Pharmaciens et patients désemparés

Partager

Au-delà de toute controverse, l’objectif du ministère de la Santé est de rendre les produits pharmaceutiques accessibles à l’ensemble de la population.

Or, tel n’est pas le cas présentement. Le manque de médicaments persiste d’une manière aggravée, à telle enseigne que le ministre de la Santé de la Population et de la Réforme hospitalière, Abdelaziz Ziari, a dû prendre le taureau par les cornes pour assurer, avant-hier, lors d’une rencontre avec les professionnels du médicament, que “toutes les mesures à caractère réglementaire ou organisationnel, à même d’améliorer le fonctionnement du marché des produits pharmaceutiques seront prises et appliquées, soulignant que “tout se fera en étroite concertation avec les acteurs concernés“. Et pour mieux cerner la problématique du secteur qu’il dirige depuis peu, M. Ziari a ajouté qu’ “en plus des mesures à effet immédiat devant assurer la disponibilité rapide de tous les produits pharmaceutiques, des actions en profondeur seront menées pour faire basculer, progressivement, le domaine de la pharmacie dans une nouvelle organisation, basée sur des règles claires et transparentes, dont la finalité est de casser la logique des tensions structurelles ou conjoncturelles qui caractérisent le marché national des produits pharmaceutiques malgré les moyens débloqués par l’Etat”. Les professionnels de la santé notamment les pharmaciens d’officines, sont unanimes à déclarer que « Si les officines connaissent actuellement un apprivoisement régulier, c’est grâce aux spéculateurs qui contrôlent le marché des médicaments et qui ont été contraints de faire sortir leurs stocks emmagasinés depuis des mois avant son expiration ». Allant plus loin, ils tentent d’expliquer que « la pénurie a été provoquée par des criminels qui ont privé de médicaments toute une population, pour faire pression sur l’Etat et l’obliger à revenir sur certaines décisions prises ». Toutefois, ils précisent que certains médicaments indispensables

restent introuvables sur le marché à l’instar du Spasfon injectable, destiné à traiter les douleurs aiguës liées aux troubles fonctionnels du tube digestif et des voies biliaires. Mais au niveau des structures hospitalières publiques, la pénurie persiste toujours, malgré la mise en place d’un programme de distribution des médicaments par la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH). Selon le Pr Belhadj, du service de la médecine légale du CHU Mustapha Pacha d’Alger, le manque de médicaments persiste d’une manière grave, au point où le ministère de la Santé a dépêché en urgence, une commission d’enquête. Certains produits comme le Spasfon, les corticoïdes et les anti-inflammatoires sont introuvables. « Aux services des urgences, les malades subissent une situation dramatique. Certains d’entre eux sont obligés d’acheter les médicaments pour pouvoir être soignés », explique le Pr Belhadj. Celui-ci rappelle que le Syndicat national des maîtres assistants en sciences médicales (SNMASM), a adressé à ce sujet, une lettre au Président de la République. « En tant que professionnels du secteur de la santé nous estimons avoir fait notre devoir », souligne-t-il. De son côté Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), pointe du doigt la tutelle qui, selon lui, a mis trop de temps pour réagir et minimiser la pénurie des médicaments « qui persiste jusqu’à aujourd’hui dans les hôpitaux ». «Le retard dans la distribution des médicaments par la PCH ne va pas remédier à la situation, car on connaît bien la procédure avec laquelle la pharmacie centrale travaille », précise le syndicaliste. « Nous avons prouvé par une enquête, qu’il y a une indisponibilité flagrante des médicaments dans tous les hôpitaux du pays. Aujourd’hui, la situation est dramatique », avertit le Dr Merabet, précisant que le programme national de lutte contre la tuberculose risque d’être compromis face à la rareté du vaccin, tout comme ceux contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche du fait de la pénurie du Tetra-Hib. « Un vaccin qui constitue la colonne vertébrale de tous les autres vaccins, et qui reste indisponible», déclare le syndicaliste qui tire également la sonnette d’alarme sur la pénurie des pilules contraceptives et du vaccin contre l’hépatite. « Des génériques oui, mais encore faudra-t il les trouver ! », dira-t-il. Par ailleurs, les ruptures de stock sont de véritables casse-tête pour les pharmaciens. En effet, lorsque le médicament indiqué sur une prescription est introuvable, les pharmaciens, souvent bien intentionnés, se rabattent sur des médicaments génériques moins coûteux, même s’ils s’avèrent souvent moins efficaces. Mais encore, faut-il trouver ces génériques. Un manque y est également enregistré. Des produits destinés aux malades chroniques, notamment ceux atteints de diabète, de cardiopathie et d’hypertension, font défaut. Le Modiuritic en comprimés, prescrit pour les maladies cardiovasculaires n’est pas disponible, de même que le générique tel que le Déril, révèle un vendeur en pharmacie. En outre, le Glucophage et son générique, ainsi que l’insuline, médicaments destinés aux diabétiques, se font rares. Les parkinsonniens souffrent du manque de Levomed et du Modopar. Des antibiotiques tels que l’Oxacilline en sirop sont aussi indisponibles. «Je peux vous dire que je vis cette pénurie de plein fouet. Il est bien sûr évident que ces ruptures engendrent une surcharge de travail pour les pharmaciens, qui font des efforts afin de satisfaire des patients souvent en manque de compréhension», a-t-il certifié non sans lever les bras en l’air en signe de désolation.

Ferhat Zafane

Partager