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Les plaies encore béantes

Il y a 12 ans, soit le 10 novembre 2000 à 21h30, un violent séisme d’une magnitude de 5,4 a ébranlé la région d’Ath Aidel. 

Les villages des communes de Beni Maouche et Bouhamza, situées sur le versant Est de la montagne d’Achtoug, furent les plus touchés. Les populations, meurtries par ce violent séisme jamais vécu dans la région de mémoire d’homme, continuent de souffrir le martyr. 12 ans après, leur situation sociale ne s’est guère améliorée, elle est caractérisée par un quotidien difficile, vécu dans un dénuement total et une pauvreté aiguë causée par un chômage galopant. Après avoir vécu l’enfer d’une calamité naturelle, qui les a rendus SDF, suite à la destruction massive de leurs habitations, les sinistrés se comptent par milliers. Le village L’hara Ouadda en est un exemple édifiant, pour rappeler aux amnésiques ce que les populations ont enduré durant cette nuit cauchemardesque. Perché sur une colline, il a été complètement détruit et ses habitants, éparpillés un peu partout, ont du mal à comprendre l’attitude des pouvoirs publics qui les ont abandonnés à leur triste sort, comme d’ailleurs les victimes des autres villages. Ce sont en tout 1 646 sinistrés qui ont bénéficié de l’aide de l’Etat pour la reconstruction ou la rénovation de leurs logements dans le cadre individuel et 207 dans le cadre collectif, pour lesquels l’Etat s’était engagé à construire des logements dans des sites créés à cet effet. Certains ont pu construire leurs logements, d’autres rencontrent à ce jour des embûches bureaucratiques émanant des administrations publiques et n’ont donc pas pu mener à terme les travaux de construction de leurs maisons.  Le commun des mortels qui aurait effectué  une visite sur ces sites serait revenu avec un cœur lourd, ayant constaté les souffrances qu’endurent ces sinistrés dont certains, exaspérés par une attente qui perdure, avaient pris le risque de prendre possession de leurs logements avec seulement le gros œuvre de réalisé. Ils y ont vécu dans des conditions de précarité absolue ou les normes d’hygiène les plus élémentaires sont inexistantes. Ces sinistrés ne cessent pourtant de frapper à toutes les portes. La saison hivernale s’annonce rude cette année et les hommes et les femmes commencent déjà à sillonner les sentiers, le dos chargé de fagots de bois. Le gaz naturel demeure pour eux un rêve chimérique : « Nous avons supporté le poids de la révolution, notre région classée durant la guerre zone interdite, a donné un lourd tribut, aujourd’hui, cinquante ans après l’indépendance,  nous faisons la chaîne pour nous approvisionner en bouteilles de gaz qui coûtent cher, quant elles sont disponibles. Nos officiels qui habitent la ville n’ont d’yeux que pour leurs quartiers. Qui se soucie du fait qu’à Beni Maouche, les gens, complètement démunis, se chauffent encore au feu de bois », se révolte un citoyen. Thala Ouadda, un site de 47 logements situé à quelques encablures du chef-lieu communal, au bord de la grande route. Le site semble être abandonné depuis longtemps et les propriétaires des logements, vivant dans des conditions déplorables, ne savent plus à quel saint se vouer. « Il est malheureux de constater que 12 ans après, rien ne s’est amélioré et que plus personne ne semble s’intéresser à notre sort », crie un propriétaire qui n’arrive pas à contenir sa colère et son amertume. Un autre lui emboîtant le pas, lâcha d’un temps ironique : « l’Etat nous a oubliés ! ».  Parmi ces habitants, quelques-uns ont les moyens de finir eux-mêmes les travaux : « J’ai investi toutes mes économies, 150 000,00 DA, pour pouvoir y habiter malgré l’absence des commodités de base. J’ai fui l’ancienne maison, totalement lézardée, de crainte qu’elle ne s’effondre sur nous », dira l’un d’entre eux.  Thaourirth est le 2e site, considéré comme le plus important avec 78 logements. Le manque d’assiette foncière est la seule raison qui a poussé les sinistrés à démolir les anciens logements pour en construire des neufs. Un bénéficiaire n’est pas allé de main morte pour dénoncer les  lenteurs bureaucratiques : « Des 300 000,00 DA, très insuffisants pour la construction du moindre logement, je n’ai perçu que la 1ère tranche. A ce jour, les deux tranches restantes ne m’ont pas encore été versées pour continuer les travaux».  Un autre bénéficiaire d’un logement dans le cadre collectif avoue avoir fini son logement au prix d’une dette de 300.000,00 DA, contractée auprès de tiers : « J’habitais dans un taudis, qu’une âme charitable m’a prêté et qu’elle m’a réclamé au bout d’un certain temps. Voila la raison qui m’a poussé à emprunter de l’argent pour finir ma maison. Depuis je me suis sacrifié en me privant de tout pour rembourser mes dettes ».  

En 2008, une lueur d’espoir avait pourtant pointé à l’horizon, avec l’annonce faite par un ancien wali en visite dans cette commune. Il avait déclaré à chaud qu’il allait prendre en charge ce problème. Il avait informé les habitants qu’il saisirait le ministère pour lui demander des aides de 400 milles dinars rentrant dans le cadre du FONAL et ce pour la continuité des travaux de la deuxième tranche.

L.Beddar

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