Après les élections législatives, locales et sénatoriales, les citoyens administrés s’attendent légitimement à une meilleure prise en charge de leurs problèmes, sans se faire, néanmoins, de grandes illusions sur les limites qu’une telle mission comporte dans un système globalement engoncé dans une centralisation excessive et étouffante.
Qu’à cela ne tienne, les populations ne semblent pas baisser les bras et ne croient pas à la fatalité. Il s’agit, comme le clame des représentants d’un comité de village, de « mettre les élus devant leurs responsabilités, quitte à ce que, eux aussi, revendiquent plus de prérogative auprès de qui de droit ». On comprend ici que le gouvernement Sellal, même s’il semble baigner dans une sorte de climat de transition- dans l’attente de la grande échéance présidentielle d’avril 2014- a du pain sur la planche sur le plan socioéconomique. Sellal, lui-même, ne s’en dérobe pas. Il a fait de l’amélioration du niveau et de la qualité des services publics son cheval de bataille, et ce, dès sa prise de fonction le 4 septembre 2012. Il s’agit maintenant de savoir comment, au-delà des obédiences et des chapelles politiques sous lesquelles se sont déroulés les scrutins de l’année dernières, positiver et »rentabiliser » le travail des différentes assemblées au profit des populations, dans une conjoncture où tout semble manquer pour le développement local- rationalité bonne gestion, participation citoyenne, sens de l’aménagement du territoire,…- sauf…l’argent! En effet, l’aisance financière du pays- même si, sur le plan de la philosophie économique, est sujette à caution-, n’a jamais atteint les sommets qui sont aujourd’hui les siens. C’est paradoxalement en ces circonstances, que les distorsions les plus criardes au sein des couches sociales et des régions du pays ont eu l’occasion de se manifester et de prendre racine. La réunion des 48 walis, quelques semaines avant les élections locales du 29 novembre dernier, avait porté sur la politique du développement local, ainsi que sur et le rôle dévolu aux assemblées élues et aux structures administratives dans cette vaste et noble mission. Sur un autre plan, les réformes annoncées par le président de la République le 15 avril 2011 n’ont pas explicitement fait référence au développement local ni aux structures et acteurs chargés de sa coordination et de sa réalisation. La prochaine révision constitutionnelle est-elle à même d’apporter du nouveau en matière de décentralisation des institutions et de l’administration et sur le plan du découpage du territoire ? Car, ce sont imparablement là les outils majeurs du développement local, parallèlement, bien sûr, à la promotion du tissu associatif. Les nouveaux codes de la commune et de la wilaya, adoptés en 2011, ne semblent pas avoir apporté une « révolution » en matière de gestion de ces deux entités, puisqu’ils reconduisent, à quelques exceptions près, le contenu des anciens codes qui ont consacré la suprématie de l’administration sur les structures élues.
La même logique anime les structures de l’État à tous les niveaux.
»Ce sont les technocrates qui promulguent les lois et les révisent (…), alors que c’est un rôle qui doit incomber aux élus. Cela pose un réel problème de représentativité (…) Au lieu que ce soit le gouvernement qui propose les lois, il se trouve que le Premier ministre délègue ce rôle aux ministres qui, à leur tour, le délèguent à des bureaux ou cabinets spécialisés composés de technocrates qui ne se référent jamais aux élus dans leurs élaborations », observait le professeur Yellès Chaouche de l’université d’Oran, lors de son intervention au cours d’une journée d’études consacrée à « l’élu et l’électeur » en 2009.
Faible intégration intersectorielle
Il est établi que le développement local est le résultat ou la combinaison des actions, menées sur un même territoire bien défini, par des structures administratives, des instances élues, des organisations professionnelles ou scientifiques, des associations,…etc. Cependant, dans la phase de développement actuelle de notre pays, le constat le plus partagé est que les questions inhérentes au rôle des élus et à leur relation avec l’administration n’ont pas fini de se poser d’une manière aigue et abrupte dans l’édifice institutionnel national, comme elles ne manquent de se cristalliser dans diverses problématiques, lesquelles, toutes, convergent vers le grand thème générique de la bonne gouvernance. C’est dans ce climat d’interrogations et de flou artistique que les communes, d’autres de nouvelles assemblées élues, sont censées affronter leur nouveau quinquennat sans qu’elles soient sollicitées pour donner le bilan de gestion des cinq années passées. À la vitesse à laquelle évoluent les événements dans notre pays, ce bilan risque de ne pas être établi; les nouvelles assemblées sont déjà prises dans le tourment des contestations sociales, particulièrement celles inhérentes à la distribution de logements sociaux, même si les listes des bénéficiaires sont établies par les daïras. L’on se souvient que les questions liées à la gestion locale, à la décentralisation et aux rôles des élus ont été développées en profondeur par Conseil national économique et social (CNES) lors des séminaires régionaux et des assises qu’ils a tenus pendant le deuxième semestre de 2011. Pour que les recommandations de cette institution consultative soient portées sur le terrain de la pratique, elles réclament une nouvelle ossature administrative et une réforme profonde de l’actuelle »chaîne de commandement » qui préside au développement local. Tel qu’il est pratiqué et structuré depuis l’indépendance du pays, force est de reconnaître que le développement local n’a pas pu être bâtie sur une articulation harmonieuse des institutions chargées aussi bien de sa conception que de sa mise en œuvre. Son action a, par conséquent, lourdement pâti du défaut de fluidité et d’un patent déficit de la transparence
C’est, inéluctablement, en resituant tous les acteurs du développement local sur une carte rénovée, bâtie sur des principes irréprochables de la bonne gouvernance, et en harmonisant les rôles et les missions des structures et instances desquelles relèvent ces acteurs, selon l’équilibre des pouvoirs locaux, qu’une nouvelle voie pourra être ouverte dans le sens de la promotion du concept de développement local, dont la finalité dernière est la promotion du citoyen et de la collectivité.
Amar Naït Messaoud

