Avec des références à des témoignages remontant aux premiers moments de l’aventure de la radio algérienne, Boudjemaa Rabah a retracé lors de la dernière édition du festival de chanson et de la musiques kabyles, l’histoire de ce média avec, en arrière-plan, certains instants de la vie de ces pionniers, et pionnières, à qui tout le mérite revient. Selon donc ces témoignages, la Radio d’Alger serait venue trois à quatre ans après celle de France. Bien qu’il n’y ait pas de date fixe pour la naissance de la radio en Algérie, c’est surtout par recoupements que le communicant pose celle de 1924 comme le début d’une existence. L’une des premières femmes à avoir participé à cette aventure, Lla Yamina, dit avoir commencé à y travailler quand elle avait 18 ans. Elle est née en 1906. La première radio à avoir existé en France n’était autre que Radio « Tour Eiffel ». Elle a commencé à diffuser ses programmes en 1921. Concernant certains des acteurs qui ont le plus participé à cette aventure, le cas de la troupe féminine a été souvent relégué au second plan. Le mérite revient, dans la constitution de cette première chorale féminine, à un personnage dont le nom est connu de toute la génération ayant vécu la guerre d’Algérie, Mme Lafage. Ayant vécu dans la région d’Akbou, c’est elle qui entreprit les contacts avec, entre autres, Lla Ounissa, Lla Yamina, Lla Zina, pour constituer un groupe qui commença avec les « ichewwiqen». La troupe assura des émissions de dix à quinze minutes pour un cachet de vingt centimes l’émission. Toujours selon les recoupements de ces témoignages, tels que rapportés par l’intervenant, il a fallu attendre les années trente (1933), pour que les Chouyoukhs de la musique algérienne interviennent à la radio. Cheikh Sadek Abdjaoui aurait ainsi affirmé que «les chouyoukhs de la musique andalouse, comme Cheikh M’hiddin Lekhel, Bachtarzi, les fakherdji, Dahman, Ben Achour et d’autres, ont commencé à présenter leurs programmes à la radio Berthezene [Rue Berthezene] à partir de l’année 1933 …». Après un rappel très riche en détails, Boudjemaâ Rabah poursuit, en n’omettant pas l’aspect technique de l’aventure. C’est à partir de là que l’on apprend qu’au début des années quarante, il y a eu mise en service de la chaîne kabyle après la construction d’un 2ème studio à la rue Berthezene. Le temps d’émission était partagé auparavant, entre des tranches horaires en kabyle et en arabe. L’année 1946 verra la mise en service de studios secondaires : Oran, Tlemcen, Constantine et Bougie. La radio de Bougie, toujours selon l’intervenant, s’est installée au siège du TRB vers 1946-48. Le choix du site aurait été dicté principalement par la sécurité des lieux, mais aussi pour des raisons techniques. Le Palais de la Justice se trouvant juste à côté et, en face, le siège des P.T.T. Pour le volet encadrement, on apprend avec le communicant que M. Sadek Abdjaoui fut désigné Directeur artistique en raison de son expérience artistique et radiophonique. M. Mansour H’madache, juge de Paix à la cour de Béjaïa, fut désigné comme animateur et speaker de la Radio, chargé de présenter les programmes dans les trois langues, kabyle, français et arabe. S’agissant du rythme de diffusion des programmes et du temps d’émission, on apprend qu’aux débuts, la radio de Bougie diffusait deux émissions par semaine en kabyle, les vendredi et lundi, de 13 heures à 14 heures. Une émission en arabe était aussi diffusée le mardi, de 13 heures à 14 heures. Ces deux premières années (1946-48) constituent la première période de la vie de la Radio de Bougie. Selon Boudjemmâ Rabah, il y a eu une deuxième période, allant de 1948 à 1962. Les émissions étaient devenues monotones, aussi, en 1948, la direction de Berthezene décide-t-elle d’améliorer le programme, et «le directeur Si Saïd Rezzoug, avec les responsables de la technique, se déplacèrent à Bougie pour assister à une émission de radio crochet qui a été organisée au siège du TRB», explique le conférencier. Il précise en outre : «Les artistes sont venus de toute la région pour présenter leurs produits artistiques. Et ce fut ce jour-là que le directeur Si Saïd Rezzoug a demandé à Abdelouahab Abdjaoui (Rachid Baouche) de diriger l’orchestre des émissions en kabyle». Durant cette période, les encouragements des auditeurs à la radio ont permis l’amélioration de ses programmes, les artistes de la région aimaient s’y produire. Cette radio arrivait à diffuser quatre émissions en kabyle et deux en arabe hebdomadairement jusqu’en 1962. Mais juste après l’indépendance, ce fut silence radio.
Nabila Guemghar
