Inscrivant ses activités dans le cadre de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance, le café littéraire de Tizi Gheniff, initié par la librairie KLMI et éditions, a invité samedi dernier, Mme Louisa Ighilahriz, Moudjahida dont le parcours combattant est connu et reconnu.Autres les habitués de ces rencontres littéraires, plusieurs citoyens des localités environnantes sont venus rencontrer celle qui, après quarante années de souffrance, a osé parler de la torture pratiquée par l’armée française pendant la guerre de libération, particulièrement envers les femmes, en nommant ses tortionnaires, tels le général Maurice Schmitt, jadis lieutenant de l’armée française en Algérie, devenu chef d’état-major des armées au début des années 1990, ainsi que les tristement célèbres, le général Bigeard et le capitaine Graziani, qui périra le 6 janvier 1959 à Ait Yahia Moussa. Aussi, les organisateurs du café littéraire, s’attendant à une assez importante affluence, avait décidé d’aménager la grande salle du complexe sportif de proximité à la place de celle du foyer de jeunes trop petite pour accueillir cet important rendez-vous. Après avoir reçu un accueil chaleureux, la Moudjahida Louisette Ighilahriz, fut invitée à prendre place à la tribune d’honneur, avant de prendre la parole. L’oratrice parlera, tout d’abord, de son enfance et de sa famille, tout en s’attardant longuement sur son défunt père et l’éducation dont elle fut imprégnée. «Je suis née le 22 aout 1936, à Oujda au Maroc où mon père était gendarme. Je suis la quatrième d’une famille de dix enfants», dira-t-elle avant de nommer frères et ses sœurs, avant d’enchainer sur sa scolarité au Maroc, puis sur le retour de sa famille à Alger où son père, retraité tiendra une boulangerie à El-Biar, avant le déclenchement de la Révolution. «Le 1er novembre 1954, papa nous a réunis dans la salle à manger pour nous déclarer que c’est la fin de l’humiliation. C’est la Révolution ! J’ai fait don de votre vie à l’Algérie. Vous comprenez ? Maintenant, il faut que chacun d’entre vous accomplisse son devoir», racontera Louisette Ighilahriz, la gorge nouée, ses yeux emplis de larmes. Le récit deviendra de plus en plus poignant quand elle arrivera dans sa narration au moment de sa capture à Chebli, lorsqu’elle fut criblée de balles et conduite au fameux 10ème DP des parachutistes au Paradou, où elle subira, malgré son infirmité les plus abjectes tortures. «Je n’ai jamais pensé qu’il y aurait au monde, un seul homme qui puisse humilier, torturer, déshonorer de la sorte un autre être humain et aller jusqu’à jouir de la souffrance de sa victime, complètement seule et nue … », dira l’oratrice en larmes, dans une salle silencieuse, où les plus âgés parmi l’assistance, qui ont vécu la guerre de libération, se remémoraient ces souffrances. Louisa Ighilahriz parlera, également, de son ange gardien, le commandant-médecin Francis Richaud, qui la sauvera des mains des parachutistes. Elle finira son récit par raconter son jugement par le tribunal permanent des forces armées, puis la prison de Serkadji où elle retrouvera presque toute sa famille, sa grand-mère, son père et ses sœurs, avant son transfert vers d’autres pénitenciers jusqu’au 16 février 1962 où, assignée à résidence à Bastia (Corse), elle arriva à s’évader avec l’aide de son avocat et d’autres militants français.
Essaid Mouas
