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Le vieux routier cherche un abri

«Le vieux routier» a maintenant soixante-quatre années. C’est un bus qui a été mis en circulation en 1948. Malgré son âge et ses longues années de bons et loyaux services, il va certainement encore passer l’hiver, sous les pluies, le froid et la neige.

En l’absence de musée, comme il en existe dans des pays développés qui, non seulement accueillent tout ce qui brillait auparavant, mais surtout le préserve et en constitue une pièce de musée, cet autocar, que nos anciens appellent toujours « La sata », s’érode de jour en jour alors qu’il est le témoin vivant de tout un passé.  

«Nous l’avions quelque peu retapé il y a maintenant quatre années, pour le revendre, d’autant plus qu’il est toujours capable de rendre service, surtout dans les zones touristiques», nous confie le propriétaire, en regrettant de ne pas lui avoir trouvé preneur, jusqu’à ce jour. Au demeurant, ce vieux véhicule de transport, demeure une véritable curiosité pour les badauds qui passent par la « Cité indépendance » où il est garé. « Je ne me lasse pas de le regarder, de le toucher et d’en faire le tour à chaque fois que je passe par là », nous confie Aâmmi  Slimane, un retraité qui se remémore la première fois où il avait vu un autocar. « Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse de cet autocar, mais il était identique. C’était un samedi. Je m’en souviens, c’était un jour de marché hebdomadaire à Tizi-Gheniff, j’avais accompagné mon défunt grand-père pour la première fois. J’avais la chance de me trouver sur la grande rue durant son passage. J’étais émerveillé par son gigantisme », nous déclare notre interlocuteur. Pour sa part, Si Amar, un notable de la cité qui a beaucoup voyagé ne cache pas son amertume de voir un « tel gâchis », lui qui avait visité tant de musées en Europe.    

« J’étais émerveillé par le Louvre à Paris, « Mme Tussaux » à Londres, mais là où je suis tombé des nues, c’est en visitant à Bruxelles « l’Atomium », construit à l’occasion de l’Exposition universelle de 1958 où j’avais pu voir, de mes propres yeux, les ustensiles avec lesquels Pierre et Marie Curie avaient fait leurs découvertes sur la radioactivité. C’était un matériel très rudimentaire et primitif », nous déclare notre interlocuteur, avant de nous inviter à interroger le premier jeune qui vienne à passer, sur les véhicules anciens tels la « Dauphine », la « P60 », la « R8, R10 » etc.…    

Pour la plupart des jeunes de la cité qui n’ont pas été éduqués dans la préservation du patrimoine, cet ancien moyen de transport, comme toute vieille chose, n’a pas le droit d’être cité. « Il y a plein d’anciens véhicules qui jonchent à l’intérieur des jardins et devant de nombreuses habitations, et qui sont complètement rouillées », nous confient-ils, eux qui n’ont jamais eu l’occasion de visiter ne serait-ce qu’un seul  musée. 

Essaid Mouas 

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