Par Amar Naït Messaoud
Dans leur grande majorité les harangues politiques servies depuis le début de la campagne électorale, dimanche dernier, sont loin de traduire, ou de prolonger sur le terrain de la réalité l’idée des réformes politiques telle qu’elle fut fiévreusement portée par la presse et les partis au moment des consultations organisées par le président Bouteflika en 2011, via la commission Bensalah, elles confirment plutôt la cacophonie née des derniers agréments de nouveaux partis, ce qui porte le nombre de formations politiques légales à un niveau que seul le registre de courrier du ministère de l’Intérieur peut révéler. En soi, il n’est pas blâmable d’autoriser l’activité politique dans tout son éventail. Il serait même souhaitable d’adopter l’idée qu’avait proposée le secrétaire général du MPA au moment de la délivrance de la seconde vague d’agréments, fin 2011, à savoir la mise sur pied d’un simple système déclaratif. C’est sur le terrain de l’action politique que la décantation est censée s’opérer, à condition de laisser le jeu se faire librement, sans interférences des pouvoirs publics, hormis bien sûr le devoir de faire respecter les lois de la République, à commencer par l’exclusion du champ politique de ceux qui sont à l’origine de ce qui est appelé la ‘’tragédie nationale’‘.
Cependant, cette liberté dans laquelle évoluent, aujourd’hui, les candidats aux élections communales et de wilaya, ne nous exonère pas de jeter un regard critique sur ce qui s’apparente à une grande ‘’kermesse’‘ où se côtoient, d’une part, des forces et des courants tirant leur légitimité et leur sève de la société et, d’autre part, des coteries ou groupements pour lesquels l’exercice de l’activité politique couvre, au mieux, un défoulement ou une fantaisie, et au pire, des intérêts interlopes destinés à prolonger la rapine et la médiocrité ayant pris en otage, pendant des décennies, nos assemblées élues. Avec de telles brumes, la redéfinition du destin politique de l’Algérie prendra du temps. Temps pendant lequel les populations, censées être représentées par des formations politiques, se mettront à reconnaître les leurs. La grande parenthèse du terrorisme intégriste, soit plus d’une décennie, ne pouvait permettre cette reconnaissance sereine et objective. L’instinct de survie, aussi bien des individus que de la nation, s’accommodait mal avec une recherche d’un cadre démocratique, cela se serait même apparenté à une inatteignable coquetterie. C’est ce vent de folie, alimenté d’une part, par une dérive intégriste de l’école et des superstructures idéologiques de l’État, et, d’autre part, par la perversion clientéliste d’une économie qui a pour destin la distribution de la rente, a malheureusement pu avoir raison des immenses énergies post-octobre. Ces dernières furent effilochées, domestiquées et invitées à rentrer dans le sérail. C’est pourquoi, elles n’ont pu tempérer les tentations autocratiques et les pratiques autoritaires du pouvoir politique, ni, par ailleurs, s’armer d’union sacrée et d’énergie contre les ardeurs volcaniques de la poussée islamiste qui a fait couler le sang des enfants d’une même nation. La faiblesse rédhibitoire des démocrates algériens avait indéniablement nourri le courant conservateur pour se redéployer et reprendre les rênes du pouvoir dans la majorité des institutions, après qu’il eut été écrasé et confondu par l’énergie juvénile d’Octobre 88. Ce tandem politique, islamiste et conservateur, ayant de forts atomes crochus et vivant dans un système de vases communicants, forme, malheureusement, le profil de la perspective quasi unique que l’on voudrait offrir aux Algériens. Quelle est la chance des démocrates de ce pays de pouvoir renverser la vapeur et de montrer qu’il y a d’autres voies, celles du salut, autres que celles de la gabegie politico-économique et de l’obscurantisme médiéval?
A. N. M.