute sur l’objectif du jeune militant et situe d’emblée ce texte dans l’essai-résistance.L’année 1956, incontestablement l’année du roman algérien majeur, de nombreux lecteurs et critiques pensent que le roman Nedjma n’a pas été égalé. C’est la fascination de l’Etoile. Pour ne citer que cette influence de ce roman en ce temps-là. Le dernier roman de Leïla Sebbar a été analysé comme une relecture de Nedjma. Ce roman “historique” refuse de se porter par la logique de la chronologie. Ce roman d’amour, refuse l’intrigue amoureuse classique. Ce roman qui interpelle le réel, le fait surgir des faits entrechoqués et non d’un ordre impulsé par un écrivain démiurge. Des subjectivités diversifiées et au statut indécis prennent la parole, laissant au lecteur un rôle actif et dynamique pour reconstituer une cohérence.“L’œuvre se déroule sur trois plans ou énoncés qui non seulement se recoupent s’enchevêtrent, se “contaminent”, mais sont souvent aussi distincts”. Les grandes distinctions proposées par M.I Abdoun pour faciliter l’entrée dans l’œuvre.- L’énoncé lyrique, ou Nedjma comme roman d’amour animé par quatre jeunes gens et Nedjma.- L’énoncé historique se référant aux éléments socio-politiques de l’œuvre.- L’énoncé mythique qui se concentre sur le mythe de l’origine avec le thème du passé et l’intervention des ancêtres.Avant Nedjma dont on peut constater la pluralité des styles (poétique, narratif, dramatique), Kateb Yacine a créé une première pièce de théâtre dont la première version paraît dans la revue Esprit en 1954-1955. Cette pièce sera publiée en 1959 dans Le Cercle des représailles, avec quelques modifications. “Je suis de ceux déclarait Kateb Yacine en 1956, qui, lorsqu’ils se mettent à l’œuvre, ne savent jamais si ce sera un poème, une tragédie ou un récit. Les exigences profondes d’une œuvre suffisent à faire surgir toutes les formes nécessaires.”Le sujet du Cadavre encerclé, est la lutte contre le colonialisme, à l’époque du 8 mai 1945, et s’articule autour de deux désirs qui ont écartelé l’écrivain. L’amour d’une femme et l’amour de la révolution. Les personnages sont ceux du roman : Lakhdar blessé à mort, Nedjma incarnée humaine, amante, mère et militante et enfin Ali le fils. Le trio se détache sur le fond de la lutte collective symbolisée par d’autres personnages, d’autres voix. Le Cadavre encerclé est une pièce au lyrisme puissant. Elle s’ouvre par ce monologue de Lakhdar, puis le chœur et le chant individuel mêleront leurs voix. Le Cercle des représailles qui inclut Le Cadavre encerclé est publié en 1959. Il comprend la première pièce donc, une comédie satirique, La Poudre d’intelligence, une autre tragédie, les Ancêtres redoublent de férocité et un long poème dramatique et lyrique, Le Vautour.Ces nouvelles œuvres vont intégrer la guerre qui fait rage en Algérie, mais aussi l’écho de désaccords dans les rangs nationalistes ou des faits vus du côté algérien. Dans une interview de 1958, Kateb Yacine apprécie ainsi la position du poète : “Le vrai poète, même dans un courant progressiste, doit manifester ses désaccords, s’il ne s’exprime pas pleinement, il étouffe. Telle est sa fonction. il fait sa révolution à l’intérieur de la révolution politique. Il est au sein de la perturbation, l’éternel perturbateur. le poète c’est la révolution à l’état nu, le mouvement même de la vie dans une incessante explosion.” Ce n’est évidemment pas une position très “disciplinée” en temps de lutte, ni très orthodoxe. En pleine lutte Kateb Yacine dont on ne peut mettre en doute l’engagement nationaliste, prépare par son verbe, l’ouverture à une réflexion et une analyse sur le pouvoir. il met en garde contre les contradictions et les alliances religieuses politiques ou économiques. Encore aujourd’hui, La Poudre d’intelligence reste une farce politique très subversive, mettant en scène avec chaleur et gouaillerie le duel intellectuel avec le pouvoir. Les Ancêtres redoublent de férocité, prend la suite du Cadavre encerclé, le dernier volet de la tétralogie et le long poème du Vautour “poème dramatique” où revient le tragique de Nedjma, de La Femme sauvage, de L’Amour destructeur. Les autres pièces de théâtre de cette période n’atteignent ni cette force, ni cette complexité. Ecrites ou publiées en 1958 et 1962.En 1966, Kateb Yacine publie Le Polygone étoilé, dans la continuité de Nedjma. En 1970, il publie au Seuil, L’Homme aux sandales de caoutchouc, hommage à Hôchi Minh. l’écrivain se lance ensuite dans une expérience de théâtre collectif Mohamed prend ta valise.La Guerre de 2 000 ans, La Voix des femmes, Palestine trahie, Le Roi de l’ouest, en 1986. Enfin, J. Arnaud rassemblait avec l’accord de l’écrivain les inédits littéraires et les textes retrouvés dans un volume de quatre cent pages intitulé L’Œuvre en fragments. Le 16e anniversaire de la mort de l’écrivain, dramaturge et poète sera célébré au Théâtre municipal Mahmoud Triki de Guelma le 29 octobre 2005. Un hommage qui lui sera rendu par la Direction de la culture de la wilaya de Guelma en coordination avec sa famille.

Hamid Meradji

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