Retrouvailles, convivialité et couscous à profusion

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C’est fou ce qu’un petit village de la taille d’un mouchoir de poche peut attirer de monde le jour de l’Aïd Ameziane. Chaque année, en effet, et depuis des siècles et des siècles, des centaines de personnes pour célébrer l’Aïd Ameziane de façon tout à fait particulière se donnent rendez-vous au charmant village d’Aït Sidi El-Mouloud situé à quelques encablures à l’ouest de Bgayet. Les visiteurs viennent de partout, des villages voisins, bien sûr, mais aussi de la ville. L’accueil est chaleureux et l’ambiance conviviale. Des jeunes, des moins jeunes et même des vieillards appuyés sur leurs cannes y affluent dès 9 heures du matin pour ne rien rater de la célébration. Celle-ci consiste en fait en la prière de l’Aïd accomplie dans la petite mosquée qui renferme le mausolée de l’ancêtre du village Aït Sidi Mouloud, après les embrassades et les pardons mutuels et en attendant 11 heures, heure de la grande affluence pour le repas, qui est en fait le cœur de la cérémonie. Les visiteurs se répartissent en petits groupes et se mettent sous les oliviers et les caroubiers environnants le long de la route où s’asseoient sur des banquettes de fortune dans la cour de la mosquée, où des jeunes leur servent au choix et à volonté du café et du thé à la menthe, ils discutent des choses de la vie comme le plaisir du jour de l’Aïd, les prix des fruits et légumes durant le mois de Ramadhan, les résultats sportifs, et sans aucun doute, à un groupe, on n’a pu s’empêcher d’évoquer les élections partielles prochaines.Quant au repas, proprement dit, il consiste en un succulent couscous accommodé selon la recette authentique de sa préparation, c’est-à-dire un couscous de semoule roulé la nuit même de l’Aïd est annoncé, arrosé d’une sauce riche en légumes et accompagné d’un vrai morceau de viande, qui remplit bien la main gauche et qui provient d’une belle bête abattue la veille. Pour respecter la tradition ancestrale de la manifestation, le couscous est servi dans de grandes assiettes en terre cuite et vernissée et les convives, selon leurs affinités, se groupent à trois ou quatre autour d’une même assiette. Et des serveurs, tous du village hôte, veillent, discrets, à ce que rien ne manque aux convives. La viande est offerte, comme dans l’ancien temps, c’est-à-dire dans un couffin de paille et chaque convive choisit lui-même le morceau qui convient.“Cette manière de célébrer l’Aïd Ameziane, remonterait, selon un sage du village, à une époque très lointaine où les Kabyles, fuyant les envahisseurs de tout acabit, avaient renoncé aux plaines d’abondance pour s’installer et vivre libres sur les montagnes”. D’ailleurs, c’est grâce à ces montagnes d’accès difficile, continue le sage, que les Kabyles ont pu conserver leur langue et leur culture. Les visiteurs interrogés estiment qu’ils ont une chance merveilleuse de célébrer la fête de l’Aïd Ameziane à Aït Sidi El Mouhoub, car cela leur a permis de se retrouver, de réaffirmer leur fraternité et de se sentir solidaires les uns des autres. Ils jugent que cette tradition, il faut absolument la perpétuer. Un grand coup de chapeau est néanmoins à donner aux habitants du village Aït Sidi El Mouhoub qui malgré la cherté de la vie et leur modeste condition ont pu conserver cette tradition, en mettant chaque année la main à la poche pour bien recevoir ceux qui leur font l’honneur de leur rendre visite avant même leur propres parents.

B. Mouhoub

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