Alors qu’on croyait le mouvement de protestation des travailleurs de l’ERENAV de Béjaïa être une simple action porteuse de revendications socioprofessionnelles, certaines réalités, mises en évidence par les travailleurs, laissent croire que l’avenir même de l’entreprise se trouve compromis. En effet, une lettre ayant comme objet une demande de réintégration des six travailleurs licenciés dernièrement, adressée, mercredi dernier, par le conseil syndical de l’unité de réparation navale de Béjaïa à la présidence du directoire de la SGP/GESTRAMAR, révèle certains faits qui, selon les rédacteurs de ce document, sont la cause de la crise qui secoue actuellement l’entreprise. Les travailleurs, qui sont en grève depuis mardi dernier, se retrouvent entre le marteau de leur direction qui continue à tourner le dos à leurs revendications et l’enclume d’un licenciement massif après le 31 décembre prochain, date d’arrivée à terme des contrats de plus de 190 travailleurs. La direction de l’ERENAV a « arbitrairement » relevé de leurs fonctions trois syndicalistes et autant de travailleurs, pour avoir initié la grève du mois d’avril dernier, considérée comme illégale. Les syndicalistes, dans leur lettre, dénoncent vivement ce licenciement et accusent leur direction de vouloir contenir leur mouvement et voient en cette sanction une tentative de neutralisation. « Tous les subterfuges sur lesquels ils se sont appuyés pour prendre cette grave sanction corroborent la thèse d’un sordide complot qu’ils ont fomenté et exécuté par un simulacre de procédures disciplinaires entaché d’irrégularités, de bout en bout, tant sur le plan de la forme que celui du fond, pour le seul but évident de nous neutraliser dans le but d’exécuter, sans gène aucune, leur plan macabre de licenciement massif après le 31/12/2012, date de la fin de contrats de plus de 190 travailleurs », écrit le conseil syndical dans sa lettre. Selon les travailleurs, si, aujourd’hui, plus de 190 postes d’emploi risquent de s’envoler, c’est que la décision prise par la direction le 14 mai dernier, qui est d’augmenter de 25% les salaires de tout le personnel, de doubler les frais de mission et d’étendre de 18 à 24 mois le pécule de retraite, a mis à genoux l’entreprise. « Le recours à cette solution (licenciement massif) s’impose à eux de manière irréversible pour, évidemment, pallier à leur décision irréfléchie. Une décision inconséquente et suicidaire qui va assurément et irrémédiablement hypothéquer l’avenir de notre entreprise car les prévisions sur lesquelles ils se sont fondés se sont avérées hasardeuses », écrivent également les travailleurs. Un tel engagement relève de la « maladresse », disent les travailleurs, d’autant plus que les piètres résultats enregistrés à cette époque et le divorce avec le client habituel MDF/CFN, qui a changé de prestataire pour des besoins de modernisation, ne permettaient pas à l’entreprise de telles « folies ». Même avec ces augmentations, d’ailleurs, le problème des disparités des salaires entre les cadres et les simples ouvriers, les travailleurs de Béjaïa et ceux d’Alger, demeure entier. Parmi les mis en cause, le secrétaire général du syndicat d’entreprise qui a négocié cette erreur préjudiciable pour l’entreprise en ayant un intérêt personnel qui n’est pas des moindres, lit-on sur la lettre. « Celui-ci a introduit sa demande de retraite après quatre mois de son forfait, avec dans la poche un pactole de sortie de 3 200 000,00 DA et une pension de retraite bien dorée, avant de réintégrer l’ERENAV comme contractuel », révèle le conseil. Pour ce qui est du mouvement de grève, les travailleurs sont catégoriques : tant que les revendications restent lettre morte, l’ERENAV de Béjaïa restera paralysée, a-t-on appris auprès des travailleurs, jeudi dernier. Force est de dire que les différentes « intimidations » de la direction de l’ERENAV, dont la dernière était de traduire en justice les initiateurs de l’actuelle grève, n’ont fait qu’augmenter le sentiment d’indignation des travailleurs qui promettent une suite très agitée pour le mouvement. Cette semaine, ils prévoient, en effet, la fermeture de plusieurs artères névralgiques de la ville. Persuadés qu’ils seront licenciés d’ici la fin de l’année de toute façon, les grévistes tentent le tout pour le tout, a-t-on signifié. Pour rappel, les travailleurs de l’entreprise de réparation navale de Béjaïa revendiquent, entre autres, la révision de leurs salaires et leur alignement avec ceux de l’unité d’Alger, l’intégration des contractuels, le paiement des heures supplémentaires et la qualification d’office, selon la loi en vigueur.
M. A. K.